(Agence Ecofin) - Plusieurs organisations de la société civile internationale ont exprimé des réserves quant à la capacité des nouvelles propositions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière fiscale, à pouvoir résoudre les injustices et inégalités qui existent dans ce domaine aujourd'hui, a appris l'Agence Ecofin, de plusieurs avis collectés sur cette question.
L'une des organisations à avoir fait entendre sa voix est la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT). Elle s'est positionnée comme le porte-voix du G24, groupe de pays travaillant sur les questions financières dans le monde, et qui compte plusieurs pays d'Afrique subsaharienne dont le Kenya, la Côte d'Ivoire et le Nigeria.
Elle a publié un avis qui fait ressortir au moins 7 reproches à l'initiative actuelle de l'OCDE. L'un d'eux est l'absence de clarté qui l'entoure et qui n’avantage notamment pas les pays pauvres. Elle estime précisément que l'organisation européenne invite aujourd'hui les pays à s’engager dans un « consensus » sans que l'impact économique ne soit rendu public.
« Nous exhortons le Secrétariat de l'OCDE à publier cette analyse de la réunion du « Cadre inclusif » en janvier 2020, ainsi que les données complètes des rapports des multinationales pays par pays. Sans cela, les 134 membres ne peuvent évaluer pleinement s'il est dans leur intérêt de s'engager dans cette réforme », a fait savoir l'ICRICT.
Tax Justice Network est l'autre organisation active depuis des années pour une meilleure justice fiscale et sociale dans le monde. Alex Cobham, son directeur exécutif, a dans une note publiée sur le processus de l'OCDE, indiqué que celui-ci n'atteint aucun des objectifs d'une justice fiscale effective dans le monde, notamment au profit des pays pauvres qui sont les principales victimes de l'évasion et des abus fiscaux internationaux.
Pour M. Cobham, les propositions de l'OCDE ne tiennent pas suffisamment compte du lieu où se déroule l'essentiel des activités économiques notamment des multinationales. Il pense aussi que ces outils ne seront pas à même de garantir une répartition équitable des paiements fiscaux. Il reproche enfin la complexité et les incertitudes sur le mode de calcul de l'impôt proposé.
Plus globalement, les ONG internationales sont sceptiques sur la capacité de l'OCDE à mener un processus de cette ampleur sans être influencée par de nombreuses firmes d'audit et de conseil, qui font le lobbying pour des multinationales. Même si l'Afrique n'est pas la seule victime des abus fiscaux, elle est la région du monde qui en souffre le plus. Pendant des années, elle a été poussée à accorder des avantages fiscaux pour attirer des investisseurs internationaux. De nombreuses analyses prouvent aujourd'hui que cette option n'a pas été efficace.
Via de nombreuses techniques et montages financiers, les multinationales notamment celles qui consolident leurs activités au niveau international, ont la possibilité de réduire suffisamment la base imposable faisant perdre au continent noir, des centaines de milliards de dollars dont ses pays ont besoin pour leur développement.
En substance, les propositions de l'OCDE tournent autour de deux points. Une répartition fiscale qui tient compte du pays de vente, et non celui de la production, et la fixation d'un seuil minimum d'imposition du bénéfice des sociétés, mais dont le niveau ne semble pas suffisamment pertinent pour contrer les effets de la guerre fiscale, à l'origine des pertes de ressources pour l'Afrique.
Idriss Linge
Abidjan, Côte d’Ivoire : « Private equity et venture capital, quels modèles de création de valeur pour les investisseurs, les entreprises et les Etats africains ? »