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Où en est la réallocation des 100 milliards $ de DTS ?

  • Date de création: 02 juin 2023 15:06

(Agence Ecofin) - En 2021, les pays du G20 ont pris une décision historique : celle de réaffecter 100 milliards de dollars en Droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays en développement. Ces derniers, aux prises avec les conséquences économiques de la crise sanitaire, ont en effet un besoin urgent de ressources financières. Deux ans après cette promesse, où en sommes-nous ?

« La solution que nous avons mise en place est une combinaison de capital hybride et d'un mécanisme de liquidité. L'option sélectionnée implique donc l'endettement. En d'autres termes, les pays riches font un prêt perpétuel en DTS à la Banque africaine de développement (BAD). Cette structure nous permet de comptabiliser ce prêt comme des fonds propres ».

Ces propos de Hassatou Diop N'Sele (photo), vice-présidente par intérim chargée des finances et cheffe de la direction financière, recueillis par l’Agence Ecofin lors des assemblées annuelles de la BAD à Charm el-Cheikh en Egypte, fin mai, révèlent la complexité de ce processus de réaffectation, qui depuis qu’il a été pompeusement annoncé par les pays du G20, en tête la France, peine à se concrétiser, alors que les besoins de financement en Afrique explosent. Coupés des marchés financiers internationaux, les Etats africains font face au grand dilemme du financement. Eux qui ne représentent qu'entre 3 et 4% des émissions de gaz à effet de serre, mais qui subissent de plein fouet les conséquences immédiates du changement climatique.

La répartition inéquitable des DTS et l'engagement du G20

Et pourtant l'engagement du G20 en 2021 de réaffecter 100 milliards de dollars en Droits de tirage spéciaux (DTS) avait tout d'une idée salutaire.

Rappelons que les DTS sont des actifs de réserve du Fonds monétaire international (FMI), utilisés par ses membres pour compléter leurs réserves officielles. Ils représentent une forme d'actifs de réserve internationale, que les pays peuvent convertir en cinq devises majeures : le dollar, l'euro, le yen, la livre sterling et le yuan.

Les faits : Au sortir de la crise sanitaire, le Fonds avait débloqué un montant historique de 650 milliards $ de DTS pour compléter la liquidité mondiale afin de permettre aux pays de faire face aux nouvelles dépenses induites par les contingences sanitaires. Cependant, la répartition des DTS devrait refléter la taille des économies membres, ce qui signifie que les pays riches et les grandes économies, qui en avaient moins besoin, se sont retrouvés avec la majorité de ces actifs de réserves internationales. Les pays à revenu faible et intermédiaire, dont le besoin de financement durable et de renforcement de leurs réserves officielles est le plus grand, ont reçu une part bien moindre. Des « miettes », s’était consterné le président sénégalais Macky Sall. Quant à l'Afrique particulièrement, elle n'a reçu qu'une part relativement modeste de cette enveloppe financière, représentant seulement 3% des allocations totales. 

Face à cette dure réalité, les pays du G20, regroupant les économies les plus puissantes du monde, ont décidé de réaffecter une partie de leurs DTS, une promesse de 100 milliards $ à réorienter vers les pays en développement, dont une bonne partie se trouve sur le continent africain. Certains pays, comme le Japon et la France, ont même relevé leur engagement en promettant de réorienter 40% de leur nouvelle allocation de DTS perçus de l’institution de Bretton Woods, le double de ce qu’ils avaient initialement promis. Il faut le rappeler :  jusqu’à présent, peu de pays (riches) ont utilisé leurs nouveaux DTS en dehors des mécanismes du FMI lui-même, ce qui conforte la thèse selon laquelle ils étaient moins dans le besoin. 

Obstacles techniques, politiques et juridiques à la réaffectation  

Sauf que depuis ces promesses, entre les engagements et les décaissements le fossé est abyssal. L’opération s'est avérée plus complexe que prévu. Malgré une mobilisation internationale et des engagements fermes de plusieurs pays du G20, la réallocation des DTS s'est heurtée à des obstacles politiques, techniques et juridiques.

Pour faciliter le processus, le FMI avait rapidement mis en place une nouvelle stratégie de financement pour son Fonds pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) et créé le Fonds pour la résilience et la durabilité axé sur le climat (FRS). Concrètement, le FRPC devrait apporter un soutien financier précieux en finançant des programmes visant à réduire la pauvreté et stimuler la croissance économique dans les pays en développement. Parallèlement, le FRS est censé se concentrer sur le renforcement de la résilience face aux changements climatiques et la promotion de la durabilité environnementale. 

Toutefois, ces mécanismes de l’institution monétaire ne permettent de réaffecter que 63 milliards de dollars en DTS, laissant un solde de 37 milliards de dollars de l'engagement initial du G20, soit même plus. 

Capital hybride, proposition portée par la BAD

Dans ce contexte, deux propositions ont émergé : celle d'un « capital hybride » portée par la Banque africaine de développement (BAD) et rejointe ensuite par la Banque interaméricaine de développement (BID), et celle d'une « obligation en DTS » proposée par Stephen Paduano, Théo Maret et Brad Setser, trois économistes de renom, très actifs sur la question. 

Ces approches quoique innovantes ont tout aussi vite suscité l'intérêt, mais elles ont aussi rencontré des résistances. 

Les règles actuelles de la Banque centrale européenne (BCE) stipulent qu'un pays ne peut pas redistribuer ses DTS tout en les comptabilisant comme des réserves. Cela crée un obstacle pour les pays européens comme la France qui souhaitent contribuer à la réallocation des DTS.

« Avec le Japon et la Grande-Bretagne, nous sommes en bonne voie dans les discussions. Nous devons également continuer avec deux autres pays. La France, quant à elle, fait face à un problème : la Banque centrale européenne (BCE) interdit la redistribution des DTS tout en les comptabilisant comme des réserves », a confié Hassatou N’Sele Diop à l’Agence Ecofin

L’obstacle appelé BCE

En effet, la BCE s'inquiète que la réallocation des DTS vers les Banques multilatérales de développement (BMD) puisse être perçue comme un « financement monétaire », sujet tabou pour les banques centrales dans l'architecture financière actuelle. Or, les pays de la zone euro jouent un rôle de premier plan dans l’initiative. Bien que les trois plus grands détenteurs de DTS ne soient pas des pays de la zone euro - à savoir les Etats-Unis, le Japon et la Chine - la zone euro détient collectivement la plus grande réserve mondiale de DTS (200 milliards de dollars), soit plus de 21 % des DTS mondiaux. 

Parmi les 24 pays qui se sont engagés à réorienter une partie de leurs DTS, la moitié d'entre eux, soit 12 pays, sont des pays de la zone euro, d’après des investigations de l’Agence Ecofin.  

Certes la BCE n'a pas encore pris de décision concernant la réorientation des DTS vers les BMD, mais Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré à deux reprises que cette réorientation serait probablement « incompatible avec le cadre juridique de l'UE ». Elle a expliqué que cette réorientation remettrait en question la nature d'actif de réserve des DTS et violerait l'interdiction du financement monétaire.

Juste cinq pays pour enclencher le processus

De son côté, la BAD reste convaincue que le recours à un mécanisme de capital hybride lui permet de naviguer astucieusement autour de « ses interprétations » des régulations actuelles de la zone euro, insiste Hassatou Diop. Renforçant les propos de son président, Akinwumi Adésina, qui, du lutrin de ce panel présidentiel le mardi 23 mai dernier, lors de la cérémonie d’ouverture des assemblées annuelles, au détour de ses sept axes clés pour bâtir une nouvelle architecture financière mondiale plus équitable, avait fait de la question des DTS un point névralgique de son discours. 

« Pour lancer maintenant la réallocation des DTS aux banques de développement multilatérales, nous avons besoin d'un minimum de cinq pays », avait-il clamé du haut de sa voix de stentor. 

« Notre solution est une réponse aux critères d'actifs de réserve. Cela signifie qu'un pays qui décide de redistribuer ses DTS à une banque de développement multilatérale peut toujours les compter comme des réserves. Par exemple, si la Grande-Bretagne décide de redistribuer 500 millions à la Banque africaine de développement, elle peut continuer à les compter comme des réserves britanniques », détaille pour sa part, la financière sénégalaise. 

Et d’appuyer : « Il y a certains critères à respecter pour cela. En tant qu'actifs de réserve, il y a des critères de crédit et de liquidité à respecter. La solution que nous avons mise en place répond à ces critères ».

Des arguments pour démonter la BCE

Cette assertion est d’ailleurs partagée, et soutenue par Stephen Paduano, directeur de recherche à la Commission de gouvernance économique mondiale de la London School of Economics, dans un rapport intitulé « Le réacheminement des DTS vers les Banques multilatérales de développement n'est pas toujours et partout assimilé à un financement monétaire, conformément aux règles de la BCE ».

Dans son document de 14 pages, cet économiste avance l'argument selon lequel l'accès préalable de la Banque européenne d'investissement (BEI) à la facilité de pension (repo) de la BCE, ayant même emprunté 13 milliards d'euros auprès des banques centrales de la zone euro, témoigne du fait que la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro ont la capacité de réaffecter des actifs de réserve tels que les DTS aux BMD. De plus, il argue que les DTS sont régis par l'Accord sur les actifs financiers nets (ANFA) des banques centrales nationales de la zone euro, ce qui leur accorde une plus grande autonomie sur leur utilisation.

Malgré ces arguments, la question de la réaffectation des DTS continue de rencontrer quelques résistances, notamment, la proposition de « capital hybride » de la Banque africaine de développement (BAD) et de la BID, qui consisterait à utiliser les DTS pour augmenter leur capital et leur capacité de prêt. 

L’Afrique attend… toujours 

Pourtant, la BAD reste déterminée. Selon ses estimations, l'organisation serait en mesure de multiplier par trois ou quatre les DTS qui lui seraient attribués. Cependant, la mise en œuvre de ce plan nécessite la sélection de cinq candidats, une tâche à laquelle la BAD s'attelle avec diligence.

Pendant que les technocrates à Bruxelles et Washington s'écharpent sur la légalité, l'Afrique, elle, attend. Elle attend avec l'espoir que ces promesses de réaffectation des DTS ne soient pas des chimères, mais des solutions tangibles pour sortir un peu de la spirale infernale de l'endettement et du sous-développement. Au-delà de tout, le grand ballet diplomatique et financier autour des DTS doit se muer en actions concrètes. Le temps n'est plus aux tergiversations, mais à la mise en œuvre de solutions audacieuses et efficaces, comme l’a clamé Moussa Mahamat Faki, président de la Commission de l’Union africaine, qui sera le porte-voix du continent lors du prochain sommet du G20 à Delhi en décembre 2023. 

Face à l'espoir, le monde a un devoir d'action. Car si le défi climatique lui seul est de taille, l'avenir de millions d'Africains en dépend fortement. Et même si les 100 milliards de dollars ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan de ce qu'il faudrait pour prémunir l’Afrique contre les changements climatiques, c’est un combat dont l'échec s'avérerait encore plus onéreux.

Fiacre E. Kakpo, envoyé spécial à Charm el-Cheikh 



 
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