(Agence Ecofin) - Débutés au mois de novembre 2017, les travaux de réhabilitation de la route nationale no4 (Yaoundé-Bafoussam-Babadjou, 241 km), d’un délai moyen d’exécution de 30 mois, n’avancent pas au rythme prévu. Il est ressorti de la revue générale des chantiers routiers pour l’exercice 2019, tenue les 27 et 30 décembre dernier, qu’au 30 novembre, le taux de réalisation moyen de ce projet était de 44,5% pour une consommation moyenne des délais de 70,2%.
À ce rythme, il faudra en moyenne 17 mois supplémentaires pour achever les travaux. L’infrastructure devrait donc être livrée, dans le meilleur des cas, en février 2022, soit un an après la fin de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN), prévue au Cameroun du 9 janvier au 6 février 2021. Dans cette hypothèse, la CAN se tiendrait avec une liaison routière loin d’être optimale entre Yaoundé et Bafoussam, deux villes abritant cette compétition.
Pour permettre une réhabilitation rapide de la route, les travaux ont pourtant été divisés en trois lots, confiés à trois constructeurs chinois de renommée internationale, à la suite d’appels d’offres. Le premier lot (pont d’Ébebda – Kalong incluant la construction d’un échangeur au carrefour d’Obala, 63,75 km) a été attribué à CGCOC Group Co, le deuxième lot (Kalong-Tonga, 67,00 km) à Sinohydro Corporation Limited et le troisième lot (Tonga-Bafoussam-Babadjou, 110,242 km) à China Railway Engineering Corporation (CREC).
Défaillances
Cette dernière section préoccupe particulièrement les autorités. Il faut dire que depuis le début du projet, CREC ne rassure pas. Neuf mois après avoir été notifié de son ordre de service de démarrage, le constructeur chinois n’était toujours pas visible sur le terrain. Mi-juillet 2018, le ministre des Travaux publics (Mintp) annonce même le remplacement de cette entreprise alors qualifiée de « défaillante ».
Mais pour des raisons inconnues, Emmanuel Nganou Njoumessi ne va pas jusqu’au bout. Et la multinationale chinoise démarre finalement les travaux quelques mois plus tard. Seulement, le chantier évolue à vitesse de tortue. Le taux de réalisation est seulement de 11,43% à fin novembre 2019, date initialement programmée pour la réception du lot 3.
Ce tronçon est pourtant stratégique pour la CAN. Il intègre des travaux de voiries de 10,5 km. Ceux-ci ont pour objectif de faciliter la traversée de Bafoussam et contribuer à fluidifier la circulation dans cette ville notamment pendant cette compétition. Et même sur ce volet, CREC patine. Le 5 février 2020, quand Emmanuel Nganou Djoumessi visite à nouveau le chantier, le taux de réalisation de ces travaux de voirie est de 30,32% pour une consommation de délai de 68,49%.
Ultimatum
Pour expliquer cette lenteur, l’entreprise chinoise pointe le trafic pendant l’exécution des travaux, les stationnements inappropriés des véhicules sur la chaussée en cours de reconstruction de même que l’encombrement de l’emprise des travaux par les commerçants ambulants, le réseau d’eau et les caméras de vidéosurveillance. Au ministère des Travaux publics, on indexe aussi « la faible mobilisation de l’entreprise adjudicataire et la faible capacité technique du personnel d’encadrement ».
« Un nouveau planning va être arrêté pour comprimer les délais de traitements. Et j’ai prescrit des travaux de nuit et pendant les jours non ouvrables », indique le Mintp à la fin de sa visite. Emmanuel Nganou Djoumessi fait d’ailleurs à nouveau planer la menace d’une résiliation. « J’ai servi des mises en demeure. C’est-à-dire que tout ce que je donne comme prescription devra être réalisé dans les 21 jours qui suivent. […] Et si l’évaluation (à réaliser après les 21 jours NDLR) est déclarée insatisfaisante, vous suivez ce qui va arriver… »
Dans le marché de base, le coût de réhabilitation de la route nationale no4 était de plus de 102 milliards FCFA : 28,5 milliards pour le lot 1 ; 28,6 milliards pour le lot 2 ; 35,6 milliards pour le lot 3 et 9,3 milliards pour les trois missions de contrôle. Le projet est financé à 95% par la Banque africaine de développement (BAD) et à 5% par le gouvernement camerounais.
Avec la modification de la consistance des travaux, le coût du projet serait depuis passé à 145 milliards FCFA. Il n’est pas exclu qu’il augmente encore. Le Cameroun a déjà saisi la BAD pour obtenir son avis de non-objection « pour le financement additionnel relatif aux travaux supplémentaires identifiés » dans le lot 3. Il envisage de le faire pour les deux autres lots.
Aboudi Ottou
Casablanca, Maroc - Salon international de la logistique