Les perspectives sont bonnes pour cette année, avec des projets régionaux de connectivité, notamment les backbones nationaux fibre. Mais la législation fait défaut dans plusieurs pays africains. Les backbones fibre sont développés par la mise en place de partenariats public-privé, possibles que lorsque le cadre législatif et réglementaire le permet. Les régimes d’autorisation contribuent significativement à attirer et faciliter les investissements privés dans ces backbones fibre. Une mesure qui s'est révélée efficace dans les pays développés et les pays émergents est la déréglementation de la propriété des infrastructures. Il s’agit par exemple de supprimer les autorisations préalables (sauf concernant les droits de passage) imposées aux investisseurs qui installent les infrastructures de transmission, tels que la fibre optique. Seuls ceux qui exploitent ces liaisons seraient alors soumis à la procédure d’attribution d’autorisation. Cette mesure faciliterait les investissements par les propriétaires d'autres types de réseaux (par exemple les chemins de fer, lignes électriques, gazoducs, pétroliers, etc.). Si cela avait été le cas au Gabon, la compagnie pétrolière TOTAL Gabon aurait facilité l’accès Internet au plus grand nombre car elle dispose d’un grand réseau de fibre optique sous exploité, car surdimensionné pour ses seuls besoins.
Les droits de passage sont une autre question importante dans la réglementation des backbones. Le régulateur doit octroyer à n’importe quel opérateur les droits de passage nécessaires afin d’installer, réparer, modifier ou supprimer des lignes de télécommunications, encourager les opérateurs à partager leurs droits de passage et enfin imposer aux opérateurs de faire le moins de dommages possible lors des travaux et de verser une indemnisation équitable et adéquate. Ces droits sont généralement délivrés par les collectivités locales qui peuvent être nombreuses lorsque le câble parcourt une longue distance. Une normalisation des droits de passage par le régulateur permettrait d’éviter les comportements opportunistes de ces collectivités dans la délivrance de ces droits. Autre question importante dans le développement d’un réseau backbones fibre, l’accès et le partage des infrastructures. Même si les régulateurs doivent veiller à ce que l’obligation de partager les infrastructures ne constitue pas un frein pour les investisseurs en garantissant un prix équitable et en protégeant les opérateurs ayant une puissance de marché limitée, ils doivent affirmer certains droits et obligations. Au rang desquels, le droit pour tout opérateur d'accéder au réseau d'autres opérateurs dans des conditions équitables et non discriminatoires, imposer aux opérateurs dominants l’obligation de fournir des services de colocalisation et de publier des offres de colocalisation, le droit d’accéder à des infrastructures telles que les routes, les réseaux ferroviaires et les pipelines. Ces dispositions exigent aussi dans certains cas que les statuts des sociétés de patrimoine de ces réseaux soient modifiés afin d'y inclure la fourniture de ces services.
La question de l'accès à l'international est importante pour la viabilité financière des projets, dans la mesure où elle affecte directement le trafic et les revenus générés par les réseaux backbones. L’interconnexion internationale est généralement un gros problème pour les pays enclavés dans la mesure où l’accès aux câbles internationaux, en particulier les câbles sous-marin, est contrôlé par des opérateurs étrangers. Le renforcement de la régulation sur les points d’arrivée de ces câbles et sur les tarifs de traversée doit permettre à ces pays d’obtenir des conditions équitables d'accès à ces infrastructures stratégiques. Ainsi, l’arrivée de nouveaux câbles sous-marins peut inciter les opérateurs à développer des backbones fibre nationaux pour s’y connecter et bénéficier de tarifs de transmission inférieurs à ceux du satellite. Avec la commercialisation des câbles Eassy, Main One, Glo One et Lion, l’amélioration de la connectivité régionale devient donc essentielle pour les pays sans accès direct aux câbles sous-marin. Pour les pays qui y ont déjà accès, il s’agit d’un moyen de sécuriser leur réseau par des routes alternatives. Par ailleurs des économies d’échelle peuvent être réalisées en faisant passer le trafic internet de plusieurs pays par une seule Gateway. Ce dernier point relève d’une concertation des associations régionales de régulateurs.
Enfin, il faut noter que l’un des obstacles majeurs aux investissements dans les backbones réside dans le faible niveau de demande initiale en trafic, c’est à dire l’achat de capacité. Ce risque commercial empêche souvent les opérateurs de se lancer dans l’extension des réseaux fibre. Certains Etats ont donc essayé de réduire ce risque en assurant un niveau minimum de revenu pour l’opérateur, et en se positionnant comme acheteur de capacité en gros pour toutes les administrations et services relevant de la gestion publique (écoles, hôpitaux, collectivité, etc.). C’est le cas du Congo Brazzaville. Bel exemple à suivre.
Par Oswald Guy-Cyr Loueke, éditeur du magazine Réseau Télécom Network
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