Jacob Zuma : à l’heure du départ

(Ecofin Hebdo) - L’inéluctabilité d’un départ a d’étonnant cette capacité à créer une profonde nostalgie chez le partant et une sorte d’absolution de toutes ses fautes par ses proches. Cette absolution, Jacob Zuma en a bien besoin. Pourtant, l’homme s’est accroché de ses dernières forces à la présidence de la république, alors même qu’il était devenu une patate trop chaude pour être gardée. Plus que l’ANC, son parti, c’est désormais le pays qu’il faut sauver, car l’Afrique du Sud souffre du tintement assourdissant des casseroles de Jacob Zuma.

On se demande où est passée cette assurance qui le caractérisait en 2009. Loin du Jacob Zuma affichant un air de défiance et une confiance à toute épreuve, le président sud-africain a désormais l’air d’un géant aux pieds d’argile qui a reçu les deux coups fatals tant redoutés. Le premier a été assené par Baleka Mbete, la présidente de l’assemblée, lorsqu’elle a annoncé le report du discours sur l’Etat de la nation, une des dernières occasions pour Jacob Zuma d’afficher un visage conquérant et de prouver qu’il tenait toujours les rênes du pouvoir. Le second coup a été donné par Jessie Duarte, vice-secrétaire générale de l’ANC, qui a déclaré publiquement que le conseil national exécutif du parti pouvait faire démissionner Jacob Zuma.

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Cerné, l’intéressé refuse de se diriger vers la seule porte de sortie qui lui est laissée : la démission. Triste fin pour un des héros de la lutte anti apartheid.

Héros de la lutte anti apartheid

Les nombreux scandales liés à sa personne le prouvent, Jacob Zuma a un problème avec la loi. Pour trouver les origines de cette relation trouble, il faut remonter à Nkandla dans la province du KwaZulu Natal.

Son père, policier, y meurt, 3 ans plus tard. Trop pauvre pour s’offrir des études, il survit en tant que berger.

Jacob Gedleyihlekisa Zuma y naît le 12 avril 1942. Son père, policier, meurt, 3 ans plus tard. Trop pauvre pour s’offrir des études, il survit en tant que berger. Côtoyant au quotidien de nombreuses difficultés, il développe comme beaucoup de jeunes de sa génération, marquée par l’apartheid, une forte envie de lutter contre les autorités en place. En 1959, à l’âge de 17 ans, il rejoint le Congrès national africain (ANC), la Ligue de la jeunesse du Congrès national africain (ANCYL) et le Congrès sud-africain des syndicats (SACTU). Il commence à assister aux réunions de l'ANC, qui, frappé d’une interdiction, est obligée d’organiser des rencontres clandestines. Révoltés, les membres du parti décident de répondre à l’interdiction par la création d’une branche armée : Umkhonto we Sizwe (le fer de lance de la nation). Jacob Zuma fera partie des recrues de cette branche armée pour le compte de l’année 1963. Umkhonto we Sizwe met en place un plan pour envoyer ses recrues suivre un entraînement militaire à l'étranger. Malheureusement, le régime de l’apartheid est mis au courant de ces plans et arrête 45 recrues, dont Jacob Zuma. Il est détenu pendant 90 jours puis transféré à Pretoria où il est jugé et condamné à 10 ans de prison. Il purgera sa peine à Robben Island aux côtés de plusieurs autres héros de l’apartheid. Avec d'autres prisonniers sur l'île, Jacob Zuma travaille dans la carrière de pierre pour construire plus de cellules au sein de la prison où une cinquantaine de détenus pouvaient n’en partager qu’une. En prison, Jacob Zuma apprend à lire, notamment grâce à des cours dispensés par Govan Mbeki, le père de Thabo Mbeki.

En prison, Jacob Zuma apprend à lire, notamment grâce à des cours dispensés par Govan Mbeki, le père de Thabo Mbeki.

Avec d’autres prisonniers, il milite pour l’autorisation du sport dans le pénitencier. Une fois la revendication satisfaite, le natif de Nkandla occupe ses journées à jouer au football. Il devient même le capitaine des Rangers, l'équipe de Robben Island. Il est libéré en 1973 et se met immédiatement à restaurer l’ANC dans sa région du Kwazulu Natal. Deux ans plus tard, recherché par la police, il quitte l'Afrique du Sud pour le Swaziland avant de s'installer au Mozambique en 1977.

Une ascension politique inattendue

La même année, il devient membre du comité national exécutif de l'ANC et vice-président de la représentation du mouvement au Mozambique jusqu'en 1984, année durant laquelle il en devient président. Pourtant, Jacob Zuma est obligé, quelques mois plus tard de quitter le Mozambique, suite aux accords de Nkomati entre le Mozambique et le gouvernement sud-africain. Il rallie alors le quartier général de l'ANC en Zambie et prend la tête des services de renseignements. A ce poste, il organise la branche armée de l'ANC. En 1990, le gouvernement de Frederik de Klerk autorise l’existence de l’ANC et par la même occasion le retour de Jacob Zuma, pour commencer le processus de négociation. En 1991, le natif de Nkandla est élu vice-secrétaire général de l'ANC à la demande de Nelson Mandela. Il se charge du retour des exilés. Dans la foulée, il devient un héros dans sa région natale où il met fin, en 1994, aux affrontements entre l'ANC et les Zoulous de l'Inkatha Freedom. Il est nommé, quelques semaines plus tard, au comité exécutif des affaires économiques et du tourisme du gouvernement provincial réunissant les deux anciens mouvements rivaux du KwaZulu-Natal.

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Thabo Mbeki et Jacob Zuma.

En décembre 1994, il devient chef de la direction nationale de l'ANC, 3e personnage du parti derrière Nelson Mandela et Thabo Mbeki. Trois ans plus tard, à la conférence nationale de Mafikeng, Jacob Zuma est élu vice-président de l'ANC.

Chroniques d’une vie de scandales

Ce n’est pas un hasard si Jacob Zuma est aujourd’hui si isolé au niveau de la classe politique sud-africaine. Son nom est lié à de nombreux scandales, assez nombreux pour qu’on ne puisse les mentionner tous. L’un des plus connus remonte à 1999, année durant laquelle il est nommé vice-président du pays par son ami, le président Thabo Mbeki. Alors qu’il est chargé d’acquérir de l’équipement, militaire notamment, pour moderniser les forces nationales de défense, Jacob Zuma est soupçonné d’avoir tenté d’obtenir des pots-de-vin du responsable sud-africain de Thomson-CSF, l’entreprise qui fournissait l’équipement recherché pour 4,8 milliards de dollars. Les charges seront finalement abandonnées. Néanmoins, en 2005, après un procès de sept mois, Schabir Shaik, homme d'affaires et conseiller financier de Jacob Zuma, est condamné à quinze ans de prison ferme pour avoir négocié un pot-de-vin de Thomson CSF, devenu Thales. Thabo Mbeki abandonne alors Jacob Zuma et le démet de ses fonctions de vice-président de la nation arc-en-ciel.

Thabo Mbeki abandonne alors Jacob Zuma et le démet de ses fonctions de vice-président de la nation arc-en-ciel.

Puis Zuma sera inculpé en décembre 2005 pour le viol d'une séropositive de 31 ans. Il sera acquitté le 8 mai 2006 à l'issue d'un procès très médiatisé, durant lequel il choque l’opinion publique en déclarant s’être « douché après avoir fait l'amour pour minimiser les risques » de transmission du Sida.
Sa mise à l’écart du gouvernement finit par lui être bénéfique. Toujours vice-président de l’ANC, il se prépare malgré ses problèmes judiciaires aux élections présidentielles de 2009. Son ancien ami et désormais adversaire Thabo Mbeki subit le contrecoup de l’échec de sa politique économique. Jacob Zuma le bat et devient président de l’ANC pour les élections présidentielles de 2009, qu’il remporte également haut la main. Sa fonction ne l’éloigne pas pour autant des scandales. Ils se succèdent. Entre marchés publics truqués, trafic d’influence et accusations de corruption, Jacob Zuma réussit à se faire réélire en 2014. Pourtant, l’insubmersible semble aujourd’hui toucher le fond.

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Entre marchés publics truqués, trafic d’influence et accusations de corruption, Jacob Zuma réussit à se faire réélire en 2014.

A un an de la fin de son mandat, le peuple ne lui pardonne pas ses liaisons indécentes avec les très controversés frères Gupta, des hommes d’affaires indiens ayant défrayé la chronique avec de nombreux scandales.
Personne n’oubiera non plus la rénovation de sa résidence privée de Nkandla, aux frais du contribuable. Abandonné de tous, pressé de démissionner, Jacob Zuma résiste. Pour quelques jours encore.

Servan Ahougnon

 

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