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Un think tank marocain appelle l’Europe à soutenir le projet du gazoduc Nigeria-Maroc

  • Date de création: 20 octobre 2022 09:55

(Agence Ecofin) - Selon le Policy Center for the New South, outre la diversification des sources d’approvisionnement en gaz naturel du Vieux continent, le mégaprojet serait susceptible de contribuer à la réduction des menaces asymétriques et des possibilités d’utilisation du combustible fossile comme arme géopolitique.    

L’Europe, qui souffre d’une crise énergétique profonde et complexe depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, pourrait réaliser des gains stratégiques considérables en soutenant le projet du gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), a estimé le think tank marocain Policy Center for the New South, dans un rapport publié le 5 octobre.

Intitulé « Pourquoi l’Europe a-t-elle un intérêt stratégique dans la réalisation du gazoduc Nigeria-Maroc ? », le rapport précise que cet ouvrage long de quelque 5000 km doit traverser pas moins de onze pays ouest-africains pour acheminer des ressources gazières du Nigeria jusqu’à la côte méditerranéenne du Maroc. De là, il devrait être connecté directement au gazoduc Maghreb-Europe (GME) et au réseau gazier européen.

Le projet annoncé en 2016 dans la capitale nigériane Abuja, est entré dans une nouvelle phase cette année avec la signature, le 15 septembre dernier, d’un mémorandum d’entente entre la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Nigeria et le Maroc. Un pas de plus a été franchi le 15 octobre, quand le Sénégal et la Mauritanie ont rejoint le projet en signant des protocoles d'accord avec le Nigeria et le Maroc. 

Plusieurs acteurs, dont le Fonds de l’OPEP pour le développement international, l’Arabie saoudite à travers la Banque islamique de développement (BID) et la CEDEAO, ont annoncé leur soutien au projet. Mais l’Europe n’a pas jusqu’ici manifesté un intérêt pour le NMGP (Nigeria-Morocco Gas Pipeline) malgré les multiples clins d’œil qui lui ont été adressés par certains dirigeants africains, dont le président nigérian Muhammadu Buhari.

Policy Center for the New South estime que le mégaprojet peut pourtant contribuer efficacement à la diversification des sources d’approvisionnement des pays européens et leur donnerait plus de marge de manœuvre.  « Au total, pas moins de 50% du gaz consommé dans les pays de l’Union européenne (UE) proviennent d’une même source d’approvisionnement (la Russie). Ceci constituerait naturellement une arme géopolitique dangereuse susceptible d’être utilisée contre l’Europe dans le contexte d’un bras de fer stratégique de type guerre en Ukraine », souligne-t-il.

Réduire le risque d’utilisation du gaz comme arme géopolitique

Le think tank basé à Rabat précise également que la construction du gazoduc contribuera aiderait à juguler les menaces asymétriques dont souffre l’Europe, dont l’émigration illégale. « La facilitation des échanges commerciaux et la coopération dans des projets communs générateurs de richesse partagée entre les deux rives de la Méditerranée créeraient les conditions d’une fixation positive des candidats à l’immigration illégale et aideraient au tarissement des viviers de recrutement des personnes en mal-être économique », argumente-t-il.

D’autre part, le projet est susceptible de réduire le risque de remplacement de la dépendance européenne au gaz russe par une dépendance aux sources d’énergie non-conventionnelles aux conséquences climatiques dangereuses. D’autant plus que les deux alternatives au gaz russe mises aujourd’hui sur la table (les importations du gaz de schiste et le renouveau du parc nucléaire) comportent des conséquences négatives sur l’environnement.

Le rapport alerte aussi l’Europe sur le risque de favoriser la domination d’un seul pays de la rive sud de la Méditerranée, en l’occurrence l’Algérie, sur ses importations du gaz en provenance de l’Afrique de l’Ouest en misant sur le gazoduc transsaharien (TSGP), qui devrait transporter le gaz nigérian vers l’Algérie en passant par le Niger. « Un gazoduc Abuja-Alger donnerait au régime algérien une opportunité stratégique pour additionner les ressources gazières nigériennes et ouest-africaines à ses propres ressources énergétiques pour mieux servir ses agendas politiques. Et compte tenu des alliances stratégiques de l’Algérie, surtout avec la solidification de l’axe Alger/Iran/Russie, le risque d’une utilisation de l’arme du gaz par le régime algérien ne devrait pas être écarté », précise le think tank marocain.

Sur un autre plan, le rapport estime qu’un soutien européen au projet du gazoduc Nigeria-Maroc donnerait au Vieux continent l’occasion de procéder à un « rééquilibrage de son mouvement stratégique d’un schéma horizontal peu productif pour emprunter un schéma vertical véritable démultiplicateur de sa puissance », notant que l’Europe est jusque-là figée dans une dynamique horizontale qui fait la part belle au renforcement des relations avec les espaces transatlantique et indopacifique au détriment des liens avec la Méditerranée et l’Afrique.  

Et last but not least, Policy Center for the New South fait remarquer que des investissements européens dans des projets communs dans l’espace ouest-africain pourrait impulser une dynamique positive au processus d’intégration économique régional qui représenterait, en retour, un vaste marché de 400 millions de consommateurs, utile pour les économies européennes.