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Shinzo Abe, l’artisan du regain d’influence du Japon en Afrique

  • Date de création: 08 juillet 2022 21:36

(Agence Ecofin) - L’ancien Premier ministre japonais croyait dur comme fer que l’Afrique sera au cœur du développement vers la moitié du 21è siècle, et invitait régulièrement les entreprises du pays du Soleil levant à y investir massivement.  

Ancien Premier ministre du Japon et artisan du regain d’influence du pays du Soleil levant en Afrique, Shinzo Abe, a tiré sa révérence, ce vendredi 8 juillet, après avoir été touché par des tirs lors d’un meeting électoral à Nara, dans l'ouest du pays où il participait à la campagne des sénatoriales.

M.Abe, 67 ans, a été abattu par homme d’une quarantaine d’années, qui a été arrêté sur les lieux. « Le suspect a déclaré avoir gardé rancune à une certaine organisation, et il a avoué avoir commis le crime parce qu'il croyait que l'ancien Premier ministre Abe lui était lié », a indiqué une source sécuritaire à la presse locale.

L’annonce du décès de l’homme, qui détenait le record de longévité au poste de Premier ministre au Japon (plus d’un an, entre 2006 et 2007, et ensuite 8 ans, de 2012 à 2020), a provoqué une onde de choc à travers le monde. Son assassinat est une « tragédie pour le Japon et tous ceux qui l'ont connu », a déploré le président américain Joe Biden. Le Premier ministre indien Narendra Modi s'est dit « profondément bouleversé » par l'attaque contre Shinzo Abe, décrivant l'ex-premier ministre japonais comme un « ami cher », tandis que le président russe Vladimir Poutine a déploré une « perte irréparable ».

Le président français Emmanuel Macron s'est dit de son côté « profondément choqué par l'attaque odieuse ».

Durant son deuxième passage au pouvoir Shinzo Abe avait marqué les esprits avec une stratégie de redressement économique surnommée les « Abenomics » qui combine assouplissement monétaire, relances budgétaires massives et réformes structurelles, avant de démissionner en 2020 pour des raisons de santé.

Politique de reconquête de l’Afrique

Entre 2012 et 2020, il a été l’architecte du rehaussement des relations économiques entre la Chine et l’Afrique, dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine. L’engagement de Tokyo sur le continent était essentiellement motivé par la volonté de Shinzo Abe de redynamiser l’économie japonaise à travers la recherche de relais de croissance à l’international, alors que l’Afrique était en plein décollage économique. « Le Japon doit renforcer ses liens avec l’Afrique. Vers le milieu du 21è siècle, sans aucun doute, l’Afrique sera au cœur du développement, alors si nous n’y investissons pas maintenant, quand le ferons-nous ? Je le répète : la croissance se trouve aujourd’hui en Afrique, c’est maintenant qu’il faut y investir ! », avait-il plaidé à l’occasion de la 5è édition de la Conférence de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), tenue en mai 2013. 

Dans le cadre de cette politique de reconquête de l’Afrique, l’ancien Premier ministre japonais a effectué, du 9 au 14 janvier 2014, une tournée en Afrique qui l’a conduit au Mozambique, en Côte d’Ivoire et Ethiopie. Shinzo Abe, qui était alors accompagné de 34 patrons des plus grandes entreprises nippones, s’était fixé pour objectif pour « redresser le niveau des échanges commerciaux avec le continent », alors que la compétition faisait rage avec la Chine.

A Addis Abeba, il a annoncé le doublement, à 2 milliards de dollars, d’une promesse de prêt faite au secteur privé africain en 2012 et une aide de 320 millions de dollars pour promouvoir la paix et la sécurité en Afrique. Le dirigeant japonais avait également annoncé des investissements dans l’agriculture et l’énergie géothermique en Ethiopie. Au Mozambique, il avait signé une série d'accords économiques dans les secteurs de l'énergie, la santé et le BTP.

Lignes de démarcation avec la Chine

Cette première tournée africaine d'un chef de gouvernement japonais en huit ans a eu lieu presque au même moment que celle du chef de la diplomatie chinoise d’alors, Wang Yi, qui s’était rendu en Ethiopie, à Djibouti, au Ghana et au Sénégal.  Raison pour laquelle elle avait provoqué l’ire de Pékin, qui s’en est vivement prise, le 15 janvier 2014, à Tokyo, mettant en garde les pays africains contre une imminente « résurrection du militarisme japonais » et qualifiant le Premier ministre japonais Shinzo Abe de « fauteur de troubles » après sa tournée sur le continent. L'ambassadeur chinois auprès de l'Union africaine avait alors accusé le Japon de tenter de saper la diplomatie régionale de Pékin, estimant que « la visite en Afrique du leader conservateur japonais faisait partie de ce qu'il a décrit comme une politique d'endiguement de la Chine ».

Durant sa tournée africaine, Shinzo Abe avait tenu à se démarquer de l’Empire du milieu, en revendiquant une approche plus respectueuse des pays africains.

Alors que l’Empire du Milieu déversait des fonds colossaux souvent sous forme de prêts dédiés au financement des infrastructures, le Japon a cherché à mobiliser massivement des investissements privés « de qualité » et qui « ne participent pas à l'expropriation des richesses au détriment des populations et au pillage des ressources naturelles ».

Les investissements japonais sur le continent ont essentiellement visé l’amélioration des services publiques et le développement des compétences (développement des énergies renouvelables, amélioration à l’accès aux services de santé, aménagement des transports urbains, développement des ressources humaines, formation professionnelle etc.).  En l’espace de sept ans, le nombre des entreprises japonaises opérant en Afrique a plus que triplé, passant de 250 en 2011 à près de 800 en 2019.

Lors de la 7è édition de la TICAD, tenue en août 2019 au Japon, Shinzo Abe s’est posé en défenseur acharné de l’Afrique contre une Chine conquérante. Accusant ouvertement l’empire du Milieu de « se préoccuper peu de la dette des pays où il investit », il avait proposé de « former dans 30 pays africains des experts en matière de gestion des risques financiers et de la dette publique ». En Afrique comme ailleurs, la rivalité systémique entre Pékin et Tokyo, était un facteur structurant de la politique étrangère du plus célèbre des Premiers ministre du Japon.

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