Mali : selon l’Institut français de recherche stratégique de l’École militaire, des médias ont aidé l’implantation de Wagner

(Agence Ecofin) - L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), organisme extérieur de la direction générale française la stratégie du ministère des armées, a publié en septembre 2022 un rapport sur la présence russe au Mali. Selon l’étude, les médias ont aidé l’implantation de Wagner dans le pays.

Au Mali, les médias ont constitué un support pour l’installation de Wagner. C’est le point de vue défendu par l’IRSEM dans son rapport « la Russie au Mali : une présence bicéphale ». « Le modèle d’implantation du groupe Wagner mis en place par Evgueni Prigojine s’appuie sur une autre dimension […] qui prend aussi forme au Mali. Il s’agit d’un soutien informationnel apporté à cette présence non officielle de la Russie pour forger des représentations favorables aux paramilitaires de Wagner, cautionner son action par des moyens médiatiques et culturels, nouer des liens avec des soutiens locaux potentiels et, à plus grande échelle, légitimer la coopération russo-malienne et discréditer ses détracteurs », déclare l’étude.

L’étude mentionne notamment des « sites sous fausse bannière, comptes sur Telegram, VK, Twitter et YouTube liés à des individus ou des entités » qui diffusent des dizaines d’articles, de messages et de vidéos sur la présence russe au Mali.

Selon l’étude, le contenu provient la plupart du temps de RIA FAN, une plateforme créée en 2014 par la holding médiatique Patriot, détenue par Evgueni Prigojine. RIA FAN relaie également des contenus produits par des médias africains, notamment ceux qui sont favorables à la présence russe.

« Le site de la radio centrafricaine Lengo Songo, surnommée la radio des Russes (NDLR) et financée par le réseau Prigojine en Centrafrique, en est l’un des exemples les plus significatifs : les articles de Lengo Songo ont à ce jour été cités près de 160 fois sur le site phare de Patriot. Au Mali, avec une quinzaine de reprises, le site indépendant le plus cité par RIA FAN est Mali Actu », informe le rapport.

Dans son rapport sur le journalisme au Sahel, publié le 4 avril, Reporters Sans Frontières évoque également le rapprochement entre la Russie et Mali Actu, fondé en 2007 par le journaliste Séga Diarrah. « Les médias russes Sputnik et RT ont approché Séga Diarrah pour lui proposer de signer un partenariat et de prendre des parts dans le capital du média. Il assure que Mali Actu a décliné la proposition de participation. […] Mais il confirme [..] que Mali Actu, dans un contexte de suspension de médias français comme RFI, cherche à diversifier ses sources d’information et qu’il peut, à ce titre, reprendre des informations publiées sur les chaînes russes ».

Pour l’IRSEM, des plateformes comme RIA FAN et le rapprochement de médias russes avec des sites comme Mali Actu ont aidé l’implantation de Wagner au Mali. Malgré tout, l’entité française a du mal à établir le soutien d’autres médias à Wagner. Le rapport cite pourtant « le "média indépendant" CEIBA […] suspect à plusieurs titres ». L’IRSEM se montre suspicieux à cause du nom de domaine du média, ainsi que ses comptes sur Facebook et Twitter, « créés début janvier 2022, soit quelques jours après l’arrivée du groupe Wagner » au Mali. « Depuis le 24 février et l’invasion de l’Ukraine, 57 des 71 articles de la rubrique « Monde » de CEIBA, soit 80 % des contenus, sont liés à la Russie et/ou à l’Ukraine, avec une ligne plus favorable à la première qu’à la seconde », avertit l’IRSEM. L’institut rappelle également que MaliJet, une autre plateforme indépendante, est régulièrement citée par RIA FAN « lorsque leurs articles sont favorables aux acteurs russes ».

Malgré tout, ces soupçons ne constituent pas une preuve et si la plupart des constats de l’IRSEM sont factuels, on ne peut pas faire abstraction du lien de l’institut avec l’armée française, principal adversaire de la Russie au Mali.

Servan Ahougnon