(Agence Ecofin) - L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a adopté, le 5 octobre, un plan de lutte contre l'optimisation fiscale des multinationales censé sonner «la fin de la récréation» pour ces stratégies de contournement légal de l'impôt.
Ce paquet de mesures, qui représente, selon l’organisation basée à Paris, la «première refonte des normes fiscales internationales depuis presque un siècle», doit être approuvé par les chefs d’Etat des pays membres du G20 en novembre.
«C'est la fin de la récréation !», s'enthousiasme Pascal Saint-Amans, le chef fiscal de l'OCDE, après plusieurs années de scandales autour des impôts dérisoires payés de grandes multinationales comme Google, Apple, Amazon, Starbucks ou McDonalds...
Les géants mondialisés exploitent depuis de longues années les divergences entre législations nationales, rivalisent de subtilités comptables et jouent sur les régimes fiscaux préférentiels pour payer moins d’impôts. Ces pratiques d’optimisation fiscale permettent aux multinationales d’économiser chaque année entre 100 et 240 milliards de dollars, soit entre 4 à 10% des revenus mondiaux de l'impôt sur les sociétés, selon les estimations l’OCDE.
Pour tenter d’enrayer cette évasion fiscale légale, l’OCDE s’appuiera sur un paquet articulé en quinze actions très concrètes, baptisé BEPS (Base erosion and profit shifting/ Erosion de la base imposable et transfert de bénéfices).
Le plan BEPS s’articule en somme autour de trois chapitres: cohérence, substance, transparence.
Au chapitre cohérence figurent une série d’actions destinées à éviter que les failles, à travers le monde, entre les législations nationales ou les conventions fiscale bilatérales ne permettent à certains profits d’échapper complètement à l’impôt. On introduit par exemple de nouvelles clauses anti-abus dans les conventions fiscales, qui interdiront à une multinationale d’implanter une filiale dans un pays donné dans le seul but de bénéficier des avantages prévus par son réseau de conventions.
Le principe de substance, sur lequel repose plusieurs actions concrètes, consiste à rétablir le lien entre imposition et substance économique, en faisant coïncider le lieu où les multinationales enregistrent leurs bénéfices avec celui où elles créent véritablement de la valeur. De nouveaux standards les obligeront ainsi à exercer de réelles fonctions économiques dans un pays pour pouvoir y localiser des profits. A titre d’exemple, une filiale de multinationale installée dans un pays à fiscalité clémente ne pourra plus se contenter d’invoquer la détention légale d’un brevet pour se voir attribuer de gros revenus par le groupe.
Une série d’actions fondées sur la transparence obligent enfin les multinationales à faire connaître à toutes les administrations fiscales des pays dans lesquels elles sont actives le détail de leurs activités et des impôts qu’elles paient. C’est la déclaration dite «pays par pays», que les fiscs nationaux échangeront entre eux. Ceux-ci seront également tenus d’échanger spontanément et obligatoirement les rulings qu’ils accordent aux multinationales. C’est-à-dire les accords préalables par lesquels les sociétés (ou leurs filiales) s’entendent avec le fisc sur leur traitement fiscal.
Fruit de deux ans de travail acharné, le plan BEPS propose, par ailleurs, des recommandations sur les règles appliquées aux Sociétés étrangères contrôlées (CFC). Ces règles, qui ont souvent cours dans les grands Etats, Etats-Unis en tête, sont destinées à éviter la sous-imposition de leurs multinationales. Elles permettent, à certaines conditions, de consolider le profit des filiales installées dans des pays où l’impôt est plus faible avec celui de la maison mère.
Enfin, pour la mise en ouvre de ce plan BEPS, les Etats devront se surveiller les uns les autres. L'OCDE invite en outre les pays en voie de développement à se joindre aux autres Etats.
«On change d’ère. On revient au bons sens. Pour nombre de grands groupes, la fonction fiscale était devenue un modèle d’affaire, elle redevient une fonction de support. L’évasion fiscale légale et massive, c’est fini», commente Pascal Saint-Amans.
Pour les ONG, le nouveau plan de lutte contre l’optimisation fiscale est cependant loin d’être une révolution. «Les leçons n'ont pas été tirées des derniers scandales», regrette dans un communiqué Manon Aubry, d'Oxfam, indiquant que seules 10 à 15% des entreprises internationales sont concernées par le plan de l'OCDE.
Oxfam estime aussi que l’OCDE est trop indulgente sur les «rulings», épinglés lors du scandale LuxLeaks, ou sur la fiscalité des brevets.
«Les propositions ambitieuses ont été remises à plus tard et l'OCDE propose aujourd'hui des aménagements flous et complexes de règles vieilles de plus d'un siècle», a regretté, de son côté, Lucie Watrinet, de CCFD-Terre Solidaire, citée dans un communiqué.
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