(Agence Ecofin) - Les transactions de fusion-acquisition sont de grands moments de redistribution des intérêts entre les parties directement concernées. Pour les Etats aussi, cela se traduit par des revenus en termes de taxes. La cession par Diageo de Guinness Cameroon au groupe Castel n’échappe pas à cette thèse.
La transaction en cours qui porte sur la cession par Diageo de sa filiale camerounaise Guinness Cameroon au groupe Castel générera des gains divers pour diverses parties prenantes, tant sur les plans financier et stratégique que du positionnement du marché. Le groupe brassicole britannique est celui qui réalise la meilleure opération.
« Dans le cadre de ce nouvel accord, la marque bénéficiera à la fois d'une capacité de brassage et d’une distribution accrue. Elle continuera à faire partie de la famille mondiale Guinness grâce à une supervision marketing directe », peut-on lire dans le communiqué relatif à la transaction.
Pour Diageo, près de 300 millions $ de gains nets d’impôts
Sur le plan strictement financier, Diageo espère déjà dégager une marge nette d’impôts de 250 millions de livres sterling (298,4 millions $), si la transaction est finalisée comme prévu d’ici fin mars 2023.
Dans une communication faite aux actionnaires basés aux Etats-Unis, Diageo a reconnu que pour sa période d’exploitation de 12 mois s’achevant le 30 juin 2021, le Cameroun a été avec le Ghana, l’un des pays qui lui a permis de réaliser une croissance de 15% de son chiffre d’affaires en Africa Regional Markets, où on retrouve le Cameroun, l’Ethiopie, le Ghana, et les pays de l’océan Indien. Dans une autre communication du même genre qui date de 2020, le groupe avait fait savoir que des défis de production avaient réduit ses ventes dans le pays d’Afrique centrale
La transaction actuelle lui permettra ainsi de continuer de répondre favorablement à une demande en hausse de ses produits, sans avoir à effectuer des investissements supplémentaires sur les outils de production. L’accord avec le groupe Castel s’est présenté comme étant le plus opportun. Les deux groupes sont déjà partenaires sur plusieurs marchés, notamment la Côte d’Ivoire, le Tchad, ou encore le Gabon. Diageo a déjà décidé d’une telle stratégie visant à quitter l’opérationnel sur le marché de la bière en Ethiopie, en cédant toujours à Castel.
Pour Castel, un renforcement des parts de marché et plus d’efficience sur les outils de production
Le groupe français Castel devrait pouvoir gagner en efficience. Déjà, il soustrait un concurrent de poids de son schéma d’exploitation et peut mieux inonder le marché avec des produits qui sont très demandés par les consommateurs. Aussi, sa filiale SABC (Société Anonyme des Brasseries du Cameroun) avait besoin d’une opportunité pour rendre plus productifs ses outils de production.
Le départ de Heineken qui en 2020 a cédé ses parts dans SABC, et celui plus récent de Coca-Cola ont posé le risque de voir les outils de production fonctionner davantage en dessous de leurs capacités effectives. D’un point de vue comptable, cela se serait traduit par des pertes latentes, en termes d’amortissement des actifs. Produire des boissons de Diageo permet de rendre ces usines plus efficientes.
Pour le gouvernement, une cagnotte fiscale estimée à près de 75 millions $
L’Etat du Cameroun devrait directement gagner en termes de taxes. Selon l’article 42 du Code général des impôts applicable dans le pays en 2022, « sont imposables au titre des revenus de capitaux mobiliers, les plus-values nettes globales réalisées au Cameroun ou à l’étranger, à l’occasion des cessions, même indirectes, d’actions, d’obligations et autres parts de capital d’entreprises de droit camerounais, y compris les droits portant sur les ressources naturelles, effectuées par les particuliers et les personnes morales ».
Les articles 70 et 71 de cette loi précisent que les gains de capitaux sont imposables au taux forfaitaire de 15%, majoré de 10% de centimes additionnels. Selon les estimations de gains nets exprimées par Diageo, et les calculs de l’Agence Ecofin, le trésor public camerounais devrait s’en tirer avec un encaissement de 74,7 millions $ au taux actuel.
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