Maria Håkansson, Swedfund : « Une meilleure coordination du private equity est nécessaire en Afrique pour un impact durable »

(Ecofin Hebdo) - Bien que peu connu des opinions publiques africaines, le Swedfund, principale institution de financement du développement du gouvernement suédois, concentre une part importante de ses efforts sur le continent africain. Sa directrice générale, Maria Håkansson, a accepté en ce début d’année de partager avec l’Agence Ecofin, l’évolution et les perspectives de son institution dans l’univers du private equity en Afrique

 

Agence Ecofin : Swedfund est un acteur majeur du capital-investissement en Afrique. En effet, 62,4% de vos engagements sont dédiés à cette région. Pourquoi ce choix, en dépit des multiples défis auxquels elle fait face?

Maria Håkansson : Swedfund est l’agence publique suédoise qui finance le développement à travers le monde. Nous avons une grande expérience en matière d’investissements dans des régions à risques. Notre mission consiste à réduire la pauvreté en investissant dans des entreprises durables. En ce qui concerne notre mode d’opération, nous sélectionnons des marchés où la demande est forte et où nous pourrions avoir le plus grand impact possible.

Nous avons une grande expérience en matière d’investissements dans des régions à risques. Notre mission consiste à réduire la pauvreté en investissant dans des entreprises durables.

En tant que véhicule de financement du développement, en collaboration avec d’autres acteurs, nous améliorons les conditions de vie des populations qui habitent nos zones d’activités, notamment à travers la création d’emplois et la promotion de l’entrepreneuriat. Il s’agit de l’investissement d’impact.

 

AE : Vous mettez actuellement en œuvre votre stratégie d’investissement 2030. Quelle part a capturé l’Afrique dans ce cadre en 2018, en sachant que durant la période vos ressources étaient moindres (600 millions de couronnes suédoises, soit 66,42 millions $)?

Maria Håkansson : Nos ressources proviennent des dépenses d’investissement fixées dans le cadre du budget de coopération pour le développement, ainsi que des revenus de notre portefeuille. En 2018, les investissements de capitaux sont passés de 400 à 600 millions de couronnes suédoises pour un investissement total s’élevant à environ 1,2 milliard de couronnes suédoises. De ce montant, 61,6% a été investi en Afrique (1000 couronnes suédoises = 94,5 euros)

 

AE : Vous envisagez augmenter la part annuelle de vos investissements africains de 60-80%, en ciblant principalement les secteurs des énergies renouvelables, de la santé, et les petites et moyennes entreprises. Ces secteurs sont relativement complexes et profitables seulement sur le long terme. Pourquoi prendre ce risque néanmoins ?

Maria Håkansson : En tant qu’institution de financement du développement, notre rôle consiste également à financer des projets nécessitant plus que des financements commerciaux. Nous ciblons des secteurs et des marchés où la demande est la plus importante et au développement desquels nous pouvons contribuer. Au cours de nos 40 années d’existence, nous avons conçu un business model qui identifie et se concentre sur la gestion de risques ; ce qui n’empêche que les risques demeurent élevés et soient une constante dans notre activité. Ce business model est basé sur l’impact sociétal, la durabilité et la viabilité financière des investissements.

 

AE : En matière d’investissements directs, vous n’intervenez pas beaucoup dans les pays francophones d’Afrique sub-saharienne. Se pourrait-il que dans un proche futur, votre institution s’engage plus dans ces pays, notamment dans des marchés tels que le Sénégal ou la Côte d’Ivoire qui ont un bon profil ?

Maria Håkansson : Nous investissons présentement au Nigéria et au Ghana et recherchons activement des investissements intéressants dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.

Nous investissons présentement au Nigéria et au Ghana et recherchons activement des investissements intéressants dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. 

En octobre dernier, pour le voyage annuel de notre conseil, nous étions au Ghana pour évaluer ce marché sur place et rencontrer les acteurs de la société publique, du secteur privé local, ainsi que pour déterminer comment Swedfund peut générer des emplois et de la croissance dans ce pays, à travers des investissements durables.

 

AE : Au vu de votre expérience, quels sont vos recommandations en ce qui concerne le secteur du capital-investissement en Afrique?

Maria Håkansson : Aussi bien les pays que les institutions d’aide au développement doivent plus s’impliquer dans les débats visant à développer le secteur privé. Aussi, les efforts pour mobiliser des capitaux privés pour les pays doivent être mieux coordonnés, afin que ces investissements contribuent à la mise en place de réformes stratégiques. Chaque pays doit également continuer à améliorer son climat d’affaires. Cette responsabilité n’incombe pas que les institutions financières internationales (IFI) et les institutions de financement du développement (IFD), mais doit être partagée avec d’autres acteurs pour assurer plus de synergie ainsi qu’une croissance rapide.

En tant qu’institution de financement du développement, nous devons créer des emplois et promouvoir la création d’entreprises durables. En Afrique par exemple, des institutions telles que la nôtre ont influencé les fonds de private equity à effectuer des investissements plus durables, en comparaison aux fonds opérant en Asie et aux USA.

En Afrique par exemple, des institutions telles que la nôtre ont incité les fonds de private equity à effectuer des investissements plus durables, en comparaison aux fonds opérant en Asie et aux USA.

Un autre facteur clé consiste à s’assurer de l’adoption d’un business model adéquat. En 2013-2014, nous avons ainsi développé un nouveau business model visant à équilibrer l’impact sur la société, la durabilité et la viabilité financière de nos engagements. Aussi, nos investissements sont assujettis à certaines conditions qui assurent leur durabilité.

 

AE : Plus spécifiquement, le secteur financier africain (banque et assurance) qui représente environ 34% de votre portefeuille subit présentement d’énormes changements. Au regard des besoins grandissants de compagnies opérant dans ce secteur, comptez-vous y accroître vos investissements ?

Maria Håkansson : Nos investissements dans les services financiers visent à assurer que nos capitaux affectent le plus grand nombre possible d’entrepreneurs et de PME. Plus de trois emplois sur quatre sont créés via les PME. Nous voulons par conséquent collaborer avec les institutions financières les plus proches de ces entreprises, même si cela exige que les injections en capitaux soient revues au cas par cas.

Propos recueillis par Idriss Linge et traduits de l’anglais par le BATS (Bureau Africain de Traduction Spécialisée)

 

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