Afrique du Sud : l’avenir du secteur minier en danger…

(Ecofin Hebdo) - L’industrie minière sud-africaine traverse actuellement l’une des plus importantes crises de son histoire. Confrontées à un certain nombre de problèmes incluant la hausse des coûts (électricité, salaires, infrastructures), les prix à la baisse, les troubles sociaux et les revendications ouvrières, les compagnies minières décident de réduire leurs effectifs pour maintenir la rentabilité de leurs opérations. Si les suppressions d’emplois suscitent des remous, la crise va bien au-delà de cette question, car c’est l’avenir même du secteur, longtemps pilier de l’économie, qui est menacé.

«Je vous le dis, nous ferons la grève pendant 12 mois (s’il le faut) et ces mines ne seront pas opérationnelles, elles seront à l'arrêt, rien ne se passera ici en Afrique du Sud, la révolution est imminente», déclare Joseph Mathunjwa, lors de la célébration du 6e anniversaire du «Massacre de Marikana» du nom de la mine de Lonmin où 34 travailleurs en grève ont été abattus par la Police.

 

Les licenciements, une question brûlante à l’approche des élections…

Membre du syndicat AMCU (Association of mineworkers and construction union), M. Mathunjwa réagissait à l’annonce d’Impala Platinum, qui prévoit de supprimer en 2 ans plus de 13 000 emplois (soit un tiers de son effectif) pour renouer avec le profit.

Le deuxième plus grand producteur de platine du pays n’est pas le premier à choisir cette voie face à la chute des prix et la flambée des cours. Toujours dans le secteur du platine, plus de 12 000 emplois sont en jeu dans la transaction d’acquisition de Lonmin par le géant minier Sibanye-Stillater.

Joseph Mathunjwa

Joseph Mathunjwa : « La révolution est imminente».

 

Cependant, c’est surtout dans le secteur aurifère que la situation est criarde. Interrogé cette semaine par Mining Weekly, Chris Sheppard, un dirigeant d’AngloGold Ashanti, a indiqué que la compagnie travaille pour éviter de licencier près de 2000 employés sur ses opérations sud-africaines. La société avait annoncé cette possibilité en mai dernier, «dans le cadre d’un plan de restructuration visant à réduire les coûts».

Avant elle, dans le même mois, Pan African Resources a licencié 1700 travailleurs en fermant sa mine Evander 8 parce qu’apprend-on, «il n’existait aucune perspective réaliste d'exploitation minière durable et rentable de cette exploitation dans le contexte actuel de faiblesse des prix en rand de l’or».

«Il n’existait aucune perspective réaliste d'exploitation minière durable et rentable »

S’il affirme que la décision n’a pas été prise à la légère, le PDG Cobus Loots fait toutefois remarquer le contexte général de la situation. «Tous les producteurs d'or sud-africains ont été négativement affectés par le récent renforcement du rand, et il est impératif que nous agissions de manière décisive pour assurer l'avenir de notre groupe et des parties prenantes qui dépendent de nos opérations.», a-t-il déclaré.

Quand Gold Fields a annoncé la semaine dernière qu’elle prévoit de licencier 1100 de ses 3 600 salariés et 460 sous-traitants de sa mine South Deep, ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est le ministre des Mines Gwede Mantashe en personne, qui est intervenu de manière cinglante. «Gold Fields est assis sur le deuxième plus gros gisement d'or d'une mine dans le monde. Faire des suppressions d'emplois est la solution de facilité, le vrai problème, c'est la mauvaise gestion», a-t-il indiqué à Reuters.

Quand Gold Fields a annoncé la semaine dernière qu’elle prévoit de licencier 1100 de ses 3600 salariés et 460 sous-traitants de sa mine South Deep, ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

À l’approche des élections prévues pour l’année prochaine, il faut dire que la question des licenciements est délicate, le taux de chômage s’élevant à plus de 27% dans la nation arc-en-ciel, selon l’Agence nationale des statistiques.

 

Une crise plus profonde…

Avant la vague de licenciements ou d’annonce de plans de licenciements, le secteur minier sud-africain était déjà embourbé dans la crise.

«En Afrique du Sud, le secteur minier appartient au passé», juge pour RFI Mzi Khumalo, patron de Metallon, une holding minière qui a quitté le pays pour le Zimbabwe et la RDC. Cette déclaration pour le moins sévère est loin d’être «abusée» si l’on observe de plus près les chiffres, notamment pour l’or. Leader mondial du métal précieux de la fin des années 1990 au début des années 2000, avec des volumes allant jusqu’à 500 tonnes, l’Afrique du Sud ne pointe plus, en 2016, qu’à la 7e position avec 142 tonnes. S’il est encore le premier producteur en Afrique, il est aujourd’hui talonné par le Ghana et le Soudan dont les niveaux de production ne cessent de croître.

 

Évolution de la production aurifère sud-africaine de 1995 à 2016

agenceecofin

(Source : Agence Ecofin d’après les données du World Bureau of Metal Statistics et de Thomson Reuters.)

 

Les réserves aurifères sud-africaines s’épuisent et il faut aujourd’hui parfois creuser jusqu’à 3 à 4 km sous terre pour avoir de l’or, ce qui augmente les risques d’accident (les décès ont augmenté en 2017 d’après la Chambre des mines). Selon l’industrie minière, les trois quarts des mines d’or du pays ne sont plus rentables et un fort recul de la production devrait survenir vers 2019-2020. L’épuisement des filons est attendu à partir de 2033.

À une échelle plus large, c’est l’ensemble du secteur minier qui dégringole. Alors qu’il employait, à ses heures de gloire (dans les années 1980), jusqu’à 760 000 salariés et contribuait de 21% au produit national brut (PNB) selon les données officielles, ses effectifs ne comptent plus, en 2017, que 460 000 travailleurs et il fournit moins de 10% du PNB.

 Kimberley

«En Afrique du Sud, le secteur minier appartient au passé».

 

Un environnement qui décourage l’investissement

Selon une enquête réalisée par la Chambre des mines en questionnant 16 compagnies représentant 80% de la production minière nationale, «un tiers des plus grandes compagnies minières opérant en Afrique du Sud, ne veulent pas réaliser de nouveaux investissements dans le secteur, en 2018».

«Un tiers des plus grandes compagnies minières opérant en Afrique du Sud, ne veulent pas réaliser de nouveaux investissements dans le secteur, en 2018». 

«Certaines réponses des compagnies sont particulièrement décevantes. Cinq entreprises ont répondu qu’elles n’envisageaient aucun nouvel investissement, une compagnie envisageant de quitter l’Afrique du Sud […]», a déclaré l’Association en début d’année à l’African Mining Indaba, une conférence sur l’investissement dans le secteur minier.

Il faut dire que depuis le long bras de fer engagé par le précédent gouvernement avec l’industrie minière au sujet de la révision du code minier, l’environnement du secteur s’est dégradé. Les points de blocage incluaient l'augmentation à 30% de la participation des Noirs sud-africains dans les mines, le précédent seuil étant de 26%. Pour les compagnies, cela entrainerait leur faillite. Elles sont allées jusqu’à intenter une action en justice pour défendre leurs intérêts.

 

Se réinventer pour sortir de la crise…

Pour sortir de la crise, dont l’issue semble pourtant inélucatable, les acteurs du secteur veulent trouver de meilleures manières d’agir. Cela passerait déjà par le règlement du différend au sujet du code minier, lourde tâche laissée en héritage au gouvernement du président Cyril Ramaphosa. Ce dernier a annoncé fin février dernier qu’il négocierait avec les compagnies minières pour finaliser une nouvelle version de la charte minière, incitant la Chambre des mines à suspendre temporairement l’action qu’elle a intentée en justice.

Un des secteurs clés de l’économie sud-africaine, les Mines, ne contribue aujourd’hui que pour 8% au produit intérieur brut, et il urge de changer cela en redonnant son attrait à l’environnement minier. Si l’avenir de l’or est indécis, le pays possède toujours de grandes réserves de platine, de nickel, de fer, de manganèse, sans parler du charbon.

Louis-Nino Kansoun

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