(Agence Ecofin) - Intervenant dans une chaîne de télévision locale, Kemi Adeosun (photo), la ministre nigériane des finances, a révélé que le gouvernement envisageait, après l'adoption du budget, d'injecter chaque trimestre 350 milliards de nairas (1,7 milliard $) dans l'économie du Nigéria, jusqu'à ce que la croissance soit de retour. La responsable nigériane n'a pas indiqué dans le détail sur quoi sera investie cette enveloppe budgétaire, se contentant d'indiquer que ces ressources iront sur des activités créatrices de revenus.
Les observateurs et analystes qui se disent toujours en attente de la stratégie économique du président Muhamadu Buhari, arrivé au pouvoir au mois de mars 2015, voient le projet se dessiner peu à peu. On était déjà informés de l'accroissement de l'efficience dans les dépenses publiques, à travers notamment les grandes actions de lutte contre la corruption et l'invitation des administrations à moins de dépenses. Aujourd'hui on découvre une volonté de relancer la demande via la création d'emplois.
Toutefois, il ne sera pas question de sauver les Etats en les renflouant financièrement. En l'absence de l'adoption du budget, il est donc difficile de savoir si cette injection découlera de la politique monétaire, avec un relâchement des taux, ou de la politique budgétaire, avec plus dépenses publiques (investissements ou courantes). L'annonce intervient alors que de nouveaux indicateurs du bureau des statistiques informent que l'inflation (niveau de variation de l'indice des prix la consommation) a atteint 13,5% au mois d'avril.
La situation est assez complexe car les causes de la hausse des prix ne découlent pas d'une accélération de la demande ou du pouvoir d'achat, au contraire. La baisse des prix du pétrole a induit un repli des revenus dans presque tous les secteurs et, surtout, a rendu plus chère l'acquisition des produits importés qui dominent dans le panier de la ménagère comme dans le coût des biens intermédiaires servant à la fabrication locale.
L’autre défi pour le système de production nigérian est le déficit d'infrastructures. Le gouvernement reconnait que c'est un gros problème. « Bien que la part réservée aux infrastructures représente 30% du budget, nous sommes aujourd'hui conscients que le gouvernement ne peut résoudre ce problème seul », a expliqué Mme Adeosun. La Chambre de commerce estime pour sa part que le financement nécessaire pour combler le gap équivaut à 300 milliards $.
Dans un tel contexte, les choix pour le gouvernement nigérian sont très serrés. La simple augmentation des emplois risque d’être vaine si elle n'est pas orientée vers des segments accroissant la production car, sur un plan purement technique, elle va générer des revenus supplémentaires qui viendront exercer une pression de plus sur la demande, nourrissant ainsi l'inflation.
De leur côté, la Banque mondiale, le FMI et la plupart des investisseurs internationaux, invitent le gouvernement de la première économie d'Afrique, à laisser flotter le naira, ce qui conduirait vers sa dévaluation.
Le FMI a particulièrement recommandé d'explorer l'opportunité que représente un faible niveau de Taxe sur la Valeur Ajoutée, pour renforcer la mobilisation des ressources locales. Mais aucunes de ces pistes ne tentent les autorités fédérales nigérianes. « Les précédentes dévaluations monétaires n'ont pas contribué à résoudre le chômage, au contraire, elles ont généré l'inflation », a expliqué le président Buhari.
Idriss Linge
Abidjan, Côte d'Ivoire. Une plateforme de mise en relation entre les entreprises allemandes et leurs homologues de l’Afrique francophone.