Plus d’un demi-siècle après les indépendances africaines, il n’est toujours pas possible d’éditer un journal ou un magazine panafricain depuis un pays d’Afrique. Les seuls circuits de diffusion de presse capables de desservir les messageries de presse de plusieurs pays africains partent de Paris, pour les publications francophones, ou de Londres, pour les publications anglophones. Ce déficit de logistique fait qu’il n’est même pas possible de développer une presse africaine sous-régionale, à l’exception notable de quelques pays d’Afrique de l’Est desservis quotidiennement depuis Nairobi par le circuit de diffusion du groupe The Nation.
Ainsi, en Afrique, tout éditeur qui souhaite dépasser les limites de son marché national est condamné à imprimer en Europe et à supporter des coûts de fret aérien long courrier prohibitifs. Sur le marché panafricain francophone, où les grands annonceurs privés se comptent sur les doigts d’une main, sauf à bénéficier des largesses d’un ou plusieurs gouvernements, la charge est écrasante, sinon rédhibitoire, pour toute entreprise de presse papier indépendante.
Les nombreux colloques, conférences ou rapports subventionnés qui traitent de la liberté de la presse en Afrique ou du rôle primordial du journalisme en démocratie, resteront vains tout le temps que les éditeurs seront contraints de payer jusqu’à 6000 € pour distribuer une tonne de papier en Afrique.
Pour dépasser cet obstacle majeur au développement de groupes de presse africains francophones, il suffirait qu’un site dispose de deux atouts : un parc d’imprimeries de bonne capacité et un hub logistique qui desservirait chaque jour les capitales d’Afrique francophone.
Techniquement, ce site pourrait être Casablanca. Le parc d’imprimeries y est suffisamment développé et le hub de la RAM permet de rejoindre quotidiennement presque toutes les capitales d’Afrique francophone. Reste à savoir si le gouvernement marocain laisserait imprimer et diffuser librement depuis son territoire toute la diversité africaine d’opinions politiques, économiques et culturelles.
Une alternative pourrait naître prochainement à Lomé si Asky et son partenaire Ethiopian Airlines développent le hub logistique annoncé récemment, qui devrait desservir quotidiennement 25 villes d’Afrique de l’Ouest et centrale. Même si Lomé n’est pas particulièrement équipée en imprimeries, la proximité d’Accra (170 km) pourrait, dans un premier temps, faire l’affaire.
Bien sûr, la fibre optique et l’internet mobile permettront sans doute, d’ici quelques années, de développer une information régionale et continentale grand public par delà ces contraintes industrielles et logistiques. Mais ce serait un pari bien risqué pour l’Afrique que de négliger le rôle indispensable d’une presse papier. Pas plus que le développement de la radio et de la télévision, celui du web ne condamnera le papier. Les pays où la presse papier connait ses plus gros tirages sont également ceux où le web est le plus accessible.
Dominique Flaux, agence Ecofin
Genève, Suisse et online