(Agence Ecofin) - En visite au Salon de l’Agriculture, répondant à l’interpellation d’un acitiviste de la diaspora camerounaise en France, le président français Emmanuel Macron s’est prévalu d’avoir « mis la pression » sur son homologue du Cameroun Paul Biya, et obtenu la libération de Maurice Kamto, le chef d’un parti de l’opposition camerounaise, suite aux élections présidentielles de 2018. « J’ai mis la pression sur Paul Biya pour que d’abord il traite le sujet de la zone anglophone et de ses opposants. Je lui ai dit. Je ne veux pas qu’on se voie à Lyon tant que le Général Kamto (sic) n’est pas libéré. Il a été libéré parce qu’on a mis la pression », a assuré M. Macron.
Le chef de l’Etat français a aussi commenté la délicate actualité relative à la mort de 5 femmes et enfants dans la région camerounaise du Nord-ouest en la qualifiant d’« intolérable ». Il a promis à son interlocuteur, qui a admis être entré en France illégalement, qu’il allait « appeler la semaine prochaine le Président Biya et mettre un maximum de pression pour que cette situation cesse ». Une déclaration qui survient alors même qu’une enquête est en cours et que le gouvernement camerounais a reconnu ce drame en le déplorant, expliquant que les victimes ont subi un accident collatéral, lorsque l’armée essayait de déloger des combattants sécessionnistes.
Le gouvernement camerounais n’a pas encore officiellement réagi à ces déclarations devenues virales sur les réseaux sociaux au Cameroun.
Le jeune président français a toujours voulu se présenter comme l’homme de la rupture avec des pratiques qui faisaient de l’Afrique francophone subsaharienne un espace vassal de la France et qui alimentent aujourd’hui la colère des jeunes générations. Mais « en même temps » le président Macron a annoncé, en citant l’exemple de la RDC, qu’il était prêt à travailler avec les « sociétés civiles africaines » pour la gestion des transitions politiques sur le continent, tout en continuant à faire lui-même pression.
Rappelons qu’en l’occurrence, cette « société civile » camerounaise avec laquelle M. Macron vient de converser, est régulièrement auteur d’agressions sur des personnes qui seraient considérées comme favorables au pouvoir actuel au Cameroun. Tout récemment, un journaliste camerounais qui affiche clairement son soutien à Paul Biya et sa politique, a été agressé dans la rue par des personnes à visage découvert qui n’ont pas été inquiétés par la police française. Plusieurs artistes dans la même position ont été violemment pris à parti et empêchés de donner des concerts en France ou dans d’autres pays. Et des ambassades du Cameroun ont été vandalisées par ce même gropuscule, y compris en France.
Ces déclarations improvisées du président Macron surviennent alors que se prépare activement le sommet France Afrique qui devrait se tenir en juin à Bordeaux, en France. Or, le président français a déclaré une chose qui risque de rester dans les mémoires : car si la France ne décide plus directement comment diriger l’Afrique, elle s’allie désormais à ce qu’on appelle « la société civile », pour faire pression en Afrique. « Là où des dirigeants ne sont pas démocratiquement élus, je travaillerai avec la société civile. Je mets la pression sur chacun et je travaille avec l’Union Africaine et les organisations régionales pour mettre la pression.» Le problème, c’est que cette notion de « société civile » est assez floue et peut parfois conduire à légitimer des activistes ultra-minoritaires qui se caractérisent par une certaine forme d’intolérance et de violence.
Idriss Linge
Abidjan, Côte d’Ivoire : « Private equity et venture capital, quels modèles de création de valeur pour les investisseurs, les entreprises et les Etats africains ? »