(Agence Ecofin) - Le gouvernement camerounais, à travers une correspondance du ministre de l’Industrie, Ernest Gbwaboubou (photo), datée du 11 décembre 2015, a notifié au PDG de la société Justin Sugar Mills, Dieudonné Dong Thry Dong, «le désengagement de l’Etat des investissements dans la filière sucrière», dont celui initié par Justin Sugar Mills dans la localité de Batouri, dans la région de l’Est du Cameroun.
Le nouveau ministre de l’Industrie, qui agit ainsi suivant des instructions du Premier ministre contenues dans une correspondance du 10 décembre 2015 reconnaissant ce projet sucrier comme «étant une initiative essentiellement privée» ; met ainsi un terme à la bataille engagée en juin 2014 par son prédécesseur, Emmanuel Bondé, en vue d’évincer la société Justin Sugar Mills de ce projet agro-industriel prévu pour créer environ 10 000 emplois dans la région enclavée de l’Est-Cameroun.
En effet, le 26 juin 2014, le ministre de l’Industrie d’alors, au motif de «dysfonctionnements» constatés dans l’application du protocole d’accord conclu le 13 avril 2012, et liant l’Etat du Cameroun et la société Justin Sugar Mills sur le projet agro-industriel sucrier de Batouri ; avait annoncé la résiliation dudit protocole d’accord. Une plainte pour détournements de deniers publics contre M. Dong Thry Dong avait même été déposée au Tribunal criminel spécial (le retrait de cette plainte a été initié par le nouveau ministre de l’Industrie sur instruction du PM).
Dans la foulée, un appel à investisseur lancé par l’ex-ministre Bondé avait conduit à la sélection, en février 2015, de la société marocaine Cosumar pour la reprise du projet. Mais, face à la résistance des responsables de Justin Sugar Mills, qui n’ont eu de cesse de dénoncer une cabale du Ministre Bondé contre leur projet (13 milliards FCfa ont d’ailleurs été réclamés à l’Etat pour réparation du préjudice causé à Justin Sugar Mills), Cosumar hésitera à se lancer dans l’aventure.
Loi portant incitations à l’investissement privé
Depuis le 11 décembre 2015, le gouvernement camerounais a entièrement repassé la main à Justin Sugar Mills sur son projet. Dans la correspondance notifiant au promoteur du projet le désengagement de l’Etat et le futur retrait de la plainte déposée contre lui au TCS, le nouveau ministre de l’Industrie invite le PDG de Justin Sugar Mills «à bien vouloir solliciter, en cas de besoin, l’Agence de promotion des investissements (API), en vue de bénéficier des facilités et de l’encadrement de l’Etat, dans les limites autorisées par les dispositions légales et règlementaires en vigueur».
En clair, si Justin Sugar Mills donne suite à cette suggestion gouvernementale, le projet agro-industriel sucrier de Batouri pourrait prochainement bénéficier des exonérations allant de 5 à 10 ans, aussi bien en phase d’installation que de production, telles que prévues par la loi portant incitations à l’investissement privé en République du Cameroun.
Investissement d’un montant total de 60 milliards de francs Cfa, le complexe sucrier de Batouri devait être opérationnel dès janvier 2014, n’eurent été les difficultés multiformes ayant émaillé la conduite de ce projet, qui est censé donner naissance au premier véritable concurrent du groupe français Vilgrain sur le marché du sucre au Cameroun (sa filiale locale, Sosucam, est la seule à produire le sucre et sa matière première qu’est la canne).
En effet, le projet prévoit, dans un premier temps, la création de plantations de cannes à sucre sur 15 000 hectares, sur une superficie totale de 155 000 hectares attribuée à Justin Sugar Mills sur les sites de Tikondi et Bodongoué, dans l’arrondissement de Batouri. Avec son usine d’une capacité de production initiale de 60 000 tonnes par an, le complexe sucrier de Batouri ambitionne de créer 5000 emplois directs et 2500 emplois indirects.
Brice R. Mbodiam
Meknès, Maroc.