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Après trente ans d’hégémonie, le PC est-il en fin de règne?

  • Date de création: 12 septembre 2011 15:36

(Alain Just Coly) - Le 11 août 2011, le PC a bouclé ses trente ans d’existence ! Retour sur l’histoire de cette lucarne étrange dont le couplage avec Internet a révolutionné le siècle.

C’est depuis l’irruption du micro-ordinateur, au début des années 1980, et même avant dans les années 1970, que l’informatique a véritablement commencé à pénétrer dans les foyers auprès du citoyen lambda. Auparavant, seules les grandes entreprises et les administrations publiques intégraient l’informatique dans leurs schémas, pour diverses tâches : calcul des salaires, comptabilité générale, gestion du personnel, suivi des stocks, documentation, etc. L’informatique avait alors des coûts de revient plutôt élevés, mais surtout exigeait des niveaux de compétence tels qu’elle ne pouvait être mise en œuvre, à quelque niveau que ce soit, que par des spécialistes.

Au tout début du PC, personne n’entrevoyait un quelconque avenir de l’informatique pour les multiples tâches « personnelles » et privées que nous lui assignons aujourd’hui. Pour la petite histoire, au moment du lancement du micro-ordinateur d’IBM, qui allait par la suite connaître un immense succès commercial, Frank Cary, alors patron de la firme informatique qui fête cette année ses cent ans, prédisait que cette nouvelle machine n’était sans doute pas destinée à devenir un produit de consommation courante et qu’elle resterait confinée à des usages professionnels.

Le moins qu’on puisse écrire est que l’histoire ne lui a pas donné raison. Déjà, en 1982, l’ordinateur est élu « homme de l'année » − ou plutôt « machine de l’année » − par le magazine Time. Tout le monde peut constater aujourd’hui que le monde entier se sert du micro-ordinateur, enfants comme adultes, jeunes comme moins jeunes, entreprises comme particuliers, pays développés comme pays en développement. Il y aura, en 2013 ou 2014, deux milliards de PC en service dans le monde.

De Q-DOS à MS-DOS

Et pourtant, le PC, nom générique de l’ordinateur personnel de type IBM, n’a que trente ans d’existence. Son histoire publique commence le 12 août 1981 quand IBM organise à New York une conférence de presse pour dévoiler à une centaine de journalistes privilégiés son tout nouveau produit, l’IBM 5150, baptisé « Personal Computer », en abrégé PC. L’histoire réelle du PC, avait débuté environ un an plus tôt, quand IBM prit la décision de développer, sous la houlette de son président d’alors, Franck Cary, un ordinateur individuel à un moment ou l’entreprise informatique était pourtant quelque peu sceptique pour ce segment de marché qui ne semblait pas particulièrement porteur. A l’époque, IBM estime même inutile de développer elle-même le microprocesseur de sa future machine et le système d’exploitation ; ce qu’elle était pourtant capable de faire, vu son capital d’expérience en la matière. Mais la conception du processeur est confiée à la firme Intel, tandis que celle du système d’exploitation échoit à Microsoft, fondé cinq ou six ans plus tôt par un certain Bill Gates. 

Pour IBM, il s’agissait de trouver rapidement un système d’exploitation fiable pour équiper l’appareil qu’il était en train de développer. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, Bill Gates, selon certaines sources, a failli laisser échapper le marché que lui proposait IBM. En effet, n’ayant pas à l’époque un produit répondant aux spécifications du constructeur, Gates aurait conseillé à ses interlocuteurs de s’adresser à une autre société Digital Research Intergalactic (DRI). Le jour où les représentants d’IBM viennent le voir, Gary Kidall, le patron de DRI, est absent et il n’y a pas d’accord entre IBM et DRI. Le marché finit par échoir à Bill Gates. Pour l’exécuter, celui-ci rachète, pour quelques dizaines de milliers de dollars, un programme nommé, Q-DOS (Quick and Dirty Operating System) à un programmeur free lance, Tim Paterson. Microsoft le fait évoluer et le rebaptise MS-DOS (MicroSoft Disk Operating System), non sans avoir engagé au passage Tim Paterson qui l’adaptera à l’IBM PC. Le DOS, qui connaîtra, dans les années suivantes, plusieurs versions, sera suivi plus tard de Windows, dont les différentes éditions dominent largement le monde des micro-ordinateurs.

L’ère du service

Aujourd’hui, les technologies de l’information sont à un tel degré de développement que certains commencent à penser que « l’ère du PC » a fait son temps et qu’elle touche à sa fin. Ainsi pense Steve Jobs, le PDG d’Apple, selon qui l’après-PC aurait débuté avec l’invention de l'iPad. Mark Dean, CTO d’IBM pour le Moyen Orient et l'Afrique, affirme pour sa part ne plus travailler avec des PC mais plutôt des tablettes. Pour lui, ce sont avant tout les services qui comptent de nos jours, et non les terminaux en soi. Nous serions ainsi à l’ère où le service est plus important que le matériel sur lequel il est utilisé.

Tout le monde cependant n’est pas d’accord avec ce point de vue. Frank Shaw, le directeur de Microsoft Corporate Communications, croit encore au PC et préfère mettre l’accent sur le nombre encore important de ventes (environ 350 millions de PC vendus en 2010). Selon lui, Microsoft va « continuer à faire évoluer cette industrie pour que cette technologie atteigne un, deux ou six milliards d'individus sur la planète [et] nous le ferons, comme nous l'avons toujours fait, en travaillant avec nos partenaires pour offrir de nouvelles expériences étonnantes aux individus et aux entreprises ».

Il faut cependant se rendre à une certaine évidence. Avec l’arrivée du cloud computing, la puissance de calcul brute a moins d'importance et les opérations ont de plus en plus tendance à se faire sur les serveurs distants. Le phénomène va sans doute s’amplifier et la convergence de l’informatique avec les télécommunications va faire le reste, avec l’omniprésence de plus en plus réelle des tablettes et des smartphones dont on se sert aujourd’hui pour faire plein de choses autrefois exclusivement dévolues aux ordinateurs de bureau ou aux ordinateurs portables.

Les précurseurs du micro-ordinateur
Le micro-ordinateur a aussi ses pionniers, que l’histoire relègue parfois aux oubliettes. Historiquement, et dans l’absolu, le premier micro-ordinateur est né en 1973, huit ans avant le PC d’IBM. C’est le fruit du travail de François Grenelle et André Truong. En 1972, ces ingénieurs français répondent à un appel d’offres de l’INRA (Institut national de la recherche scientifique) qui demandait la conception de « systèmes micro-informatiques programmables peux coûteux, appliqués à des relevés hygrométriques en agronomie ». L’équipe de Grenelle et Truong conçut ainsi le Micral qui, parce qu’il utilisait un microprocesseur, fut très logiquement baptisé par ses créateurs micro-ordinateur. Auparavant, André Truong, séduit par la visite qu’il fit à la société Intel, en Californie, créa son entreprise de services informatiques, R2E. Le Micral utilisait un processeur intel 8008 et gérait les entrées et sorties vers les périphériques (clavier, moniteur, unité de disque, imprimante). Il n’avait pas de souris (ce sont les Macintosh qui vont populariser cet outil au début des années 1980) ni de système d’exploitation standard. Malheureusement confiné presque exclusivement à des ventes dans l’Administration française, le Micral n’a pas réussi à s’imposer mondialement en tant que modèle industriel, comme le feront quelques années plus tard le micro ordinateur d’IBM et le système d’exploitation de Microsoft.

Mentionnons tout de même qu’il y a eu, de la part d’IBM, deux autres tentatives − et autant d’échecs − de lancer un micro-ordinateur, entre 1975 et 1980. Mais c’était à une période où les idées étaient encore acquises aux gros ordinateurs. Ainsi, l’IBM 5110 et l’IBM Datamaster, qui sont des précurseurs du PC, furent des échecs commerciaux. Un an environ après le Micral, l’Altair est développé en 1974 par la société MITS Electronics. Ce fut le premier micro-ordinateur grand public commercialisé aux Etats-Unis.

Pour que l’histoire soit encore plus complète, il faut rappeler également qu’avant le PC d’IBM, Steve Wozniack avait, en 1977, conçu l’Apple I, une sorte de micro-ordinateur qui deviendra plus tard l’Apple II, devancier des micro-ordinateurs Mac de la firme Apple, c'est-à-dire des modèles d’ordinateurs personnels fonctionnant avec leur propre système d’exploitation, le Mac OS, développé par le même Apple. Si ces ordinateurs ne constituent aujourd’hui qu’une part relativement réduite du marché mondial des micro-ordinateurs, ils sont cependant largement utilisés dans les arts graphiques, la presse écrite et le traitement du son et des images.

Ainsi, le Micral, l’Altair, l’Apple I et l’Apple II ont tous été des précurseurs de la micro-informatique.