(Agence Ecofin) - Il y a trois ans, la chaîne qatarie Al-Jazeera était célébrée en Egypte pour son rôle dans la chute du président Hosni Moubarak. Sur la place Tahrir du Caire, la foule de manifestants regardait sur les écrans géants, et applaudissait la couverture des soulèvements du printemps arabe dans le pays. « Al-Jazeera était un héros en Egypte », explique Mohammed el-Nawawy, professeur à l'Université Queens de Charlotte aux Etats-Unis, qui a étudié le réseau Al-Jazeera. La chaîne était alors perçue et adulée comme cette organisation qui conteste le monopole médiatique des gouvernements autoritaires du monde arabe.
Aujourd’hui, Al-Jazeera est devenue paria en Egypte. La chaîne de télévision satellitaire est pourfendue. Ses journalistes sont harcelés. Cinq demeurent en détention, quatre ont été arrêtés le 30 décembre dernier. L’un d’eux a été libéré. Les trois autres sont accusés d’atteinte à la sécurité nationale. Les locaux de la chaîne sont fermés et le personnel est contraint de travailler dans une chambre d’hôtel du Caire sur des installations de fortune.
Les malheurs d’Al-Jazeera viennent du fait que sa couverture médiatique n’est plus appréciée par les nouvelles autorités égyptiennes arrivées au pouvoir en juillet dernier, au lendemain du renversement du président Mohammed Morsi et de la Confrérie des Frères musulmans. La chaîne est accusée d’être un porte-parole des déchus d’hier.« Il ne fait aucun doute qu’Al-Jazeera a apporté un fort soutien aux Frères musulmans », pense Hugh Miles, journaliste pigiste au Caire et auteur du livre intitulé Al-Jazeera: The Inside Story of the Arab News Channel That Is Challenging the West. La chaîne met l’accent sur les manifestations pro- Morsi, en zoomant sur de petites foules pour les faire apparaître plus grandes, ou en divisant l'écran pour indiquer que plusieurs mouvements se déroulement au même moment dans le pays, dit Yigal Carmon, président du Middle East Media Research Institute (Memri), une organisation basée à Washington, qui surveille les médias arabes.
Des journalistes de la chaîne qatarie ont même démissionné, accusant leur employeur d’être partisan. Mais Al-Jazeera a maintes fois rejeté cette accusation, en expliquant qu’elle conserve son indépendance et se dit victime d’une campagne orchestrée par les nouveaux dirigeants égyptiens, visant à la décrédibiliser. La chaîne affirme aussi son indépendance vis-à-vis de l’Etat du Qatar, même si celui-ci soutient et finance ouvertement les Frères musulmans. Pourtant la critique continue de penser que le riche Etat pétrolier du Qatar a fait main basse sur Al-Jazeera et a même financé son extension aux Etats-Unis.
Selon El-Nawawy, co-auteur de Al-Jazeera: The Story of the Network That Is Rattling Governments and Redefining Modern Journalism, la chaîne qatarie a penché du côté des Frères musulmans. Une position qui ne peut qu’être controversée dans « un pays qui est tellement polarisé le long des lignes idéologiques ».
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