Yacine Oualid, ministre à 26 ans : « Les startups et l’innovation doivent devenir le fer de lance de l’économie algérienne »

(Ecofin Hebdo) - Grande surprise du nouveau gouvernement algérien présenté le 02 janvier 2020, Yacine Oualid, le ministre délégué aux Start-up, âgé de seulement 26 ans, a accepté de répondre aux questions de l’Agence Ecofin. Cet acteur, déjà bien connu dans l’univers algérien de la tech, révèle les grands chantiers qui seront ses priorités et les nouvelles ambitions de l’Algérie dans le domaine de l’innovation et du numérique.

 

Agence Ecofin : En tant que ministre des Start-up, département spécialement créé dans un contexte de quatrième révolution industrielle, quelles sont exactement vos attributions ?

Yacine Oualid : Si je dois résumer, je dirais que la Nouvelle Economie mondiale se met en place, et que l’Algérie souhaite, et va, en devenir un acteur de référence. Mon objectif, avec tous les acteurs du secteur, est de participer à cette mutation du plus grand pays d’Afrique.

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« Une des premières étapes va consister à identifier les start-ups à l’aide d’un label.»

 

De manière plus pratique, mon rôle est tout d’abord de mettre en place un cadre juridique qui soit favorable aux startups, une fois mis en place, ce cadre juridique permettra de faciliter la création de startups et leur financement, le but est de voir naitre en quelques mois, des champions algériens, qui seront capables de proposer leurs services partout dans le monde. L’Algérie est décidée à devenir un pôle africain de l’innovation et nous voulons offrir à nos entrepreneurs, le meilleur cadre pour entreprendre et innover.

Par ailleurs, ma mission étant transversale et touchant à beaucoup d’autres ministères, j’ai aussi comme rôle de faire en sorte que toutes les autres institutions adhèrent à cette nouvelle vision, d’une économie dont le fer de lance sera l’innovation et les startups.

« Ma mission étant transversale et touchant à beaucoup d’autres ministères, j’ai aussi comme rôle de faire en sorte que toutes les autres institutions adhèrent à cette nouvelle vision, d’une économie dont le fer de lance sera l’innovation et les startups. »

Etre dans ce ministère est une chance, surtout que nous bénéficions du soutien total du Président de la République et du Premier Ministre ; cela est très encourageant car, pour la première fois, en Algérie nous avons un gouvernement qui a accordé sa confiance aux jeunes.

 

Agence Ecofin : Au regard de votre expérience dans l’univers Start-up algérien, qu’est ce qui explique la timidité de la scène locale comparée aux autres pays de la sous-région MENA comme le démontre le « Annual VC report » de Magnitt ?

Yacine Oualid : C’est l’une de nos premières préoccupations, le cadre juridique fait que beaucoup d’Algériens partent créer leurs startups dans d’autres pays où il est plus facile de trouver du financement et de faire des levées de fonds.

« Le cadre juridique fait que beaucoup d’Algériens partent créer leurs startups dans d’autres pays où il est plus facile de trouver du financement et de faire des levées de fonds.»

Certaines d’ailleurs sont de véritables success stories. L’absence de réels fonds de capital risque, qui s’explique notamment par la difficulté de créer de telles structures en Algérie, et l’absence de mesures incitatives envers les investisseurs font que les startups n’ont que très peu d’options pour trouver du financement. Les quelques programmes de soutien aux PME, tel que l’ANSEJ, dont le modèle peut être discutable, ne sont pas du tout adaptés aux startups. Le financement des startups représente pour nous un grand chantier. Cependant il faut relever qu’il existe un très grand dynamisme de la jeunesse algérienne qui pourrait être transformé en champions de la Tech en quelques années.

 

Agence Ecofin : Quelles sont les actions prévues par votre ministère pour dynamiser l’industrie Start-up locale?

Yacine Oualid : Une des premières étapes va consister à identifier les start-ups à l’aide d’un label. Ce label permettra d’accéder à un certain nombre de facilités, des avantages fiscaux et parafiscaux, des comptes bancaires en devises et des facilités pour exporter les services, les entreprises labélisées pourront aussi bénéficier de la prise en charge par l’Etat de l’enregistrement des brevets que ce soit au niveau national ou international.

« Nous sommes aussi en train d’élaborer une nouvelle forme juridique pour les entreprises et qui est plus adaptée aux startups.» 

Nous sommes aussi en train d’élaborer une nouvelle forme juridique pour les entreprises et qui est plus adaptée aux startups, elle permettra de réaliser des levées de fonds et de réaliser une entrée en bourse plus simplement. Nous allons également élaborer un cadre juridique pour le crowdfunding.

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« Les startups peuvent devenir le fer de lance de l’économie algérienne. »

 

Enfin, nous traitons avec d’autres ministères certains problèmes qui pénalisent les startups en Algérie, tel que l’accès au paiement en ligne, la qualité de la connexion à internet, les difficultés à obtenir certaines autorisations et homologation, et l’absence de Datacenter aux standards internationaux.

A ce titre, je tiens à souligner que nous observons une grande collaboration des autres départements ministériels et que nous avons déjà obtenu en quelques semaines des victoires : le Ministère du Travail vient de créer un cadre approprié pour le statuts de freelanceurs qui va permettre à nos start-ups de mutualiser les ressources rares dans des domaines pointus du développement, le ministère du commerce a pris en considération nos recommandation pour faciliter l’exportation de services, et le ministère de l’habitat a fait appel à des startups pour numériser ses services.

 

Agence Ecofin : Peut-on qualifier une nouvelle PME de Start-up ? Quels critères prévaudront pour identifier une Start-up ?

Yacine Oualid : Une startup est avant tout une entreprise qui propose un service ou un produit innovant, avec un fort potentiel de croissance et même si les critères pour définir la startup diffèrent d’un pays à un autre, les notions de l’innovation et de la « scalabilité » (l’anglicisme qui traduit le fait d’avoir un business model reproductible sur de grands marchés) sont universelles. Afin d’attribuer les labels « startup » nous nous baserons sur 4 critères : l’innovation, la scalabilité, l’âge de la startup qui ne doit pas dépasser 8 ans, et la taille (CA et nombre d’employés)

 

Agence Ecofin : En annonçant un ministère des Start-up, le Chef de l’Etat a aussi annoncé une banque dédiée. Les acteurs du numérique comme LegalPlace estime qu’il faut plutôt un système bancaire fiable et une fiscalité avantageuse plutôt qu’une banque dédiée qui risque de devenir une ANSEJ bis. Qu’en pensez-vous ?

Yacine Oualid : Pour commencer, il y aura un fonds pour les start-ups, ces dernières se finançant plutôt par ouverture de capital que par dette. Ce fond permettra aux startups de trouver du financement plus facilement.

« Notre but ce n’est pas que l’Algérie produise en masse des startups, mais plutôt de voir naitre des champions Algériens qui partiront à la conquête de marchés partout dans le monde.»

Par ailleurs notre plan d’action prévoit une fiscalité avantageuse que ça soit pour les startups ou pour les investisseurs. Notre but ce n’est pas que l’Algérie produise en masse des startups, mais plutôt de voir naitre des champions Algériens qui partiront à la conquête de marchés partout dans le monde et qui entraineraient des filières entières (développeurs, logistique pour le e-commerce…).

 

Agence Ecofin : Quel est le potentiel transformateur de l’écosystème Start-up sur l’économie algérienne ?

Yacine Oualid : Les startups peuvent devenir le fer de lance de l’économie algérienne, une économie qui depuis des années est dépendante du secteur des hydrocarbures et qui cherche à se renouveler. Dans le secteur du numérique, elles peuvent rapidement créer de l’emploi et de la richesse.

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« Nous sommes donc dans un virage important de l’histoire qu’il ne faut pas rater. »

 

L’économie numérique représente aujourd’hui plus de 30% de la croissance économique mondiale, nous sommes donc dans un virage important de l’histoire qu’il ne faut pas rater. L’intérêt du gouvernement pour les startups et la création d’un ministère dédié à leur promotion témoignent de l’importance de ce sujet pour l’économie algérienne.

 

Agence Ecofin : En 2019, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique annonçait la mise en place de sept incubateurs TIC en 2020. Quel rôle jouera votre ministère dans l’atteinte des objectifs de ces structures stratégiques?

Yacine Oualid : Créer des ponts solides entre le monde universitaire et entrepreneurial est un grand défi pour nous et nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l’enseignement supérieur pour que l’université algérienne facilite l’entrepreneuriat. Ces structures d’accompagnement au sein même de l’université permettront aux étudiants d’acquérir des soft skills. Notre ministère vise aussi à encourager l’apprentissage des langages de programmation dans toutes les filières. Les incubateurs permettront aux jeunes étudiants de se lancer dans l’entrepreneuriat en les soulageant de beaucoup d’aspects administratifs et pratiques. Nous espérons, par tout cela, faire de l’université un acteur important dans l’écosystème startup en Algérie.

Propos recueillis par Muriel Edjo

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