Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève

Le Nigeria refuse de se joindre à l’accord relatif à la réforme du système mondial de l'impôt sur les sociétés

  • Date de création: 23 janvier 2023 11:59

(Agence Ecofin) - Abuja estime que la nouvelle réforme est « biaisée en faveur des pays riches » puisqu’elle prive les pays en développement de percevoir des impôts des sociétés de taille moyenne. Un avis partagé par plusieurs éminents experts, dont le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz.

Le Nigeria refuse de se joindre à l’accord relatif à la réforme du système fiscal international qui « sert les intérêts des pays riches » et « pourrait même nuire aux recettes fiscales des pays en développement », a annoncé la ministre nigériane des Finances, Zainab Shamsuna Ahmed (photo) jeudi 19 janvier.

« Les négociations n'ont pas été menées sur un pied d'égalité. Elles ont favorisé les économies riches et créé des règles trop complexes pour que le Nigeria puisse les mettre en œuvre efficacement », a-t-elle souligné lors d'un débat organisé dans le cadre du Forum économique mondial de Davos. « Si nous signons [l’accord], cela signifie que nous ne pourrons pas percevoir d'impôts auprès des entreprises de taille moyenne, alors que nos propres lois nous permettent de le faire », a ajouté la ministre nigériane.

S'exprimant lors du même débat, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Mathias Cormann, a estimé que le Nigeria pourrait obtenir des recettes nettement supérieures aux niveaux actuels s'il rejoignait l'accord. « Est-ce que tout le monde va dire à l'unanimité que c'est la meilleure chose depuis le pain tranché ? Non, mais est-ce sensiblement mieux que ce que nous avons actuellement ? Oui », a-t-il souligné.

L’accord relatif à la réforme du système fiscal international a été signé en octobre 2021 par 136 pays sur les 140 pays du cadre inclusif OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Outre le Nigeria, trois autres pays concernés n’ont pas signé l’accord : le Kenya, le Pakistan et le Sri Lanka.

La réforme parrainée par l’OCDE repose sur deux piliers. Il s’agit de l’application d’une taxe de 25 % du surprofit (au-delà de 10 % de rentabilité) sur les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 26 milliards $. Les recettes de cette mesure fiscale seront redistribuées entre les pays dans lesquels ces entreprises ont une activité, si ces entreprises y réalisent au moins 1 milliard $ de chiffre d’affaires, ou 250 millions $ si ces pays ont un PIB de moins de 40 milliards $.

Une réforme très critiquée

Le second pilier consiste en l’instauration d’un taux d’imposition minimum effectif de 15 % sur les bénéfices des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 991 millions $.

L’OCDE avait indiqué, dans une nouvelle analyse publiée mercredi 18 janvier, que l’impôt minimum mondial proposé se traduirait par des gains de recettes annuelles au niveau mondial d’environ 220 milliards $, soit 9 % des recettes mondiales provenant de l’impôt sur les sociétés. Mais la réforme est objet de plusieurs critiques d’autant plus qu’elle ne concerne pas les entreprises opérant dans plusieurs secteurs lucratifs, comme les industries extractives, les services financiers réglementés et le transport maritime international.

D’autre part, certains pays ont conditionné leur signature à des clauses d’exemption pour leurs entreprises. Ainsi, la Chine, qui a longuement hésité à rejoindre l’accord, a finalement obtenu que ses entreprises détenant moins de 50 milliards $ d’actifs à l’étranger et présentes dans au plus cinq pays dans le monde soient dispensées de l’application des taxes prévues par la nouvelle réforme jusqu’en 2028.

Le prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz, a de son côté regretté que l’accord « ne s’adresse pas assez aux inquiétudes des pays en développement et des pays émergents ». Ce co-président de la Commission indépendante pour la réforme de la taxation internationale des entreprises (ICRICT) s’inquiète notamment de l’accentuation des inégalités entre pays riches et pays pauvres, alors que 60 % des recettes de l’impôt minimum seront captées par les pays du G7. Les pays en développement, qui représentent plus d’un tiers de la population mondiale, ne devraient percevoir que 3 % des recettes attendues, d’après les estimations de l’ONG Oxfam.

L'économiste français Thomas Piketty a, lui aussi, dénoncé le fait que la « part du lion » de l’accord aille aux pays riches, alors qu’un taux plus élevé aurait permis aux pays en voie de développement de dégager des recettes suffisantes pour soutenir la croissance économique.

Lire aussi:

05/07/2021 - L'accord présenté par le G20 et l'OCDE sur la fiscalité des multinationales ne satisfait pas tout le monde

10/03/2021 - Plusieurs gros partenaires commerciaux de l'Afrique en tête de l'Indice des paradis fiscaux pour les multinationales

03/03/2021 - « Il y a des filiales qui ne servent aux multinationales qu’à éviter l’impôt » (Alain Symphorien Ndzana)

Enveloppe
Recevez votre lettre Ecofin personnalisée selon vos centres d’intérêt

sélectionner les jours et heures de réception de vos infolettres.