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« Il y a des filiales qui ne servent aux multinationales qu’à éviter l’impôt » (Alain Symphorien Ndzana)

  • Date de création: 03 mars 2021 11:31

(Agence Ecofin) - La covid-19 expose davantage le besoin pour les pays notamment ceux qui disposent le moins de ressources financières de pouvoir mobiliser l’impôt. Pour le fiscaliste, Symphorien Ndzana, basé au Cameroun, il faudrait pour cela un nouveau modèle de fiscalité internationale.  

Agence Ecofin : Vous avez récemment publié un ouvrage dans lequel vous parlez d’un système fiscal 3G pour financer le développement. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste?

Alain Symphorien Ndzana : Comme vous le savez, le constat a été fait dans le monde entier : les règles qui régissent la fiscalité internationale à la date d’aujourd’hui sont dépassées. Elles résultent en réalité d’un consensus international qui a été fait dans les années 1920 après la Première Guerre mondiale. Donc les règles qui régissent la fiscalité internationale à la date d’aujourd’hui sont adossées aux institutions qui régissent le mode de coopération internationale, et il faut dire que ces institutions ont été mises en place après les deux premières guerres mondiales. Pour moi, la première génération, c’est avant les deux premières guerres mondiales, lorsqu’il n’y avait pas du tout d’institutions de coopération ou des règles internationales partagées. Et la deuxième génération justement a été mise en place avec les institutions de coopération qui ont été imaginées après les deux premières guerres mondiales pour permettre aux Etats de régler les problèmes communs auxquels ils sont confrontés. Pour moi le système fiscal 3G, ce sont les nouvelles règles de fiscalité internationale qu’on devrait mettre en place pour permettre aux Etats de mieux collecter l’impôt notamment auprès des entreprises du numérique et des multinationales qui se livrent à une évasion fiscale insoutenable.

AE : De manière pratique que va apporter ce système ?

ASN : De manière pratique, je propose de changer les règles et de les adosser à une institution qui sera chargée exclusivement de la coopération internationale en matière de fiscalité parce que comme vous pouvez l’observer, c’est quand même curieux. Les Etats ont mis en place des institutions de coopération dans tous les domaines, mais ont oublié la fiscalité qui leur permet pourtant de collecter leurs revenus et leur donne les moyens de payer aux autres institutions internationales. Vous allez remarquer que ces Etas ne parviennent même pas à payer leurs contributions auprès de l’ensemble des institutions dans lesquelles ils sont membres. Je pense que c’est peut-être une omission et qu’il est  désormais temps de mettre en place une institution qui sera chargée exclusivement de la coopération internationale en matière fiscale.

Il y a des institutions qui le font, mais d’une manière qui n’est pas encore précise. Nous avons notamment l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui ne regroupe pas l’ensemble des pays comme l’ONU. Nous avons également le Conseil économique et social qui a un pan réservé à la coopération internationale et fiscale, mais qui manque de fermeté. Le Conseil économique et social n’a pas par exemple les mêmes pouvoirs que le conseil de sécurité de l’ONU en matière de sécurité, c’est-à-dire concevoir les règles et sanctionner ceux qui ne les respectent pas. Il faut repenser justement la coopération internationale en matière fiscale et renforcer les rôles soit du conseil économique et social, soit mettre en place une institution qui va donc reprendre les travaux qui ont déjà été faits par le conseil économique et social et ceux de l’OCDE.

AE : Vous dites également dans cet ouvrage qu’il y a un paradoxe entre les incitations fiscales destinées à booster les investissements et la hausse des volumes de fuite de l’impôt. Comment comprendre ce paradoxe ?

ASN : En réalité, il ne s’agit pas d’un paradoxe parce qu’en fait, vous verrez que certaines incitations fiscales ne sont mises en place que pour permettre aux multinationales d’éviter l’impôt. Vous avez par exemple les régimes préférentiels qui sont en place dans ce qu’on appelle généralement la concurrence fiscale dommageable, c'est-à-dire des pays qui n’ont aucune activité économique qui se déroule sur leurs territoires et qui donnent des incitations fiscales aux entreprises qui réalisent des activités réelles dans d’autres pays ; mais leur donnent des incitations fiscales qui sont totalement déconnectées de leurs économies.

AE : Comme pour vous donner raison, il y a l’ONG Tax Justice Network qui en 2020 a publié le premier état de la justice fiscale dans le monde.  Il est dit dans ce rapport que l’Afrique perd chaque année 25 milliards de dollars sur la fraude fiscale des multinationales et des riches fortunes. Est-ce que vous partagez cette estimation ?

ASN : Tout le monde sait que l’Afrique perd beaucoup d’argent dans l’évasion fiscale internationale. Je n’ai pas des instruments qui me permettent de valider ou d’invalider cette estimation. Je pense que Tax Justice Network est beaucoup plus outillée que moi. Mais ce sont des chiffres que je prends, tout comme il y a une estimation qui a été faite par Gabriel Zucman qui est membre de l’équipe qui a publié un ouvrage qui s’intitule « La richesse cachée des nations ». Et dans cet ouvrage, il a démontré qu’en valeur relative, l’Afrique perd plus de ressources dans l’évasion fiscale internationale que l’Europe. Les recettes fiscales que les pays africains perdent dans l’évasion fiscale internationale avoisinent en effet, les 40% du PIB ; ce qui est énorme en valeur relative.

AE : Quel est votre regard sur la fiscalité des multinationales dans le monde ?

ASN : Mon regard est celui d’autres auteurs qui ont observé les comportements des multinationales dans le monde. Les multinationales  s’arrangent à transférer l’essentiel de leurs recettes dans les paradis fiscaux pour ne pas payer l’impôt dans les pays où elles exercent effectivement leurs activités. L’évitement de l’impôt s’est quasiment incrusté dans l’ADN d’une multinationale. Il y a des filiales de multinationales qui ne sont créées que pour permettre à la multinationale d’éviter l’impôt qui n’a rien à voir avec la production d’affaires.

AE : Qu’est-ce que vous proposez donc dans votre livre comme voie de sortie sur cette question de fiscalité des multinationales qui s’est aujourd’hui internationalisée ?

ASN : Il faut changer les règles. Les règles aujourd’hui permettent l’imposition aux multinationales sur la base de chacune des filiales. Chacun des Etats impose la filiale qui est implantée sur son territoire sans tenir compte du résultat d’ensemble qui est réalisé par la multinationale. Quand vous observez les résultats d’une multinationale, vous verrez qu’ils sont généralement bons dans une poignée de pays notamment les paradis fiscaux. Dans la plus grande partie des pays notamment les pays à fiscalité «  normale », ils sont plutôt déficitaires. Il est question de changer de règles, de faire en sorte qu’on impose la multinationale sur l’ensemble de son résultat dans le monde, et répartir l’impôt à l’ensemble des pays dans lesquels la multinationale exerce ses activités. Ceci en tenant compte justement des pourcentages du chiffre d’affaires ou des investissements, de l’emploi dans chaque pays. Il y a en effet des pays dans lesquels les multinationales n’ont pas d’activités réelles, mais c’est dans ces pays qu’elles réalisent curieusement les plus gros bénéfices.

AE : Le Panel FACTI a publié son rapport final sur l’intégrité financière dans le monde. Quels sont les messages forts que vous pouvez apporter à ce débat ?

ASN : Déjà, je partage l’une des recommandations du panel FACTI notamment sur l’amélioration de la coopération internationale en ce qui concerne la fiscalité. L’intégrité financière c’est un ensemble de choses qui forcément intègrent la donnée fiscale parce qu’en fait, l’impôt est la principale source de revenus des Etats. Et quand on met sur pied un projet de développement comme les ODD, forcément les Etas vont s’appuyer principalement sur  l’impôt et c’est la raison pour laquelle lors de la troisième conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue à Addis-Abeba en juillet 2015, soit trois mois avant l’adoption des ODD, tous les Etats ont convenu qu’il était important de renforcer la coopération en matière de fiscalité afin de permettre aux Etats d’améliorer leur potentiel de collecte de l’impôt, d’optimiser leurs recettes fiscales. Vous verrez qu’il y a dans le programme des ODD, l’objectif numéro 17 qui renvoie à la revitalisation de la coopération dans le monde et notamment en matière de fiscalité. Je dois dire qu’il y a déjà des suites de cette conférence internationale avec l’Addis Tax Initiative avec certains frémissements des réformes qu’il y a déjà eus dans le monde, notamment les travaux en cours au sein de l’OCDE. Ces travaux font suite aux engagements qu’ont pris les Etats lors de cette troisième conférence internationale sur le financement du développement. Donc s’il faut me résumer, changer les règles, renforcer la coopération en mettant en place une institution sur laquelle va s’adosser la coopération internationale en matière de fiscalité.

Propos recueillis par Idriss Linge


 
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