Peek, l’application kényan qui détecte les problèmes visuels

(Ecofin Hebdo) - Utiliser la technologie des smartphones pour détecter les problèmes visuels, et faciliter leur traitement, principalement dans les zones rurales. Tel est le défi qu’a relevé le kényan Hilary Rono avec la création de l’application Peek.

 

le point afrique

 

Au Kenya, les caméras de smartphone pourraient sauver la vision de millions de personnes

REPORTAGE. Avec Peek, une application qui permet de détecter les problèmes oculaires, le docteur Hillary Rono ambitionne de prévenir tous les cas de cécité visuelle dans son pays, mais également dans le monde.

À peine 9 heures du matin et la salle d'attente de l'hôpital du district de Kitale, à l'ouest du Kenya, est déjà prise d'assaut. Dans un des cabinets que compte l'établissement, le docteur Hillary Rono ausculte un patient. Il s'agit d'un homme âgé opéré la veille de la cataracte. Sourire aux lèvres, le docteur le rassure : « Tout va bien ! » Une trentaine de personnes qui ont également subi le même acte chirurgical pour la traditionnelle visite de contrôle postopératoire. Certaines viennent du district, d'autres d'ailleurs dans le pays, et d'autres encore d'Ouganda. Tous ont été détectés grâce à une application conçue par le docteur Rono qui a fait sa renommée dans la région... et au-delà.

Un meilleur dépistage des problèmes de vision

La quarantaine, Hillary Rono est né à Kabudgio, un village « nettoyé par dieu », selon ses propres termes, en raison du vent qui le traverse et le dépoussière au passage. Après avoir étudié dans l'école du village, il a poursuivi ses études à Nairobi jusqu'à l'université. « J'ai de la chance. J'ai toujours été dans les trois premiers. » Son succès n'est pas le fruit du hasard, mais plutôt de son travail et d'une ambition flagrante. « Au départ, je voulais être ingénieur. J'aimais la physique, mais mon frère qui étudiait la médecine m'a encouragé à suivre son chemin. Finalement, c'est mon autre frère qui est devenu ingénieur », ironise-t-il. Ceci étant dit, sa passion première ne l'aura pas quittée. Il arrive aujourd'hui à combiner les deux. Il suit donc dans un premier temps des études de médecine complétées par un master en ophtalmologie et en santé publique. À Nairobi toujours. Il part ensuite à Londres pour un doctorat sur l'usage des smartphones appliqués à la santé. Toujours en cours. C'est là qu'il rencontre Andrew Bastawrous qui va le suivre au Kenya avant de rentrer chez lui. Entre-temps, démarre l'histoire de Peekvision. Une société qui a développé une application, « Peek » pour « Portable Eye Examination Kit » permettant de diagnostiquer les problèmes oculaires pour, à terme, prévenir et éliminer les cas de cécité visuelle.

« Le challenge est de pouvoir détecter les pathologies »

« En Afrique, beaucoup plus de personnes ont accès à un smartphone qu'à l'eau potable. Comment utiliser cette technologie pour résoudre les problèmes de vue des populations ? Sachant que 80 % des personnes dans le monde qui perdent la vue auraient pu l'éviter si elles avaient été détectées et prises en charge à temps. Et 90 % de ces personnes se trouvent dans les pays sous-développés. Pour notre continent, se pose également la question du coût. Pour être soignées, les populations doivent se rendre en ville, avec un accompagnant, ce qui entraîne un coût en plus des frais de traitement... » Tiraillés par l'ensemble de ces questions, Dr Rono et son co-aventurier Andrew Bastawrous fondent Peek. Une application qui permet, via son smarthphone, de faire diffuser l'information, de détecter et d'orienter ensuite ceux qui en ont besoin vers les soins appropriés. « Par exemple, on informe qu'un médecin français sera à l'hôpital tel jour pour opérer. C'est ainsi que nous avons opéré hier 30 personnes de la cataracte. Parce que nous avions transmis l'information par message. Ce qui nous a également permis de préparer l'équipe. Nous opérons trois jours par semaine, on essaie de regrouper les patients par pathologie. Le challenge est de pouvoir détecter les pathologies, c'est pour ça qu'ils viennent. »
Parce qu'ils savent également qu'ils seront pris en charge. « Nous avons plusieurs partenaires. À commencer par le gouverneur local. L'hôpital appartenant au district paie mon salaire et une partie de l'équipement. Il prend également en charge les frais des patients les plus démunis. Même si désormais l'État, grâce au déploiement de l'assurance maladie expérimentée dans certaines régions et aujourd'hui élargie à l'ensemble du pays, prend en charge l'ophtalmologie des enfants notamment », explique-t-il. Parmi ces mécènes également, des ONG locales et internationales, sans oublier les banques.

124 000 enfants diagnostiqués grâce à l'application en 2 ans, et 6 000 cas traités

Et avec Peek School Clinic, une création du docteur Rono, c'est l'hôpital qui va vers le patient. Notamment les plus jeunes. L'application est destinée à diagnostiquer les enfants en milieu scolaire. « On donne un smartphone aux enseignants, on les forme pour qu'ils puissent détecter les patients et ensuite les orienter vers nous. » 124 000 enfants scolarisés ont ainsi été diagnostiqués grâce à l'application depuis son lancement il y a deux ans, et 6 000 cas traités. De 50 écoles en 2015, aujourd'hui 210 ont été « équipées » et 400 le seront d'ici la fin de l'année selon les ambitions de docteur Rono.

Alors que l'expérimentation a été dupliquée ailleurs dans la région, en Ouganda, au Rwanda, au Botswana et même en Inde grâce au bureau de Londres qui supervise les antennes régionales de Peekvision, ces inventeurs ambitionnent de voir leur application utilisée à travers le monde. « Ma priorité est que les personnes puissent être détectées et soignées. Aujourd'hui, nous avons la technologie pour le faire. C'est aux autorités maintenant de prendre le problème en main en l'intégrant aux politiques de santé publique. »

Il est également là le challenge : faire évoluer les politiques publiques en matière de santé. « Nous identifions le problème et apportons des solutions, maintenant le gouvernement doit prendre la relève. Et il commence à le faire. On travaille avec le ministère de la Santé pour la mise en place d'une politique spécifique à la question ophtalmologique. Ce qui permettra d'élargir le programme à l'ensemble du pays », espère-t-il.

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