(Agence Ecofin) - Du fait des textes réglementaires jugés contraignants par les opérateurs téléphoniques, le mobile banking reste en deçà de son potentiel en Afrique centrale.
A l’exception de pays qui connaissent une certaine instabilité, ou d’autres dont la taille de marché est quelque peu étroite, la plupart des pays de l’Afrique centrale ont connu ces dernières années le lancement plutôt réussi des services de mobile banking. Pionnières, les filiales du géant sud-africain MTN ont été les premières à déployer leurs services au Cameroun et au Congo Brazzaville. Aussitôt suivies par les autres opérateurs téléphoniques, tels qu’Airtel au Gabon et au Congo, et Orange au Cameroun. Pour tous ces opérateurs, l’objectif est le même : tirer avantage de la forte expansion de la téléphonie mobile pour améliorer la bancarisation de la population, qui culmine à 10% dans le meilleur des cas, là où la téléphonie mobile couvre plus de 80% de la population.
Si le lancement de ces services connaît une certaine réussite dans ses principales applications telles que le règlement des factures d’électricité, d’eau, le transfert d’argent ou encore le paiement de frais de scolarité dans certaines universités, en zone Cemac, on est encore bien loin d’une succes story à la kenyane, où des millions d’usagers ont adhéré en quelques mois à cet outil innovant de la finance, qui offre ces services financiers essentiels aux populations rurales, souvent évincées du système bancaire classique.
La difficulté pour les opérateurs téléphoniques est donc de devoir jouer les seconds rôles sur un marché qui est d’abord le leur. Sur le marché camerounais, il existe deux opérateurs et un nombre de banques plus important. La législation attribue les licences pour mobile banking aux établissements bancaires, et non aux opérateurs de mobile. Les opérateurs, dès lors, ne peuvent travailler qu’avec une seule banque, ce qui réduit les possibilités de développement du produit.
Cette progression lente oblige parfois les opérateurs téléphoniques, banques et entreprises impliqués à développer des incitations pour encourager la clientèle à privilégier le mobile banking. Au Cameroun par exemple, AES-Sonel, la compagnie d’électricité, a supprimé les frais relatifs au règlement des factures par mobile et a même offert des crédits de communication aux usagers qui réglaient leur note d’électricité au moyen du Mobile Money d’Orange. « AES-Sonel et ses partenaires veulent ainsi encourager leurs clients à privilégier ce mode de paiement innovant qui participe à améliorer de manière significative la qualité du service à la clientèle. La solution de paiement mobile est une réponse aux problèmes qu’éprouvent jusqu’ici l’essentiel des abonnés AES-Sonel à régler leurs factures dans les agences commerciales. Ils n’auront plus besoin de passer plusieurs heures dans des files d’attente ni de mandater des tiers. L’opération de paiement par téléphone portable se fait en deux minutes environ, le gain en confort et en temps est réel », assure Alexandre Siewe, sous-directeur de la communication chez AES-Sonel. L’objectif est de passer de 20 000 à 120 000 souscripteurs qui règleraient désormais leurs factures via leur terminal mobile.
Pas sûr cependant que de telles mesures limitées à quelques entreprises suffisent à faire exploser le marché du m-banking dans la sous-région. Ce dont rêvent les opérateurs téléphoniques, c’est davantage d’une réglementation souple, qui ne les confine pas au rôle de coursier ou de simple partenaire technologique auprès de banques détentrices exclusives des agréments dans le domaine du m-banking. Les contraintes en zone Cemac se situent dans le champ de la législation, qui est à améliorer afin de rendre l’utilisation des solutions de paiement par mobile plus aisée. Les pouvoirs publics et les organes de régulation du secteur bancaire semblent réticents à laisser les opérateurs de mobile offrir des solutions de paiements. Ainsi, après la signature de la convention entre Afriland First Bank et MTN Cameroun, les usagers ont dû attendre de longs mois pour que les autorités de régulation délivrent les autorisations nécessaires.
Une situation que déplorent les opérateurs de téléphonie, qui anticipent souvent plus vite dans ce domaine que les banques et les administrations. Selon un patron d’une des grandes compagnies camerounaises de téléphonie mobile, « le mobile banking est un relais de croissance important pour les opérateurs de mobile et une opportunité de bancarisation et de recyclage de l’épargne assez intéressante. Au Cameroun et en Afrique centrale, une législation encore trop contraignante, ainsi qu’une faible implication des pouvoirs publics dans le développement de cette solution de paiement, restent un handicap. Toutefois, les services de paiement pour mobiles offrent une variété de possibilités aux marchés africains, qui peuvent désormais accéder aux services d’épargne, d’assurances santé, de microfinance, etc. Il faut remarquer par exemple qu’au Kenya, le lancement de M-Pesa sur le marché a entraîné une croissance du taux de bancarisation de 58%. »
Par François Bambou pour le magazine Réseau Télécom Network
Nairobi, Kenya - Promoting sustainable economic growth through trade