(Agence Ecofin) - Plusieurs investisseurs étrangers expriment leur volonté de quitter la Tanzanie ou d’y réduire leurs projets d'expansion et d'investissements. Ils se disent inquiets des politiques publiques et fiscales qui sont menées par le gouvernement de l'actuel président, John Magufuli (photo), apprend-on de Reuters qui cite des entretiens menés avec plusieurs dirigeants de sociétés étrangères.
La pression fiscale vient en tête des contraintes évoquées par les personnes interrogées, et qui ont souhaité préserver leur anonymat. La nouvelle loi des finances introduit des impôts sur les transactions financières via le mobile, les services touristiques et bancaires, les frais de transit et, dans certains cas, les régulateurs auraient exigé que le surplus de charges ne soit pas répercuté sur les prix. Globalement, le gouvernement veut améliorer ses recettes fiscales de près de 50%.
Il souhaite aussi que les opérateurs du secteur des ressources procèdent à une première transformation dans le pays. Une décision jugée irréaliste par les opérateurs de ces secteurs, qui font savoir que les volumes exploités ne permettent pas une transformation industrielle locale. Par ailleurs les opérateurs de téléphonie mobile ont reçu l'ordre d'introduire 25% de leur capital sur le Dar es Salam Stock Exchange, le marché financier local. Certains se sont engagés, mais à petit pas. Ils font savoir que le marché risque de manquer de liquidité pour alimenter ces titres.
Les arbitrages sont assez complexes pour le président Magufuli, qui doit tenir ses engagements de campagne, dans un contexte marqué par le repli des prix des matières premières brutes et une dépréciation de la monnaie tanzanienne (shilling). Par ailleurs les conditions du marché international des capitaux se sont durcies, amenant le FMI à conseiller aux pays d'Afrique subsaharienne de renforcer la mobilisation des ressources locales, plutôt que l’endettement privé international.
Pourtant le gouvernement tanzanien ne peut ignorer le risque d'un désinvestissement des étrangers qui aggraverait ses défis économiques actuels. Selon des données de la CNUCED, le pays a reçu près de 1,5 milliard $ d'investissement étranger pour un PIB de 30 milliards $, alors que l'Afrique du sud avec ses 313 milliards $ de PIB n'en a reçu que pour 1,7 milliard $.
Le cas de la Tanzanie n'est pas isolé en Afrique subsaharienne. Plusieurs pays de la région font face à un véritable verrou de la contrepartie extérieure, et ont besoin des réserves de change qu’apportent les capitaux étrangers pour supporter les importations de biens et services qui soutiennent leurs développement et leur consommation.
Seulement, les entreprises internationales, sont toujours en quête de positions fiscales avantageuses, poussant certains gouvernements à mettre une pression fiscale, parfois peu efficace, sur les ménages locaux.
Plusieurs pays de la région ont été contraints de retourner à l’assistance du FMI. Mais le remède des analystes de l'institution de Breton Woods est parfois plus amer que le problème. Ses experts recommandent des mesures de renforcement de la fiscalité dans des économies très fragiles et des mesures d'austérité budgétaire dans un contexte de forte pression des besoins en infrastructures sociales.
Idriss Linge
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