L’OCP, fer-de-lance de la diplomatie marocaine en Afrique

(Ecofin Hebdo) - On peut très bien être une entreprise africaine et prospérer. Gérer les ressources naturelles de son pays, porter durant des décennies l’économie et tenir en respect le monde entier, pendant que les autres nations confient les richesses de leurs sous-sols à des étrangers. Plus qu’une compagnie, l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) joue pour le Maroc un rôle qui va bien au-delà de l’économie.

 

Une histoire vieille de près d’un siècle

L’OCP est l’un des principaux exportateurs de phosphate brut, d’acide phosphorique et d’engrais phosphaté au monde. Créé en 1920, d’une activité d’extraction et de traitement, la compagnie a pris peu à peu le monopole de tous les maillons de la chaine de valeur de l’industrie des phosphates.

Créée en 1920, d’une activité d’extraction et de traitement, la compagnie a pris peu à peu le monopole de tous les maillons de la chaine de valeur de l’industrie des phosphates.

Après avoir longtemps servi aux colons, elle a été nationalisée en 1973 avant de devenir en 1975 le groupe OCP, puis une société anonyme dénommée OCP SA depuis 2008. Considérée comme la «boîte noire» du régime Hassan II, l’entreprise est entrée dans une nouvelle ère de son histoire déjà riche, depuis l’avènement de Mohammed VI et la nomination à sa tête de Mostafa Terrab, un ingénieur marocain diplômé du MIT.

 

Des finances saines

L’OCP ne souffre pas de problèmes de gouvernance comme c’est le cas avec certaines compagnies nationales africaines. Une gestion rigoureuse couplée à de bonnes performances opérationnelles entraine forcément de bonnes finances. En 2017, le chiffre d’affaires de l’OCP était de 5 milliards $, contre 4,3 milliards $ l’année précédente, soit une hausse de 14%. Dans son bilan annuel, la compagnie indique qu’elle a enregistré une solide performance à travers tous les segments. Ses volumes vendus de roche et d’engrais ont respectivement augmenté de 40% et 24% en glissement annuel. Elle a maintenu sa position de leader en ce qui concerne l’acide phosphorique, conservant son rang de deuxième fournisseur de l’Asie. «En 2017, les engrais représentent 54% de nos ventes totales, la roche 21% et enfin l’acide phosphorique 15%», précise-t-elle.

 Mustapha Terrab

Mostafa Terrab, un ingénieur marocain diplômé du MIT.

Cette solide performance a été soutenue par l’augmentation significative de la capacité de production, fruit d’un vaste programme d’investissement dont la première phase a été bouclée en 2017. Avec un investissement total de 933 millions $, le groupe a maintenu son EBITDA à 1,3 milliard $.

«Durant l’année 2017, le Groupe OCP a renforcé sa position de leader en augmentant notamment ses capacités de production sur l’ensemble de la chaine de valeur, tout en conservant des marges supérieures à celles du secteur», commente le PDG, Mostafa Terrab.

 

Fleuron de l’économie marocaine

Si depuis quelques années le phosphate est dépassé par l'automobile, il demeure un des principaux produits d'exportations du Maroc avec 44 milliards de dirhams en 2015 sur un total de 366 milliards de dirhams d'exportations. L’OCP, qui gère toute cette richesse pèse ainsi pour beaucoup dans l’économie marocaine. Le pays est le premier exportateur de phosphate au monde et aurait, selon les dernières estimations de l’institut géologique des États-Unis, les plus grandes réserves de phosphorite au monde (50 milliards de tonnes).

Détenu à 95% par l’État marocain, l’OCP est le plus grand producteur de phosphate et de ses dérivés, avec près de 30% du marché mondial et le deuxième plus grand producteur d’engrais phosphaté au monde.

 Complexe Industriel Jorf Lasfar

L’entreprise emploie des milliers de travailleurs sur le plan local et contribue pour environ 3% au PIB du royaume.

 

Au cœur de la diplomatie marocaine…

Le Maroc n’hésite pas à se servir de l’OCP et de ses grandes richesses en phosphates pour soutenir ses relations diplomatiques en Afrique. Ainsi, parallèlement à la stratégie du royaume visant à développer les relations avec ses pairs africains, l’OCP a concrétisé ces dernières années plus projets de coopération agricole dans des pays africains.

Alors qu’il ambitionne de devenir le premier producteur mondial d'engrais avant 2020, le groupe chérifien a réalisé plusieurs gros investissements sur le continent.

Alors qu’il ambitionne de devenir le premier producteur mondial d'engrais avant 2020, le groupe chérifien a réalisé plusieurs gros investissements sur le continent. En 2016, il a lancé l’African Fertilizer Complex, un complexe dont la production d’engrais est dédiée à l’Afrique subsaharienne. Ce projet annoncé depuis 2014 par le PDG Terrab a nécessité un investissement de 600 millions $.

2016 projet de complexe de fertilisants en Ethiopie

Projet de complexe de fertilisants en Ethiopie (2016)

La même année, a été annoncée la signature d’un accord avec l’Éthiopie pour la construction d’une plateforme de production d’engrais qui nécessitera un investissement de 2,4 milliards $. De même, une autre transaction a été conclue avec le groupe Dangote pour un investissement de 2,5 milliards $ dans le but de produire des engrais à Lekki, dans la banlieue de Lagos.

«L'agriculture africaine a besoin d'une attention particulière et l'Afrique peut nourrir la terre entière, mais, aujourd'hui, elle ne se nourrit pas elle-même», indique Tarik Choho, PDG de la nouvelle entité.

Mais l’annonce phare de l’année reste celle de la création de sa filiale OCP Africa pour «développer l’écosystème agricole africain». L’entité doit ouvrir une quinzaine de filiales sur le continent, ce qui s’est confirmé dans les mois qui ont suivi avec des décrets portant création des sociétés OCP Côte d'Ivoire, OCP Sénégal, OCP Cameroun, OCP Bénin, OCP République démocratique Congo, OCP Angola, OCP Tanzanie, OCP Zambie, OCP Zimbabwe, OCP Mozambique, OCP Kenya, OCP Ghana et OCP Éthiopie. Chacune de ces entreprises recevra, apprend-on, un capital d'un million de dirhams, et sera majoritairement détenue par OCP Africa.

«L'agriculture africaine a besoin d'une attention particulière et l'Afrique peut nourrir la terre entière, mais, aujourd'hui, elle ne se nourrit pas elle-même», indique Tarik Choho, PDG de la nouvelle entité.

Comme si ces initiatives portaient déjà des fruits, en 2017, les exportations de l’OCP en Afrique ont augmenté de près de 50% à 2,5 millions de tonnes, selon son rapport annuel.

 Complexe Industriel Jorf Lasfar2

Pour faire des affaires, avoir plusieurs cordes à son arc peut s’avérer précieux. Le Maroc accroît progressivement sa présence dans les pays africains. Avec ses récents développements sur le continent, l’OCP peut être considéré comme une carte maitresse dans le jeu diplomatique du royaume chérifien en Afrique.

 Louis-Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

 

 

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