(Agence Ecofin) - Dans plusieurs pays africains, les richesses du sous-sol, au lieu de contribuer au développement des pays producteurs, engendrent plutôt des souffrances et de la misère. Pour lutter contre ce phénomène dans un pays, il faut pouvoir évaluer à quel point il dépend de ses industries extractives.
En décembre 2022, le National Resource Governance Institute (NRGI) a publié un jeu de données composé de plusieurs indicateurs permettant de mesurer d’une nouvelle manière la dépendance d’un pays aux industries extractives. Selon les explications proposées par l’organisation dans un rapport lu par l’Agence Ecofin, l’objectif est de montrer les conséquences de cette dépendance et convaincre les décideurs de s’y attaquer.
Une approche basée sur quatre groupes d’indicateurs
Le nouveau modus operandi du NRGI pour évaluer la dépendance d’un pays vis-à-vis de son secteur extractif se base sur plusieurs indicateurs répartis en quatre grands groupes. On retrouve notamment dans la base de données des indicateurs mesurant l’impact des industries extractives dans l’activité économique d’un pays, le niveau de ses devises étrangères, l’état des finances publiques ainsi que d’autres facteurs contextuels qui « aident à montrer à quel point la dépendance d’un pays vis-à-vis des industries extractives est susceptible de compromettre sa stabilité économique ».
Le premier groupe de données comprend des indicateurs comme la part des rentes extractives dans le PIB, la part de la richesse nationale ou la part de l’emploi liée aux industries extractives, mais également des données permettant de déterminer dans quelle mesure l’avenir économique d’un pays est susceptible d’être lié aux activités d’extraction.
« Lorsque les investissements sont fortement concentrés dans le secteur des ressources naturelles, cela peut constituer un signal d’alarme indiquant que la dépendance est susceptible de s’accroître et qu’il est nécessaire de prendre des mesures correctives », explique le NRGI.
Pour ce qui est des devises étrangères, l’organisation a voulu trancher avec la manière de faire qui consiste à utiliser les exportations brutes de produits extractifs comme indicateur des recettes en devises du secteur, car « elle ne tient pas compte des devises étrangères dépensées pour les intrants utilisés pour produire ces exportations ». Elle a ainsi inclus des indicateurs mesurant les recettes nettes en devises étrangères, mais aussi l’importance de ces recettes pour le financement de la facture d’importation. Le troisième groupe d’indicateurs mesure la part des industries extractives dans les revenus du gouvernement notamment le rapport entre les revenus des industries extractives et le service de la dette extérieure de l’État.
Une nouvelle contribution à la lutte contre la malédiction des ressources
La nouvelle base de données du NRGI intervient à un moment où la question de la malédiction des ressources naturelles revient sur le devant de la scène alors que le monde se dirige selon certains analystes vers un nouveau super-cycle des matières premières. En effet, entre les préoccupations liées à la transition énergétique et les évolutions technologiques, l’importance de certaines matières premières (le cobalt, le nickel, le lithium, par exemple) pour le monde s’est accrue et les perspectives de leurs marchés sont belles. Pour les pays africains détenant de grandes réserves de ces minéraux qui seront critiques pour le monde de demain, le grand enjeu est de ne pas rater ces nouvelles opportunités.
Au-delà des contributions d’organisations comme le NRGI ou encore l’ITIE, plusieurs firmes proposent également des solutions pour résoudre le problème de la malédiction des ressources naturelles qui se manifeste souvent par la corruption, une lutte violente pour la captation de la rente, des dégâts environnementaux, la concentration économique, une exposition à la volatilité des cours, la faiblesse des institutions, des inégalités croissantes ou encore des guerres régionales. Dans un rapport publié l’année passée sur sa plateforme Ecofin Pro et intitulé « En finir avec la malédiction des matières premières », l’Agence Ecofin apporte également sa pierre à l’édifice en tirant les leçons des erreurs commises lors des précédents cycles des matières premières et propose des solutions pour venir à bout de cette « malédiction ».
Louis-Nino Kansoun
Sofitel Manhattan, NY, USA