(Agence Ecofin) - La Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC) a rejeté en fin de semaine dernière, une demande d'autorisation du ministère camerounais des Postes et des Télécommunications (Minpostel), pour exploiter un système de règlement et de compensation dans le cadre des paiements effectués en monnaie électronique.
La raison officielle du rejet, selon la lettre du 15 avril 2020 du gouverneur Abbas Mahamat Tolli (photo), tient au fait que le dossier du gouvernement camerounais a été rédigé en anglais, et non en français qui est la langue de travail au sein de l'institution d'émission monétaire. Des sources proches du dossier confirment que cette actualité marque le début d'un nouveau conflit ouvert entre le Cameroun et les instances sous-régionales.
C'est ce même 15 avril 2020 que le gouverneur de la BEAC a lancé de manière officielle, le fonctionnement de l'interopérabilité dans les systèmes de paiement en zone CEMAC. Le mécanisme fonctionnait déjà chez certains opérateurs mais sous forme de tests. Avant cela, le Minpostel a inauguré le 31 mars 2020, son propre système d'interopérabilité.
« L’objectif principal de la mise en place de ce Switch national qui sera géré par la Campost est de favoriser à travers une passerelle unique, l’interopérabilité des différents services proposés par les opérateurs utilisant le réseau national de communication électronique. Ce, dans le but de placer l’opérateur public postal au cœur du développement de l’économie numérique », a expliqué en cette circonstance Minette Libom Likeng, la ministre camerounaise des Postes.
Au cœur des enjeux, l'idée selon laquelle l'entreprise postale à capitaux publics, la Campost, pourrait connaître une renaissance grâce aux retombées des flux de transactions via le mobile et autres modes individuels de paiement électronique. Les plus récentes données officielles sur le Mobile Money en zone CEMAC datent de la période allant de janvier à septembre 2017. Il en ressort qu'au Cameroun uniquement, la valeur des paiements effectués via ce système était de 2224,7 milliards FCFA. Les experts estiment qu'actuellement, ce volume a été multiplié par au moins 4, or 30% à 40% des transactions se déroulent entre opérateurs ; ce qui ouvrirait la voie à d'importantes retombées financières.
Dans sa démarche, le Minpostel défend techniquement de ce que ces systèmes de paiements utilisent la technologie des réseaux de télécommunications pour mener les opérations. A la BEAC, on défend l'idée selon laquelle c'est avant tout des services financiers et que la technologie n'est qu'un accessoire. C'est dans ce sens que la réglementation a évolué pour consacrer la création des entités spécialisées dans les paiements électroniques.
Un autre champ de discussions du Minpostel camerounais est celui de la sécurité. La plateforme nationale permettrait de mener une meilleure veille sur les risques de financement de terrorisme et autres activités d'atteinte à la sûreté et la sécurité de l'Etat. Cependant, la BEAC a son propre système de compensation qui jusqu'ici, a été efficace (Systac), et une institution de gestion de la monétique (GIMAC).
Les opérateurs restent assez discrets sur le sujet et se refusent à communiquer sur cette divergence de législation. Selon des personnes qui y travaillent et qui ont requis l'anonymat, une préférence effective est faite pour le système de la Banque centrale qui serait plus cohérent. La CEMAC semble de nouveau confrontée à une dualité sur des opportunités d'intégration sous-régionale. De telles divergences avaient poussé à la création de deux bourses dans la sous-région, l'une à Douala, l'autre à Libreville. Au final, les deux instances ont été unifiées.
Idriss Linge
Abidjan, Côte d'Ivoire. Une plateforme de mise en relation entre les entreprises allemandes et leurs homologues de l’Afrique francophone.