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Entretien avec Lionel Zinsou : l’homme qui venait de loin pour montrer le chemin…

  • Date de création: 22 juin 2015 07:59

(Agence Ecofin) - Sa nomination au poste de premier ministre du Bénin a suscité l’émoi dans un pays qui en a pourtant vu d’autres. Alors que le franco-béninois Lionel Zinsou, numéro un de PAI Partners (leader français du capital-investissement) s’apprête à faire ses premiers pas dans la vie politique nationale, les questions fusent et beaucoup se demandent qui est cet inconnu loué ou vilipendé selon les sensibilités. Il est vrai que le personnage intrigue. Doté d’un CV impressionnant, cultivé, éloquent, volontiers disert quand il s’agit du développement de l’Afrique (son thème de prédilection), il tranche avec l’homo politicus tel que le commun des béninois le conçoit. A tel point que même les observateurs les plus avisés de la vie politique nationale ne peuvent s’empêcher, en nouveaux Gérontes, de se fendre d’un «Que diantre va-t-il chercher dans cette galère?». Pour répondre à cette question, et à beaucoup d’autres, il a accepté de recevoir notre rédaction et celle du Monde Afrique dans le cadre d’un entretien exclusif. Dans le confort discret d’une résidence aux allures de musée, il se dévoilera, pendant plus d’une heure, parfois avec ingénuité mais jamais sans humour. Relevant les chausse-trappes, sans les éviter toutefois, il expliquera ses choix, ses attentes et son pari fou. Tout ceci, avec la froide logique analytique du banquier d’affaires, l’idéalisme du panafricaniste et la magie du conteur. Un paradoxe, mais seulement un de plus chez celui qui affiche son respect pour la politique et ses acteurs dans un pays où le désabusement gagne du terrain et où l’on érige le cynisme en bouclier au chant des sirènes politiques. Entretien avec un homme qui s’essaiera pendant 10 mois à être prophète chez lui.

Propos recueillis par Aaron Akinocho

Agence Ecofin : Vous venez d'être nommé Premier ministre du Bénin, pourquoi vous engager en politique dans ce pays ?

Lionel Zinsou : La première raison, c’est qu’on me l’a demandé, et avec des arguments que j’ai trouvés très convaincants. L’un de ces arguments est que ce pays doit mobiliser toutes ses compétences, notamment des compétences qui viennent de cultures différentes. Je pense que la culture du privé ou la culture du monde associatif sont deux cultures très intéressantes pour l’Etat. Je trouvais aussi que j’avais l’âge pour accepter l’expérience. Je ne voyais aucune raison de dire non, d’autant que l’entreprise à la tête de laquelle j’étais, PAI Partners, était prête à un changement vu que j’avais annoncé ma succession, il y a trois ans. Moi je pensais plutôt partir à mon 61ème anniversaire, fin octobre. Mais il n’y a pas de différence entre fin juin et fin octobre.

AE : En dix mois de fonction quel impact pensez-vous pouvoir réaliser?

LZ : Sur l’histoire longue de l’Afrique, dix mois, ça ne va pas se voir. Encore que pour Lumumba, ça s’est vu. Et c’était tragique. Pour être un très grand héros, il faut plus que dix mois. Mais dix mois dans la vie d’un individu, ça se voit. Avoir un emploi maintenant, ou dans les dix mois qui viennent, ça change la vie d’une personne. Avoir l’électricité plutôt que pas d’électricité, avoir un pompage, un drainage des sols plutôt que d’être inondé, en dix mois ça, se verra. Sur l’histoire du continent, ça ne va pas se voir, mais sur l’histoire des gens, ça se verra. Et mon objectif, c’est que ça se voie sur l’histoire des gens. Non pas tellement pour qu’ils se disent : «Il est vraiment très bon puisque je n’avais pas l’électricité et maintenant j’ai l’électricité. Oui, il est vraiment très bon, il faut qu’il reste comme président de la République.», ce n’est pas pour ça que je le fais. Je voudrais qu’on puisse tester des idées pour pouvoir s’occuper des vrais problèmes de nos compatriotes. On va voir à quoi ça ressemble. On va essayer de faire vite, bien et pas très cher. Et pas lentement, en perdant du temps, en se mettant des bâtons dans les roues, en se divisant. Pour faire la preuve que c’est possible.

AE : Vous arrêterez-vous alors à la primature ou pourrait-on vous voir briguer la magistrature suprême?

LZ : Si on montre qu’on peut donner l’électricité, l’eau, l’éducation, l’accès à la lecture, etc. à des gens qui en sont privés en 10 mois, les gens demanderont que ça continue. Mais avec moi ou avec d’autres, ce n’est pas le sujet. Ça continuera et ça ne s’arrêtera pas. On ne retombera pas. Et donc je trouve que c’est ça qui est intéressant. La seule chose que nous devons faire, c’est d’apporter la preuve que c’est possible, et la méthode pour le faire. Et cette méthode, les gens voudront la répliquer. Et je vois plein de très bons présidentiables qui continueront ça. Tout le monde aura envie de continuer à faire ça et on continuera avec le meilleur. Je n’ai pas d’amour-propre de candidat, je n’ai pas d’ego de président. Ce que je dis c’est: «Pour l’instant, est-ce qu’on peut trouver des bonnes méthodes, est-ce qu’on peut s’occuper des vrais problèmes, est-ce qu’on est bien d’accord sur ce que sont les vrais problèmes et est-ce qu’on peut essayer de trouver les bonnes méthodes?». Si on les trouve, les Béninois continueront. Je n’ai aucun doute. Quelle que soit la personne qui sera le président, ils ne s’arrêteront pas.

AE : Quels sont vos rapports avec les politiciens béninois, notamment ceux qui sont pressentis comme candidats à l’élection présidentielle de 2016 ?

LZ : Les présidentiables sont très aimables avec moi. Ils sont venus me voir ces derniers mois. Peut-être pas tous, mais au moins les plus annoncés. A tous, j’ai dit la même chose : je me considère comme un économiste dans la vie. Je suis absolument prêt à vous faire part de mes conseils ou de tout ce que vous voulez que je peux tirer de mon expérience. Vous savez, dans les entreprises que nous possédons chez PAI, il y a 150 000 salariés. Ça fait quand même 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Donc, on finit par avoir de l’expérience. Je n’ai jamais refusé de dialoguer avec eux, parce que ceux qui sont venus me voir, je les estime.

AE : Certains analystes ont-ils raison de voir dans votre nomination une caution morale aux retombés de la table ronde de Paris dans laquelle vous vous êtes impliqué?

LZ : Il n’y a aucun lien. A l’origine, quand on m’a demandé de participer à la table ronde à côté des autorités du Bénin, c’était en raison de mon métier d’investisseur. J’ai donc donné des témoignages et des réactions d’investisseur, parce que les investissements que j’ai pu faire dans ce pays durant mon passage à la banque Rothschild sont des investissements d’assez grande taille. Durant la conférence, je n’ai dirigé que la table ronde sur la diaspora où j’ai animé sur cette question : « Comment la diaspora peut aider à la réalisation d’un programme d’investissement en équipement en infrastructure?». Cela ne comportait aucune une promesse ministérielle ou un engagement de ma part de revenir pour m’occuper de ces programmes. En revanche, il y a quelques jours, le président m’a dit, «Dans la feuille de route du développement économique, il faut faire réussir ces investissements qui ont été promis au Bénin et qui constituent une enveloppe historique.»

AE : Après votre nomination qui a été une véritable surprise, beaucoup disent désormais qu’on peut voir en vous le dauphin du président Boni Yayi. Qu’en est-il réellement?

LZ : D’abord, la première chose que ça m’a inspiré, c’est que, plutôt que de prendre comme symbole un caméléon ou un requin, pourquoi ne pas prendre un dauphin, puisque c’est un animal qu’on voit au large de nos côtes selon les saisons? Mais je me suis dit que si je faisais ça les gens y verraient une confirmation de ce que vous dites. Je ne vais pas faire plaisir à La nouvelle tribune (NDLR : quotidien béninois qui l’a récemment présenté comme le dauphin de Boni Yayi). Cela dit, vous connaissez la phrase du général De Gaulle qui disait qu’il n’y avait aucun souci à se faire pour savoir qui lui succéderait et qu’à son avis, ce serait le trop-plein. D’une façon générale, quand vous êtes à un an d’une présidentielle, vous ne vous inquiétez absolument pas, il n’y a aucun risque que nous n’ayons pas de président. Nous allons avoir énormément d’excellents candidats et d’autres d’ailleurs (rires), ne vous inquiétez pas, et je ne pense pas que le président se cherche un dauphin.

AE : On a vu des Africains aux brillants états de service dans des grandes institutions parachutés à la primature dans leurs pays et sortir de la mission qui leur a été confiée avec des bilans en demi-teinte. Ne craignez-vous pas que votre aventure ministérielle puisse connaître le même sort?

LZ : Il se peut très bien que nous n’atteignions pas le résultat. Il se peut très bien que les gens se disent «tout ça pour ça?, objectivement, on n’a pas vu de transformation.» Auquel des cas, notre héritage sera modeste. On pourra dire qu’il est assez difficile de passer du secteur privé au secteur public, de passer du côté intellectuel au côté homme d’action et impossible de passer de notre bureau de Paris à notre bureau de Cotonou. En fin de compte, c’est bien possible. Mais ça, c’est un cas de figure. Mais il y a le cas où on fait des choses qui réussissent, où on utilise la bonne méthode pour parvenir à des solutions efficaces. Et à ce moment-là, les Béninois auront envie de continuer. Tout le monde aura envie de continuer à faire ça et on continuera avec le meilleur.

AE : Si on ne devait retenir de vous qu’une seule action d’envergure à la fin de votre charge, laquelle voudriez-vous que ce soit?

LZ : En fait, vous me posez une question assez classique qui est « qu’est-ce que vous aimeriez voir écrit sur votre pierre tombale?» Alors, si on pouvait dire, «Il nous a donné la méthode, maintenant on peut continuer, on sait comment on fait», ce serait énorme. Parce qu’il y a des gens qui réforment leurs pays seulement en changeant la méthode. Je ne vais pas donner la lumière, et des emplois à tous, mais si je pouvais leur donner la méthode…

AE : Pensez-vous avoir une idée exacte des pesanteurs qu’il vous faudra surmonter pour atteindre ce résultat?

LZ : Alors, votre question, elle me trouble énormément parce que derrière, il y a une petite jubilation de Béninois qui me dit : «Vous n’allez pas y arriver. Vous n’y arriverez pas, parce que, vous allez voir, on est quand même vraiment très compliqués. Vous n’allez rien comprendre. Et même si vous comprenez, vous n’allez pas y arriver, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne vont pas avoir envie. Et si vous y arriviez quand même, vous verrez, il y aura quand même des coups tordus imprévus, parce que c’est comme ça que ça se passe chez nous.» De temps en temps des amis me le rappellent. Ils me disent : «vous avez du courage!» ou «méfiez-vous de tout le monde.». Eh ben oui! Très bien, je suis prévenu. Plus sérieusement, je pense qu’il y a des choses qui sont dans l’intérêt des populations, et si on leur montre que c’est possible, elles défendront leurs droits. Je pense aussi que ce à quoi vous faites allusion, c’est le système. Une espèce d’’antisystème qui empêche pas mal de réformes dans ce pays. Je le sais bien ça, je l’ai bien vu cet antisystème. Dans les années soixante déjà on a vu cet antisystème à l’œuvre, notamment durant l’expérience politique de mon oncle, au terme de laquelle l’antisystème a gagné. Je sais très bien que ces choses existent. Mais cet antisystème qui bloque, pour simplifier, profite peut-être à 5% des Béninois au détriment de 95% des Béninois.

AE : Que répondez-vous à ceux qui se disent rebutés par votre statut de technocrate déconnecté des réalités politiques béninoises?

LZ : Ce n’est pas absurde, d’essayer de temps en temps des hommes pas politiques, dans la politique. Et je me demande, si dans la politique béninoise, il ne faut pas un tout petit peu d’amateurs et pas seulement des politiciens professionnels. Je ne sais pas ce qu’en pense l’opinion, mais les réactions des internautes m’ont beaucoup intéressé. Il y a des gens qui disent : «Ce n’est pas un politicien professionnel!» et il y en a d’autres qui répondent : «Heureusement!» (rires)

AE : Entre ‘afro-optimiste béat’ et ‘personnage de roman’, votre vision du monde vous a valu bien des surnoms. Ne vous sentez-vous pas un peu dans la peau de l’Albatros de Baudelaire quelques fois?

LZ : Le problème avec l’Albatros de Baudelaire, c’est qu’il n’arrivait pas à voler et cette idée d’un oiseau qui ne parvient pas à s’envoler ne me convient pas du tout. Ça ne me donne pas du tout envie d’être cet albatros. Non, par contre, j’aime beaucoup les dauphins. Ils sont plus intelligents, ils ont l’un des cerveaux les plus développés, et un système de langage extrêmement sophistiqué. Ce sont des mammifères comme nous autres, et ils respirent en dehors de l’eau. En plus, ils sont très beaux et très joueurs aussi. Voilà, j’aime les dauphins. Mais attention…uniquement sous cette forme, les autres, je ne les connais pas (rires).



 
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