(Agence Ecofin) - La Russie est davantage appréciée en Afrique depuis son retour sur le continent en 2019, suite au sommet de Sotchi. D’abord banalisée, cette manifestation des efforts de la diplomatie russe sur le continent, inquiète désormais les autres puissances étrangères présentes sur le continent africain.
En Allemagne, les députés de la CDU-CSU, principale force politique du Bundestag, l’assemblée nationale allemande, ont demandé, le 20 octobre dernier, au gouvernement de contrer l’influence et « la désinformation » russes sur le continent africain. « La Russie mène une campagne de désinformation très ciblée en Afrique afin de discréditer les partenaires occidentaux. Et c'est ce qui s'est passé récemment au Mali, où des trolls russes ont largement fait campagne sur Facebook contre l'intervention de l'Onu et contre l'armée allemande. Et ces campagnes ont également joué un rôle déterminant dans le fait que les Français ont été priés de quitter le Mali », a déploré la députée Katja Leikert du parti CDU-CSU.
L’intervention a provoqué des réactions diverses sur le sujet. Alors que les parlementaires du CDU-CSU demandent au gouvernement allemand de proposer une stratégie claire contre le soft power russe en Afrique, d’autres députés penchent pour une réplique moins axée sur la communication anti-Russie.
Pour Karamba Diaby, député allemand d’origine sénégalaise, la réponse allemande doit surtout consister à renforcer la collaboration avec les organisations africaines. « Dans un monde multipolaire, après le 24 février, les organisations régionales comme l'Union africaine ont plus de responsabilités. Il faut les renforcer et les intégrer dans notre projet. Pour notre coopération avec les 54 pays africains, il ne s'agit pas de se retirer, mais de renforcer notre partenariat sur un pied d'égalité dans nos efforts pour l'avenir », déclare-t-il dans des propos relayés par le radiodiffuseur allemand Deutsche Welle.
Selon ce point de vue, une communication agressive contre la Russie pourrait affecter l’image de l’Allemagne sur le continent. Selon les résultats de l’étude Africaleads 2022, réalisée par l’institut IMMAR et le Conseil français des investisseurs en Afrique, l’Allemagne est la 3e puissance étrangère la plus appréciée des leaders d’opinion du continent. La nation est notamment la puissance la plus appréciée chez les sondés de l’étude en Afrique de l’Ouest, se classe 2e en Afrique du Nord et en Afrique Australe puis 4e en Afrique centrale.
Pour garder cette cote de popularité sur le continent, l’Allemagne va devoir procéder avec tact dans ses efforts pour contrer l’influence russe en Afrique. Comme l’ont rappelé certains députés allemands, la relation entre plusieurs pays africains et la Russie date de plusieurs décennies et remonte à l’aide soviétique dans les luttes contre la colonisation.
« Plusieurs des Etats africains qui se sont abstenus ces dernières semaines de voter des résolutions contre la Russie se sont battus pour leur indépendance contre des Etats coloniaux au milieu du siècle dernier. L'Afrique du Sud, la Namibie et la Guinée, entre autres, ont obtenu de l'aide pour leur lutte. Ils l'ont reçue de l'Union soviétique, par exemple, lors de la guérilla du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud ou en Namibie. L’attachement de ces Etats à la Russie résulte de cette histoire », explique la députée allemande Jamila Schäfer.
La stratégie de communication choisie par l’Allemagne pour contrer l’influence russe en Afrique sera intéressante à observer, sachant que ces dernières années les Allemands ont changé à plusieurs reprises leur approche de l’Afrique selon leurs intérêts.
Servan Ahougnon
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