(Agence Ecofin) - Les nouvelles projections de l'économie mondiale actuellement traversée par trois chocs de conjoncture font craindre un risque sur la rentabilité des banques commerciales opérant en Afrique au cours de l’année 2020. Dans sa note sur les banques africaines publiée le 9 décembre 2019, Moody's avait déjà réduit ses perspectives dans le secteur de « stables », à « négatives ».
L'Agence américaine de notation avait expliqué ce repli par des prévisions de croissance plus modestes notamment du fait des sentiments négatifs qui prévalaient sur les marchés en ce moment-là. Toujours de l'avis des analystes de Moody's, il fallait s'attendre à ce qu'un environnement des affaires moins dynamique se traduise par le repli de l'activité bancaire. Enfin, diverses pressions sur les finances publiques constituent un risque d’augmentation des crédits avec des problèmes de remboursement.
Il était aussi dit que le secteur bancaire qui dans plusieurs pays sortait d'un vaste mouvement de réformes résisterait à ces variations. En effet, parfois à coup de subventions, le Ghana a achevé le renforcement de son secteur bancaire fin 2018 avec des augmentations de fonds propres. Le Nigeria a lui aussi connu ses vagues de consolidation, de même que le Kenya. En zone UEMOA, l'alignement sur les normes internationales était en cours et en zone CEMAC, des mesures restrictives ont été ajoutées dans le cadre du refinancement.
Les impacts du covid-19 mettent à rude épreuve la résilience des banques opérant en Afrique
Aucun scénario de 2019 ne prévoyait le triple choc qui frappe actuellement les économies africaines. Au Nigeria par exemple, l'économie est fortement soutenue par le pétrole qui représente 85% des recettes d'exportations et la moitié des recettes publiques, selon une dernière analyse de S&P Global Ratings. Or les banques locales sont exposées à près de 30% au secteur de la distribution des produits pétroliers qui lui-même dépend des subventions du gouvernement.
En Afrique du Sud, Moody’s vient de dégrader la note des banques après celle de la note souveraine du pays. Les conditions macroéconomiques se sont dégradées et hors dette contingente des entreprises publiques, le déficit budgétaire est attendu à un niveau record. Au Maroc, des secteurs transversaux comme le tourisme, l'Agriculture et l'automobile, qui sont pourvoyeurs d'emplois aux ménages détenant près de 30% des crédits bancaires selon la Banque centrale du royaume, sont impactés par le stress actuel.
Le covid-19 et ses conséquences sur les chaînes de valeurs économiques du monde, ajouté à la guerre que se livrent les géants mondiaux de la production pétrolière, constituent deux situations catastrophes que personne n'avait envisagées. Pour l'instant, les pays africains à coup de mesures budgétaires pour certains et monétaires pour d'autres, essayent de naviguer dans cette tempête. Mais personne ne sait quelles peuvent être les implications si ces crises venaient à se prolonger.
Déjà, il est probable selon plusieurs analystes, que les prix du pétrole et des matières premières africaines ne se relèvent pas du jour au lendemain, et que les impacts se prolongent sur une longue période. Le fait aussi que beaucoup de pays de la région soient à peine sortis d'un précédent choc extérieur devrait les fragiliser davantage.
Les banques sont un important maillon de l'architecture économique de ces Etats et disposent parfois d'une confortable trésorerie. Il n'est portant pas certain que les gouvernements du continent noir puissent légitimement les renflouer massivement, comme c'est le cas dans des économies plus développées.
Idriss Linge
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