(Agence Ecofin) - La Banque centrale sud-africaine a mentionné mercredi 25 mars 2020 qu’elle n'hésiterait pas à recourir à la technique dite de l'assouplissement quantitatif pour limiter la volatilité sur le marché des titres d'emprunts du Trésor public de dix ans de maturité. En effet, compte tenu de la décision prise par les autorités sud-africaines de confiner le pays, certains investisseurs craignent une conséquence économique qui se traduirait par des difficultés de remboursement de sa dette par l'Etat.
Des analystes anticipent une nouvelle baisse de la croissance dans un pays déjà en récession ; ce qui risque de mettre la pression sur la monnaie locale (le rand) et donc rendre couteux les rapatriements des capitaux ou des revenus gagnés. C'est fort de cela que des fonds spéculatifs notamment ont commencé à vendre au rabais les obligations à 10 ans du Trésor public sud-africain qu'ils avaient dans leurs portefeuilles.
Cela s'est observé parce que les rendements sur ces produits financiers ont été multipliés par deux, passant de 6% à près de 12%. Or en matière d'obligation, lorsque les rendements augmentent sur des obligations existantes, cela signifie que les futurs emprunts auront un coût élevé. La Banque centrale souhaite donc limiter cette volatilité sur les instruments d'emprunt du gouvernement qui doit déjà faire face à une dette importante, du fait de sa garantie sur les entreprises publiques.
L'assouplissement quantitatif a très souvent été utilisé par la Réserve fédérale américaine au lendemain de la crise financière de 2008, lorsque cette institution a injecté de l’argent dans le système bancaire lié au marché américain des capitaux reprenant des obligations qui se vendaient partout au rabais. Cela permet de stabiliser les coûts d'emprunt sur le marché des capitaux, mais aussi permet au système financier d'avoir de la liquidité financière pour soutenir l'économie en temps de crise. C'est la raison pour laquelle pour de nombreux analystes financiers, cela s’apparente à de la création monétaire ex nihilo, et donc au recours à une planche à billets de banque.
Des acteurs du secteur financier sud-africain saluent pourtant cette initiative. Rien que du fait de cette annonce, les offres de vente des obligations à 10 ans ont légèrement reculé, apportant plus de stabilité. Maintenant, les responsables de la South African Reserve Bank n'ont pas donné de détails sur la portée et la durée de cette opération.
Chez Anchor Capital, une société d'investissement diversifié, on estime que si la mesure concerne seulement l'achat des obligations du Trésor, ce sera de fait une très bonne chose. Par contre, si l'opération s'étendait à l'achat de la dette contingente du gouvernement détenue par le secteur financier sur les entreprises publiques, cela entraînerait des répercussions désastreuses.
Un autre effet qu'il faudra mesurer, c'est qu'en rachetant ces obligations, il y a le risque que les cédants qui sont souvent des investisseurs étrangers souhaitent par la suite rapatrier leurs capitaux chez eux. Cela mettra la pression sur le taux de change du rand (monnaie locale).
Les données en la possession de l'Agence Ecofin n'indiquent pas que des banques centrales d'autres pays d'Afrique procéderont à une telle technique. Au Nigeria, la Banque centrale a préféré utiliser la politique monétaire, et compte rapprocher les taux de change.
Au Ghana, le gouvernement préfère jouer la carte budgétaire et pense désormais à recontacter le Fonds monétaire international (FMI). Au Maroc enfin, c'est le régulateur du marché des capitaux (AMMC) qui est intervenu en fixant les seuils de volatilité sur les actions et les obligations.
Idriss Linge
Johannesburg, Afrique du Sud : « Faire place au changement : façonner la prochaine ère de prospérité de l’Afrique »