(Thierry Téné) - En Afrique, les décideurs politiques et les partenaires au développement concentrent prioritairement leurs actions sur la production et la distribution, qu’elles soient d’origine fossile ou renouvelable.
La formule est bien connue des énergéticiens, « l’énergie la moins chère, c’est celle qu’on ne consomme pas ». Or, l'efficacité énergétique est rarement évoquée, pourtant elle permettrait de réduire le nombre de délestages tout en réalisant un gain économique substantiel. Selon l'Agence internationale de l'énergie, chaque dollar investi dans l'efficacité énergétique permet de mobiliser plus de 2 $ pour créer de nouvelles ressources.
Un réel potentiel africain
D’après une étude de la Banque mondiale, il y a un réel potentiel africain dans le domaine de l’efficacité énergétique. Voici une liste de secteurs d’activité où il existe des améliorations de l’efficacité énergétique :
• Cogénération lors de la production du sucre : 67 projets identifiés qui permettraient d’éviter l’émission de 2,5 millions de tonnes de CO2 par an, soit un gain annuel de 30 millions d’euros sur le marché du carbone par an.
• Distribution d'électricité : 20 projets pour 1,1 million de tonnes de CO2 évitées, soit 13,2 millions d’euros par an.
• Systèmes à vapeur : 211 projets pour 36,6 millions de tonnes de CO2 évitées, soit 439,2 millions d’euros annuels.
• Eclairage avec recours aux lampes basse consommation : 49 projets pour 13,2 millions de tonnes de CO2 évitées, soit 158,4 millions d’euros par an.
• Appareils ménagers : 30 projets pour 7,4 millions de tonnes de CO2 évitées, soit 88,8 millions d’euros par an.
• Equipements industriels (moteurs) : 20 projets pour 1,5 million de tonnes de CO2 évitées, soit 18 millions d’euros par an.
• Production de charbon de bois : 68 projets pour 22,4 millions de tonnes de CO2 évitées, soit 268,8 millions d’euros par an.
• Transports : 63 projets pour 12,3 millions de tonnes de CO2, soit 147,6 millions d’euros par an.
De véritables passoires énergétiques
On pourrait compléter cette étude de la Banque mondiale uniquement focalisée sur la production, la distribution et l’utilisation de l’énergie par le bâtiment, où il existe probablement le plus important gisement d’économie d’énergie en Afrique. Rares sont les habitations africaines qui sont isolées. Or en l’absence d’isolation, ces constructions sont de véritables passoires énergétiques. Avec les fortes chaleurs des pays tropicaux, la climatisation se développe, notamment pour ceux qui ont un pouvoir d’achat suffisant. Pourtant une bonne isolation, associée à une ventilation optimale, permettrait de limiter le recours à l’air conditionné.
Comme dans d’autres pays en développement, la réalisation de ces projets permettrait le développement économique de l’Afrique par la mise en place de politiques fortes et de mesures de déploiement de l’efficacité énergétique.
Lors de l’atelier sous-régional organisé l’année dernière à Ouagadougou sur l’efficacité énergétique au sein de la Cédéao et de l’Uemoa, plusieurs propositions concrètes avaient été suggérées, notamment la rédaction d’un livre blanc sur l’efficacité énergétique, la création d’un système d’information sur l’efficacité énergétique et les bonnes pratiques, la diffusion des lampes fluo-compactes, la création de mécanismes de financement, l’étiquetage des performances énergétiques, les certifications, normes et centres d’essais pour les appareils ménagers et les équipements de bureau, et enfin le renforcement des capacités de formation, d'éducation et de coopération régionale. Ces dernières n’attendent qu’à être mises en pratique par les décideurs politiques et le secteur privé.