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« En Côte d’Ivoire, le segment de la transformation de l’anacarde pourrait être aussi compétitif que celui de l’Asie d’ici 10 ans » (Pierre Ricau, N’kalô)

  • Date de création: 04 octobre 2023 10:47

(Agence Ecofin) - En Côte d’Ivoire, la filière anacarde connaît depuis quelques années une véritable croissance. Le pays qui est le premier producteur mondial de la noix depuis 2015 compte de plus en plus dans le rang des transformateurs grâce aux investissements privés et à l’accompagnement des autorités. Retour avec Pierre Ricau (photo), analyste en chef de N’kalô (service d’information pour les marchés agricoles en Afrique) sur les récentes performances de l’industrie et sur ses perspectives.

AE : N’kalo a publié récemment des statistiques sur les exportations ivoiriennes d’amandes de noix de cajou qui ont surpassé celles de l’Inde au cours des 3 derniers mois jusqu’en juillet…

Pierre Ricau : Oui effectivement. Depuis mai 2023, les exportations ivoiriennes de noix de cajou décortiquées ont dépassé 4 000 tonnes par mois. En août, elles ont même atteint 5 300 tonnes. Si je prends le total sur les 7 premiers mois de l’année, l’Inde aura exporté 28 900 tonnes d’amandes contre 25 800 tonnes pour la Côte d’Ivoire. Donc depuis le début de l’année, l’Inde reste légèrement devant en termes d’exportation.

Mais ce qui est intéressant c’est que le pays asiatique est sur une pente de déclin progressif de ses ventes à l’international parce que son industrie de la transformation se concentre de plus en plus sur la consommation intérieure. Au contraire en Côte d’Ivoire, la croissance est continue. Les exportations d’amandes ont grimpé de 56 % entre janvier et août pour atteindre un peu plus de 31 000 tonnes. L’année dernière, ce chiffre était de 20 000 tonnes et en 2021 on était à 16 000 tonnes. Donc la croissance s’accélère.

AE : Comment peut-on expliquer cette dynamique ?

PR : Il y a plusieurs usines qui ont débuté l’exportation d’amandes cette année. Certaines ont commencé seulement en mai-juin, le temps qu’elles transforment les premières noix achetées en février. Il y a certaines usines qui sont en train d’être construites, d’autres font des tests et débuteront l’année prochaine. L’industrie bouillonne. Il y a tout le temps de nouveaux projets privés. Au fur et à mesure que les usines travaillent, elles s’améliorent, augmentent leur cadence de travail et le personnel est de mieux en mieux formé.

Je pense plus globalement que les bons résultats de la filière sont le fruit d’une stratégie de long terme. Nous avons eu à faire une étude en 2014 pour le ministère de l’Agriculture en Côte d’Ivoire qui a montré que le pays n’était pas compétitif par rapport aux géants asiatiques comme l’Inde et le Vietnam pour plusieurs raisons. La première est que la main-d’œuvre indienne ou vietnamienne était très productive.

Si dans une journée de travail, la main-d’œuvre ivoirienne décortique 20 tonnes de noix de cajou brutes, les travailleurs vietnamiens peuvent faire le double. Même si les salaires sont les mêmes, les Vietnamiens sont plus compétitifs si on ramène cela au kg. Ensuite, il y a le coût du financement. Les usines asiatiques n’ont besoin d’acquérir la matière première que pour 2-3 mois d’activité, les transformer puis racheter encore la noix de manière étalée sur le reste de l’année en provenance de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est.

En Côte d’Ivoire, les opérateurs doivent acheter la totalité du stock de noix pour travailler sur 11mois de l’année juste au cours de la campagne qui dure 3 à 4 mois. Dans un tel contexte, ceux-ci doivent beaucoup emprunter et stocker la noix sur une plus longue période, ce qui génère des frais financiers beaucoup plus importants qu’en Asie. Par ailleurs, il y a l’industrie des équipements, les machines et les pièces de rechange qui est bien développée en Asie, ce qui facilite les choses. En Côte d’Ivoire il faut importer les équipements et faire du stock avec parfois des usines qui peuvent être bloquées en raison de l’importation des pièces de rechange qui prennent du temps.

Avec ces désavantages comparatifs, l’étude a suggéré aux autorités de subventionner la transformation locale pendant un temps en attendant que l’industrie prenne son envol et que derrière, la main-d’œuvre soit formée et qu’il y ait les fournisseurs. Au début, les autorités voulaient subventionner à la taille des usines, mais nous avons recommandé de subventionner au kilogramme d’amande exportée pour éviter des comportements opportunistes. Le risque était que les investisseurs construisent les usines justes pour bénéficier de l’aide de l’État.

Si on regarde les résultats, les incitations basées sur la performance ont marché. Il y a par exemple une prime de 400 Fcfa par kilogramme d’amande exportée et aussi d’autres mesures qui exonèrent les opérateurs de droits de douane et de TVA sur les équipements ainsi que sur les pièces de rechange qu’ils doivent importer. Au début, l’installation d’usines balbutiait, mais aujourd’hui il y a de plus en plus d’usines. Si je remonte en 2015, le secteur était très réduit avec seulement 5 usines actives. Actuellement, il y a 25 usines qui travaillent en Côte d’Ivoire contre 21 l’année dernière. Donc en l’intervalle de 8 ans, le nombre d’usines d’actives a été multiplié par 5.

AE : Il y a eu sur ces dernières années, des difficultés des opérateurs locaux qui se sont plaints du manque d’accès à la matière première face aux unités détenues par les investisseurs étrangers. Quelle est votre analyse de cette situation ?

PR : Il y a des usines qui ont rencontré des problèmes. C’est vrai. Mais cela n’est pas généralisé. Il faut savoir qu’il y a deux types d’unités qui transforment l’anacarde en Côte d’Ivoire. D’abord il y a celles qui ont été construites sur les dernières années et appartiennent à des groupes ivoiriens ou à des investisseurs étrangers vietnamiens, chinois ou indiens et qui avaient déjà une expérience de l’agroindustrie. À côté de ces installations, il y en a d’autres qui sont le fruit des investissements de nationaux qui avaient peu d’expérience dans l’industrie agroalimentaire.

Le problème est que ces usines qui appartiennent à des outsiders manquent encore d’expérience et de planification. Dans certains cas, les installations sont faites sans prévoir les ressources financières pour l’achat de matières premières. Du coup, elles comptent sur les banques pour les aider à financer l’acquisition de noix de cajou alors qu’aucun établissement ne finance des usines en démarrage quand ce n’est pas un grand groupe qui peut mettre ses autres activités en garantie.

Et donc, ces entreprises ne tournent pas, se plaignent de la difficulté à acquérir la matière première et font beaucoup de bruit dans les médias. Par exemple, il faut toujours compter le double de la valeur de l’usine construite pour la faire tourner. Donc, quand on édifie une usine de 5 millions $, il faut prévoir 10 millions $ pour la faire tourner. C’est surtout un manque de prévisions qui engendre des difficultés plutôt qu’un problème structurel.

AE : Plus globalement, quel bilan peut-on faire de la production d’anacarde cette année ?

PR : En début de campagne, le gouvernement avait annoncé une récolte de 1,1 million de tonnes en 2023. En milieu de saison, ils ont revu le pronostic à 1,25 million de tonnes. Mais selon nos estimations cela sera plus que ça probablement au-dessus de 1,3 million de tonnes. Pourquoi cette forte hausse ? En 2016-2017, le prix bord-champ était monté entre 780 et 930 Fcfa par kg, ce qui a incité les producteurs a planté beaucoup d’anacardiers. Près de 7 ans après, les arbres commencent à produire à plein régime et participent à la croissance de la récolte.

Plus l’anacardier grandit, plus il produit. Et jusqu’à 15-20 ans, la production augmente un peu plus chaque année. Avec les prix qui ont baissé de plus de moitié, les producteurs plantent beaucoup moins d’anacardiers en ce moment et donc dans 5-6 ans, la production va augmenter beaucoup moins vite. Mais les arbres qui ont été plantés en 2016-2017, leur production va continuer à augmenter. Donc on sait qu’à terme, la Côte d’Ivoire va se rapprocher des 2 millions de tonnes comme pour le cacao.

AE : Comment voyez-vous l’industrie ivoirienne de la transformation dans les prochaines années ?

PR : Je pense que d’ici 10 ans, la Côte d’Ivoire sera complètement compétitive avec l’Asie. Si cela arrive, on peut envisager une baisse du soutien à l’industrie. Actuellement, les Vietnamiens transforment plus de 2 millions de tonnes. En Côte d’Ivoire, on est passé en 10 ans de moins de 50 000 tonnes de noix de cajou brutes à presque 300 000 tonnes cette année. C’est énorme. Il y a probablement presque 20 000 emplois qui ont été créés dans le secteur de la transformation.

Mais il y a toujours un gap important par rapport au Vietnam où les machines les plus performantes du marché sont créées avec des ingénieurs qui travaillent depuis 30 ans sur le sujet. En Côte d’Ivoire, il y a la Sotic qui s’est engagée dans la fabrication d’équipements de transformation. Cela avance, mais prendra encore du temps pour rattraper les équipementiers vietnamiens. Il y a petit à petit un écosystème industriel qui se met en place et c’est de bon augure pour la sous-région. Beaucoup de pays voisins pourraient s’inspirer du cas de la Côte d’Ivoire.
 
Propos recueillis par Espoir Olodo


 
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