Potentiel minier sous-exploité ou inexploité (2e partie) : le cas de l’Égypte

(Ecofin Hebdo) - Ils disposent d’un sous-sol assez riche, hébergeant d’immenses ressources minérales, mais leurs secteurs miniers ne contribuent encore que faiblement (ou pas du tout) à l’économie. Nombreux sont ces pays africains qui n’arrivent toujours pas à valoriser leur important potentiel minier, malgré une hausse des prix des matières premières. Les raisons varient entre un manque de volonté politique et l’absence de mesures efficaces pour attirer les investisseurs. Zoom sur l’Égypte, une juridiction longtemps boudée par les investisseurs et où l’Etat semble enfin décidé à tirer parti des richesses de son sous-sol.

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Réserves minières pharaoniques…

Février 2020, Endeavour Mining, compagnie minière active sur divers projets aurifères en Afrique de l’Ouest, indique la fin de ses négociations de fusion avec Centamin, une société qui opère sur la mine d’or Sukari en Égypte. Si cette tentative de fusion a échoué, elle aura, l’espace de quelques mois, suscité beaucoup d’espoir chez les autorités égyptiennes.

 1 Tarek el Mola

Tarek el-Mola : « L’offre d’Endeavour donnera un message positif. »

 

En effet, Sukari est la seule mine en exploitation du pays, et une arrivée d’Endeavour aurait marqué la concrétisation du regain d’intérêt des investisseurs étrangers pour le secteur minier.
« L’offre d’Endeavour donnera un message positif sur le désir d’une entreprise internationale d’être en Égypte et encouragera d’autres entreprises à venir », déclarait en décembre dernier à Reuters, Tarek el-Mola, ministre égyptien du Pétrole et des Ressources minérales.
Le fait qu’une seule compagnie étrangère exploite aujourd’hui de l’or en Égypte pourrait laisser croire que le pays des pharaons ne dispose pas de grandes ressources minières, il n’en est rien.

Le fait qu’une seule compagnie étrangère exploite aujourd’hui de l’or en Égypte pourrait laisser croire que le pays des pharaons ne dispose pas de grandes ressources minières, il n’en est rien.

Le secteur minier égyptien reste peu développé avec seulement trois principaux acteurs étrangers, en l’occurrence Centamin, Aton Resources et Thani Stratex. En janvier 2017, les autorités ont organisé un appel d’offres international pour l’exploration et l’extraction de l’or, qui n’a pas produit les résultats escomptés. Seules quatre compagnies sont reparties avec des concessions : il s’agit de la société britannique Veritas Mining Limited, Ghassan Spain Investment, la société égyptienne East Gas Company et l’australien Resolute Mining.

 2 Abu Marawat

Aton Resources a décroché le permis pour sa concession minière Abu Marawat

 

Pourtant l’Égypte dispose d’un sous-sol bien garni. Ses richesses minières varient de l’or au cuivre, en passant par l’argent, le zinc, le platine et un certain nombre d’autres métaux précieux et de base. Avec des réserves estimées à 6,7 millions d’onces d’or, 48 millions de tonnes de tantalite (quatrième réserve mondiale) et 50 millions de tonnes de charbon, l’Égypte a le potentiel pour devenir l’une des principales juridictions minières au monde.

 

Longtemps boudée par les investisseurs

Pour réaliser son classement annuel des juridictions minières mondiales les plus attractives pour les investisseurs, Fraser Institute se base principalement sur deux facteurs : le potentiel minéral (60%) et les politiques minières (40%). Les rapports du think tank, qui font référence dans le secteur minier, traduisent à quel point les investisseurs accordent presque autant d’importance aux réglementations minières qu’aux richesses des sous-sols.

En Égypte, les politiques minières en vigueur ont pendant longtemps découragé les compagnies étrangères. Ces dernières se plaignaient du fait que le système égyptien de coentreprises obligatoires, de redevances élevées et d’accords de partage de bénéfices rendait l’exploration et l’exploitation des minéraux peu rentables.

Le système égyptien de coentreprises obligatoires, de redevances élevées et d’accords de partage de bénéfices rendait l’exploration et l’exploitation des minéraux peu rentables.

En 2018, les mêmes points ont été soulevés par le cabinet Wood Mackenzie en 2018 lorsque le gouvernement lui a demandé d’auditer la législation en vigueur et de faire des recommandations pour des politiques qui encourageraient l’investissement dans l’industrie minière. L’audit a évalué les obstacles et les points négatifs dans le secteur minier et a identifié les principales exigences pour faire de l’Égypte un pays attractif pour l’exploration minière.

En conséquence, le 14 janvier 2020, le gouvernement a officiellement annoncé une nouvelle réglementation qui modifie le système des accords de partage de la production en un système de rente, de redevances et d’impôts. Elle supprime la nécessité pour les compagnies minières de former des coentreprises avec le gouvernement et limite les redevances du pays à un maximum de 20 %. L’objectif indiqué est de libérer le potentiel des ressources minérales du pays en se concentrant principalement sur le secteur de l’extraction de l’or.

 

Le gouvernement semble déterminé à changer la donne…

Dans le rapport «Global Growth Projections» publié en mai 2018, l’Égypte est classée au troisième rang des pays qui enregistreront la plus forte croissance économique au monde, d’ici à 2026. Le gouvernement égyptien semble avoir compris que s’il veut atteindre cet objectif avec une croissance de 6,63%, aucun secteur potentiellement prometteur ne devra être négligé, en témoignent ses nombreuses actions pour redonner vie au secteur minier. Si l’adoption de la nouvelle réglementation minière en début d’année traduit définitivement cette détermination, elle a été précédée de plusieurs initiatives.

En effet, les efforts du gouvernement égyptien pour soutenir les investisseurs miniers comprennent, entre autres, l’électricité à bas prix pour le traitement de la production et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée.

Les efforts du gouvernement égyptien pour soutenir les investisseurs miniers comprennent, entre autres, l’électricité à bas prix pour le traitement de la production et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée.

L’Égypte est en train de développer une grande «ville de l’or» avec pour espoir de stimuler l’industrie minière et attirer des milliards de dollars d’investissements étrangers. Première du genre au monde, la «ville de l’or» sera construite sur 130 000 mètres carrés dans la zone économique du canal de Suez. Elle aura pour but d’apporter des solutions aux besoins des entreprises minières en matière de technologie de forage, de technologie et d’équipement de traitement des minéraux, d’ingénierie, de traitement, de construction clé en main et de conseil pour aider à établir les importantes infrastructures nécessaires à l'industrie minière dans le pays.

 

Pour une ruée vers l’or égyptien…

Le gouvernement a octroyé en février dernier un permis d’exploitation aurifère à Aton Resources pour sa concession minière Abu Marawat. Le permis couvre une période de 20 ans avec une prolongation optionnelle de 10 ans. Il faut noter que depuis le bail accordé en 2005 à Centamin pour la seule mine d’or en opération dans le pays (Sukari), plus aucune compagnie n’avait jusqu’alors reçu de permis d’exploitation.

« Ce nouveau permis souligne le nouvel engagement de l’Égypte à développer son secteur d’exploration et d’exploitation minières. […] Nous pensons que l’octroi de notre licence ouvrira la voie à un avenir brillant », a commenté le PDG d’Aton, Mark Campbell.

Et l’avenir brillant auquel il fait allusion ne devrait pas tarder à se concrétiser si les réformes engagées jusque-là par les autorités égyptiennes commencent par porter des fruits. Le Caire lancera, ce mois, un nouvel appel d’offres international pour octroyer des permis d’exploration sur 320 blocs couvrant une zone d’environ 56 000 kilomètres dans le désert oriental et la mer Rouge. Cette échéance constituera le premier véritable test de l’impact que la nouvelle réglementation minière a sur la perception qu’ont les investisseurs étrangers du secteur minier égyptien.

 

Sukari, la seule mine d’or égyptienne en exploitation

En 2017, la firme britannique BMI Research citait la modification de la politique minière de l’Égypte parmi les facteurs susceptibles d’impulser une croissance d’environ 6 % au secteur de l’or, d’ici 2021. Si le pays semble bien parti pour réussir cette performance, la seule mine d’or en exploitation reste Sukari, exploitée par Centamin, une société basée à Jersey.

3 sukari g mine

 

Située dans une concession qui couvre 160 km2 dans le sud-est du désert arabique, la mine Sukari se trouve à environ 25 km de la mer Rouge. Elle est entrée en production commerciale en 2010 et la capacité de l’usine de traitement a été progressivement augmentée, au fil des années qui ont suivi. Aujourd’hui, le gisement produit annuellement environ 500 000 onces d’or, ce qui en fait l’une des plus grandes mines aurifères d’Afrique. Elle emploie 1300 personnes, selon les données disponibles sur le site de la compagnie.

4 sukari

 

Avec des réserves minérales d’or de 8 millions d’onces à la date de juin 2017, et un important potentiel d’exploration, la mine a encore plusieurs années devant elle, si les opérations se poursuivent au rythme actuel. Sa durée de vie, estimée au début de l'exploitation, était de 20 ans.

 

Louis-Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

 

 

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