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En RDC, la lutte contre la contrebande du cobalt et de l’or nécessite une révision de la fiscalité (rapport)

En RDC, la lutte contre la contrebande du cobalt et de l’or nécessite une révision de la fiscalité (rapport)
  • Date de création: 20 février 2024 07:22

(Agence Ecofin) - L’exploitation minière artisanale et à petite échelle contribue de 15 à 30% à la production de cobalt en RDC, et une part non négligeable de la production d’or. Le développement de ce secteur est néanmoins freiné par plusieurs problèmes, limitant sa capacité à contribuer au développement du pays 

Pour améliorer l’efficacité des efforts de lutte contre la contrebande de l’or et du cobalt artisanal en RDC, le gouvernement doit mettre fin aux nombreuses taxes et redevances qui entravent l’activité des mineurs artisanaux. C’est le constat fait dans un rapport publié en décembre 2023 par IMPACT, une ONG canadienne qui œuvre pour la transformation de la gestion des ressources naturelles dans les zones où la sécurité et les droits de la personne sont menacés. 

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Intitulé « Lutter contre la corruption dans l’exploitation artisanale du cobalt et de l’or : Comment la fiscalité détourne du commerce légal les actrices et acteurs de la chaîne d’approvisionnement en République Démocratique du Congo », le document décrit les efforts de l’organisation pour cartographier les taxes et redevances collectées par différents acteurs dans le secteur de l’exploitation artisanale et à petite échelle (ASM) de l’or et du cobalt.

Il souligne que des taxes et redevances « superflues qui ne figurent dans aucune loi » sont collectées auprès des coopératives minières actives dans l’exploitation artisanal du cobalt. Le  Service d’assistance et d’encadrement des mines artisanales et de petit échelle exigerait par exemple jusqu’à 10 500 dollars au titre de « de frais d’avis technique d’installation dans le site minier », sans aucune base légale. Ces taxes découragent l’exercice légal des activités par les artisans miniers, qui se tournent donc vers la contrebande.

« Si le prix de la production et du commerce licites devient trop lourd, il sape la légalité et freine donc la participation à tous les efforts en cours pour établir des chaînes d’approvisionnement responsable […] La contrebande transfrontalière vers des régions où les taxes à l’exportation sont moins élevées rend le régime fiscal de la RDC pratiquement inapplicable », indique le rapport.

Il faut souligner que ce constat est partagé par d’autres acteurs qui suivent l’ASM en RDC. Dans une interview accordée à l’Agence Ecofin, le chercheur Hans Merket de l’ONG belge International Peace Information Service (IPIS) a estimé que la première préoccupation des autorités dans la réglementation du secteur artisanal ne devrait pas être la fiscalité.

« Le focus est encore trop sur réglementer ce secteur, sur trouver des façons de taxer ce secteur, par exemple. Je pense que tous les efforts mis dans la taxation de ce secteur ne sont pas la bonne priorité », a-t-il indiqué.

Selon un rapport de l’IPIS publié en octobre 2021 et disponible dans la docuthèque d’Ecofin Pro, les taux élevés d’imposition sur la production « poussent dans l’informalité » les coopératives qui n’ont pas des capacités financières suffisantes.

Promouvoir une fiscalité transparente et harmonisée

L’ASM représente 15 à 30% de la production congolaise de cobalt selon plusieurs sources concordantes, et seulement 0,15% des exportations d’or en 2022. Ce chiffre de 0,15% doit cependant être relativisé car une part importante de la production d’or artisanale n’est pas prise en compte dans les circuits officiels. Selon le Trésor américain, plus de 90 % de l’or produit en RDC passe ainsi en contrebande par les États voisins. 

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Plusieurs efforts sont fournis en RDC pour mettre fin à cette contrebande d’or, mais aussi pour assainir le secteur artisanal et à petite échelle du cobalt, face à la demande croissante de ce métal stratégique. Pour que ces efforts atteignent leur but, l’ONG IMPACT invite les autorités à prendre certaines mesures en faveur de la transparence afin de lutter contre la corruption, ce terreau qui favorise les taxes et redevances nombreuses et élevées.

Parmi les mesures préconisées, il faut notamment abolir tous les paiements qui sont contraires aux textes règlementaires et publier un arrêté interministériel fixant les taux, droits et frais en rémunération des services rendus à percevoir par le SAEMAPE (Service d'assistance et d'encadrement des mines artisanales et de petit echelle). Le document recommande également, d’une part, l’harmonisation des régimes fiscaux, national et provinciaux afin d’éviter la double imposition, et d’autre part, l’harmonisation des taxes à l’exportation avec celles des pays voisins pour décourager la contrebande.

Si la fiscalité peut contribuer à assainir l’exploitation minière artisanale en RDC, il faut noter qu’il ne s’agit pas du seul levier que les autorités locales doivent actionner pour résoudre les problèmes du secteur. L’ASM en RDC souffre en effet d’autres maux comme le travail des enfants, les conditions de travail précaires ou encore la mainmise des groupes armés.

Emiliano Tossou