(Agence Ecofin) - Beaucoup l'ont connu excellent vice-président de la Société Financière Internationale (SFI) en charge de l'Afrique, l’Amérique latine et l’Europe, certains ont apprécié son passage à la tête du groupe bancaire le plus présent en Afrique. Aujourd'hui Thierry Tanoh a livré une autre de ses facettes, celle d'une personne qui sait se battre jusqu'au bout lorsqu'il s'agit de son intérêt. Ecobank Transnational Incorporated, son ancien employeur, a du l'apprendre aux dépends de sa trésorerie.
Le 18 février 2015, le groupe bancaire, représenté par Adé Ayeyemi, son nouveau directeur général, Dan Matjila, directeur de la Public Investment Corporation, le fonds de pension de fonctionnaires sud-africains (actionnaire important d'ETI), et Thierry Tanoh ont finalement paraphé un accord pour mettre un terme aux batailles judiciaires qui les opposent depuis près de 2 ans. « Cet accord met fin à tous les procès entre M. Thierry Tanoh et les autres parties. Ecobank Transnational Incorporated et Ecobank Côte d’Ivoire se félicitent du fait que toutes les difficultés rencontrées de manière regrettable ces dernières années avec M. Tanoh, soient désormais aplanies et aient pu trouver une issue favorable, conforme à l’intérêt bien compris de toutes les parties », a commenté la banque dans un communiqué pudique, publié sur son site internet, sans aucune information sur le montant final de l’indemnité.
Mais de sources médiatiques convergentes, on apprend que l'actuel conseiller économique du président ivoirien Alassane Outara, recevra 12 millions $ pour solde de tout compte. On est loin du million $, proposé par Ecobank le 25 septembre 2014, alors que le juge ivoirien du commerce tentait d'obtenir un bon arrangement en lieu et place d'un mauvais procès. Thierry Tanoh avait décliné l'offre, ouvrant ainsi la voie au deuxième acte de sa bataille judiciaire, une plainte pour diffamation déposée contre Daniel Matjila qui, en sa qualité d'administrateur d'Ecobank, avait écrit aux membres du conseil d’administration une lettre très offensante à l’égard de M. Tanoh. La lettre, qui fera l’objet d’une fuite, sera publiée par le Financial Times et Bloomberg. Le procès s'est achevé sur une condamnation d'Ecobank à verser au plaignant la somme de 7,5 milliards de FCFA (12,7 millions $).
La confrontation juridique a débuté lorsque Thierry Tanoh a été débarqué sans ménagement de la tête du groupe, à l'issue d'un conseil d'administration qui s'est tenu discrétement à Yaoundé (Cameroun), le 11 mars 2014. M. Tanoh n'a pas publiquement commenté son éviction, mais le 4 avril 2014, il a saisi le tribunal togolais compétent pour rupture abusive de son contrat de travail. Un an après la justice lui a donné raison et condamné son ex-employeur à lui verser 11,5 millions $ de plus.
Notons aussi que tout au long des différentes procédures judiciaires au Togo et en Côte d’Ivoire, le groupe bancaire a multiplié les maladresses qui ont joué en sa défaveur jusqu’au dernier acte de la bataille devant la justice britannique. Fort d’un accord de siège qui confère à ses dirigeants une quasi-immunité juridique, ETI a, chaque fois, joué la carte de l’incompétence de juridiction, dénigré la justice locale, négligé les requêtes sur le fond au Togo et ignoré les conseils du juge ivoirien. Pour finir, en dernier recours, la banque se tournera vers la justice britanique, dont répondait, selon elle, le contrat de travail de M. Tanoh.
Mais le juge suprême britannique relèvera qu’Ecobank n’a saisi les instances arbitrales qu’au terme des procédures de droit commun dans différents pays et, qu’au regard de l’évolution actuelle de la justice en Grande Bretagne, il ne pouvait pas valider une injonction de non-exécution sur des décisions prises par des tribunaux étrangers.
Face à cette ultime défaite, le groupe bancaire n’avait d’autres choix que de s’exécuter ou de négocier. Reste à voir comment cette situation impactera les performances financières du groupe et si les protagonistes de cette Bérézina managériale et judiciaire seront sanctionnés comme il se doit, si l’on en croit les bonnes résolutions de gouvernance de la banque.
Idriss Linge
Palais du Pharo, Marseille, France - Explorer, Investir, Réussir.