(Agence Ecofin) - Le secteur marocain des fruits et légumes, notamment celui de la tomate, pourrait se retrouver dans une situation extrêmement délicate si l’Union européenne (UE) adoptait, dans le cadre de sa nouvelle politique agricole commune (PAC), la mesure visant la modification du régime des prix d'accès au marché européen des produits importés par l'Union européenne.
Cette mesure, qui s’appliquerait alors à tous les partenaires commerciaux de l’Union, rendrait caduc l’accord d’association actuellement en vigueur entre l’UE et le royaume chérifien et changerait les conditions d’accès au marché européen des fruits et légumes en provenance du Maroc.
Insistant sur les paramètres concernés par cette modification, Hassan Benabderrazik, ancien secrétaire général du ministère de l'Agriculture explique à Medias24 que « les anciennes règles permettaient aux exportateurs de vendre en consignation, en passant par un transitaire qui pouvait dédouaner une marchandise et la vendre en consignation. Si elle est adoptée, la nouvelle mesure oblige l’exportateur à utiliser ce qu’on appelle la valeur forfaitaire à l’importation. Cette modification implique que les tomates de grande qualité comme les tomates cerises, seront pénalisées de manière massive dès lors que la valeur forfaitaire à l’importation sera inférieure au prix d’entrée qui correspond au prix d’entrée minimale pour que l’union européenne accepte des tomates sur le marché européen.». L’expert estime à une proportion variant entre 30% à 50% la quantité des exportations de tomates qui seront pénalisées par la mesure.
«Nos produits vont devoir payer plus de taxes d’entrée, ce qui nous fera perdre en compétitivité. Les exportations baisseront fortement, jusqu’à ce qu’elles se retirent complètement du marché européen. Le plus frappant, c’est que plusieurs producteurs avaient investi suite à l’adoption de l’accord de libre échange.» explique Oumar Mounir. Le vice-président de la Fédération interprofessionnelle marocaine pour la production et l'export des fruits et légumes estime que « les conséquences de cette mesure sont extrêmement graves» dans un contexte où 300 000 personnes tirent l’essentiel de leurs revenus de ce secteur.
Un avis partagé par Aziz Akhannouch, le ministre marocain de l'Agriculture et de la pêche maritime qui estime qu’ «il s’agit d’un retour en arrière sur des négociations qui ont mobilisé pendant une longue période les responsables marocains et européens.» Le ministre qui fustige la mesure ne voit en elle qu’«une menace pour le secteur des fruits et légumes marocain, particulièrement celui de la tomate qui est conditionné par un système de commercialisation à l'export très contraignant. Celui-ci risque tout bonnement de s'effondrer».
S’exprimant sur ce dossier, le chef du gouvernement est monté au créneau et a dénoncé une décision unilatérale en violation aussi bien avec les conditions de l’Accord d’association Maroc-UE, qu’avec les engagements de l’UE au sein de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).
Abdelilah Benkirane a aussi exploré la piste diplomatique en demandant au chef de la délégation de l’UE dans le pays, qu’une solution soit trouvé au plus vite afin de « préserver les acquis contractuels du Maroc et de maintenir le flux traditionnel des exportations marocaines des fruits et légumes sur le marché européen, conformément aux dispositions de l'Accord agricole. »
Meknès, Maroc.