Atiku Abubakar : l’homme qui veut « remettre le Nigéria au travail »

(Ecofin Hebdo) - Le 16 février prochain, Atiku Abubakar endossera le costume de principal challenger de Muhammadu Buhari à l’élection présidentielle au Nigéria. Pour la quatrième fois, le richissime homme d’affaires tentera de briguer la présidence qui lui échappe depuis 1993. Son crédo : «remettre la première économie d’Afrique au travail»

 

L’ascension controversée d’un pur produit de l’éducation publique

La prochaine joute présidentielle a tout de la dernière à laquelle participera Atiku Abubakar. «Atiku», comme on le surnomme au Nigéria n’est plus aussi jeune que lors de sa première candidature en 1993.

Né le 25 novembre 1946 dans l’État de l’Adamawa au Nord, le septuagénaire est issu d’une famille très modeste. Jeune, il rêve d’aller à l’école alors que son père, musulman conservateur s’oppose à l’idée de l’édiction occidentale. Lorsque le régime militaire découvre qu’Abubakar ne fréquente pas l’école obligatoire, son père est emprisonné et le petit garçon de 8 ans est alors inscrit à l’école primaire de son village natal, Jada. 

Lorsque le régime militaire découvre qu’Abubakar ne fréquente pas l’école obligatoire, son père est emprisonné et le petit garçon de 8 ans est alors inscrit à l’école primaire de son village natal, Jada : «Je suis un pur produit de l'éducation publique ».

«Je suis un pur produit de l'éducation publique. C'est pour cela que pour moi l'éducation est la priorité et ma passion», déclare-t-il à l'AFP, à l’occasion des primaires de son parti qu’il a remportées, en octobre dernier.

Avant d’entrer en politique, Atiku a travaillé durant une vingtaine d’années dans la douane, notamment au port de Lagos. Musulman polygame et père de plus de 20 enfants, il a fait fortune en investissant tour à tour dans les secteurs de l’import-export, de l’immobilier, du pétrole, de l’agriculture et des télécoms.

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« Il a acquis sa fortune durant les années qu’il a passées aux douanes. »

 

Sa richesse fait polémique, à cause des accusations de corruption et des scandales de conflits d’intérêts dont il a fait l’objet. « S’il a réussi, Atiku n’incarne pas pour autant le self-made-man. Il a acquis sa fortune durant les années qu’il a passées aux douanes, ce qui entretient un fort soupçon de corruption et de conflits d’intérêts », explique Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

« S’il a réussi, Atiku n’incarne pas pour autant le self-made-man. Il a acquis sa fortune durant les années qu’il a passées aux douanes, ce qui entretient un fort soupçon de corruption et de conflits d’intérêts ».

Toutefois, aucun de ses détracteurs pointant du doigt «le mélange de genres dans lequel il excelle» n’est jamais parvenu à le trainer en justice. «Il n’a jamais été condamné devant la justice, ce qui est un vrai argument de probité au Nigeria», commente Laurent Fourchard, directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences-Po pour Libération.

 

Vieux routard de la politique au Nigéria

Avant de déposer sa candidature pour l’élection du 16 février avec le PDP, Atiku Abubakar a déjà échoué plusieurs fois à briguer la magistrature suprême. Sa première tentative remonte à 1993, année où il perd aux primaires du Parti Social Démocratique.

Quand le Nigéria entre dans l’ère démocratique en 1999, Atiku devient vice-président d’Olusegun Obasanjo avec le PDP. Au cours de ses deux mandats à ce poste (de 1999 à 2007), il dirige notamment le Conseil national pour la privatisation, supervisant la cession de nombreuses entreprises publiques.

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« S’il a réussi, Atiku n’incarne pas pour autant le self-made-man ».

 

Sa relation avec Obasanjo se dégrade à parti de 2006, lorsque le Président essaie de modifier la constitution pour briguer un troisième mandat. Après l’échec de la modification constitutionnelle, il demande la démission du Président et annonce sa candidature pour l’élection de 2007. Il échoue une deuxième fois, terminant derrière le vainqueur Umaru Musa Yar'Adua et Muhammadu Buhari (deuxième à l’époque).

Sa relation avec Obasanjo se dégrade à parti de 2006, lorsque le Président essaie de modifier la constitution pour briguer un troisième mandat.

Alors que le PDP lui préfère en 2007 Umaru Yar’Adua, Atiku regagne le parti en 2011 et essuie une nouvelle défaite face à Goodluck Jonathan.

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« Abubakar apparaît plus moderne.»

 

En 2014, il quitte le PDP pour s'allier au Congrès des Progressistes (APC) et doit à nouveau s'incliner lors des primaires du parti devant Muhammadu Buhari, qui remporte finalement le poste suprême un an plus tard.

 

2019, la bonne année ?

L’élection présidentielle de 2019 au Nigéria s’annonce serrée, indécise, les deux principaux candidats ayant des arguments à faire valoir. «Buhari est un peu effacé, il a des problèmes de santé ; Abubakar apparaît plus moderne, il parle mieux et est ancré dans le monde des affaires… La personnalité des candidats compte, mais à la fin, ce sont les réseaux de patronage des grandes machines politiques qui font l’élection», déclarait Laurent Fouchard à Libération au sujet du duel prévu entre les deux hommes.

Pour gagner, il faut une emprise dans chaque État, des parrains politiques, et énormément d’argent, conditions que semble remplir cette année Atiku avec le PDP. L’homme d’affaires a réglé ses «rancœurs passées» avec Obasanjo, qui l’a choisi et se prononce régulièrement contre Buhari, dénonçant son «incompétence» et ses dérives «dictatoriales».

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Le riche Olusegun Obasanjo est devenu son «parrain».

 

Il faut souligner qu’au Nigéria, le riche Olusegun Obasanjo, tout comme l’autre ancien président Ibrahim Babangida, est devenu son «parrain», ce qui lui permet de continuer à peser très lourd sur l’échiquier politique.

Si corruption, insécurité, Boko Haram sont toujours au cœur des débats pour l’élection, le principal argument d’Atiku porte sur l’économie et les finances du pays, marquées par la chute des cours du naira. L’homme d’affaires veut «remettre le Nigéria au travail», comme l’indique son principal thème de campagne «Get Nigeria Working Again», et si le scrutin du 16 février ne lui accorde pas cette chance, il pourra toujours se dire que les plus belles histoires d’amour sont celles qu’on n’a pas eu le temps de vivre.

Louis-Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

 

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