Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Ecofin Finance
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève

«Nous avons sauvé les gens plutôt que les banques»

  • lundi, 20 février 2012 09:29

L'ancien ministre de l'Economie argentin Roberto Lavagna, 69 ans, est le principal artisan du redressement de l'Argentine, engluée dans une terrible crise économique il y a dix ans. Lorsqu'il prend ses fonctions, en avril 2002, le peso vient d'être dévalué de 70%, le pays est en cessation de paiement, la dette privée s'élève à plus de 72 milliards d'euros, l'inflation annuelle flirte avec les 125% par an, le chômage explose, les petits épargnants sont ruinés et les troubles sociaux ont déjà fait plus de 30 morts dans le pays. Cet ancien ambassadeur auprès de l'Union européenne décide immédiatement de se passer de « l'aide » du Fonds monétaire international (FMI) et des marchés financiers. Quelques pistes à suivre pour la Grèce.

Quelles sont les grandes similitudes entre la crise argentine de 2001-2002 et la crise grecque ?
Au plan économique, tout est semblable. L'Argentine avait établi une parité fixe entre le peso et le dollar, la Grèce est ficelée à l'euro, perdant ainsi le contrôle de sa monnaie. Un taux de change fixe associant des pays à forte productivité et d'autres dont la compétitivité est beaucoup plus faible ne peut qu'engendrer une crise. La Grèce est déjà dans sa quatrième année de récession, l'Argentine l'était également. Le déficit fiscal, le déficit des comptes courants, la chute vertigineuse du PIB, l'endettement, l'explosion du chômage... toutes les grandes données macro-économiques sont similaires. En revanche, la situation sociale de la Grèce est bien meilleure que celle de l'Argentine à l'époque. Au plan institutionnel, l'Argentine était par ailleurs un pays isolé alors que la Grèce fait partie de l'ensemble économique le plus puissant du monde.

Comment avez-vous tiré l'Argentine du chaos ?
Dès mon entrée en fonction, en avril 2002, j'ai décidé de changer radicalement notre manière de penser la sortie de crise. Le mois suivant, j'étais à Washington pour rencontrer les dirigeants du Fonds monétaire international et leur expliquer que nos rapports allaient s'en ressentir. Depuis le début du marasme économique, en 1998, nous avions déjà eu deux programmes du Fonds pour un total de 51 milliards d'euros. Les deux ont été des échecs retentissants et certaines voix s'élevaient pour demander une troisième tournée de quelque 17 milliards supplémentaires.

Je n'ai pas voulu suivre cette voie et j'ai expliqué au Fonds que nous ne voulions plus de prêt et que nous sortirions seuls de la crise. La seule chose que j'ai demandé était un roll over partiel de toutes les échéances. Je me suis également engagé à payer les intérêts de la dette et une partie du capital. Mais pas tout et pas tout de suite. Cette position était tout simplement impensable pour le FMI car nous affichions notre volonté de fixer nous même notre propre politique économique. J'ai du leur expliquer trois fois de suite ma position avant qu'ils finissent par comprendre. A partir de là nous avons arrêté de soutenir financièrement les banques alors que le FMI nous l'imposait, exigeant même que nous privatisions la Banque de la Nation. Mais comme nous étions sortis du jeu, le Fonds n'avait plus de moyen de pression sur l'Argentine!

Vous avez donc œuvré contre le FMI et vos principaux créanciers ?
Le sorties de crise se font en dehors des chemins tracés par le FMI. Cette institution propose toujours le même type de contrat d'ajustement fiscal qui consiste à diminuer l'argent qu'on donne aux gens - les salaires, les pensions, les aides publiques, mais également les grands travaux publics qui génèrent de l'emploi - pour consacrer l'argent économisé à payer les créanciers. C'est absurde. Après 4 ans de crise on ne peut pas continuer à prélever l'argent aux mêmes. Or c'est exactement ce qu'on veut imposer à la Grèce! Tout diminuer pour donner aux banques. Le FMI s'est transformé en une institution chargée de protéger les seuls intérêts financiers. Quand on est dans une situation désespérée, comme l'était l'Argentine en 2001, il faut savoir changer la donne.

Selon vous les plans d'austérité et de rigueur ne sont pas nécessaires mais c'est pourtant ce qu'on impose à la Grèce...
A tort car l'argent prêté risque de ne jamais être remboursé et le déficit fiscal grec est plus élevé aujourd'hui qu'avant la première injection d'argent frais. Ce sont les mêmes éternelles erreurs. C'est le secteur financier qui impose sa manière de voir les choses au monde entier. On préfère sauver les banques plutôt que les gens qui ont des crédits immobiliers à rembourser. La première chose qu'on a faite, nous, c'est de rallonger les échéances pour les propriétaires endettés. Les fonctionnaires du FMI nous ont alors dit que nous violions les règles essentielles du capitalisme! Ils oubliaient simplement que des gens ruinés ne consomment plus, ce qui obère une relance par la croissance.

Au lieu de payer les banques, la Grèce devrait investir dans l'éducation, les sciences et la technologie, financer des infrastructures et récupérer ainsi une certaine productivité, ne serait-ce que dans les secteurs des services ou du tourisme.

Vous devez avoir beaucoup d'ennemis chez les banquiers...
Ils me détestent! Ce qui ne les a pas empêchés de frapper à notre porte pour nous prêter de l'argent 48 heures exactement après que nous avons terminé la restructuration de notre dette en 2005! Or j'ai refusé ces offres intéressées en leur répondant que nous ne reviendrons pas sur le marché financier avant 2014 car nous n'en avons plus besoin. Pourquoi 2014, simplement parce qu'a cette époque la dette sera seulement de 30% du PIB, la moitié des critères européens de Maastricht! Je pense qu'un pays comme l'Argentine ne doit pas être tout le temps présent sur le marché financier. C'est un risque beaucoup trop grand d'augmenter à nouveau la dette. Le problème c'est que ce sont les banquiers eux-mêmes qui estiment qu'il est positif pour l'image d'un pays d'emprunter à l'international. Il est clair que si je vendais des tomates, je trouverai très bien qu'on en mange! Eux ils vendent de l'argent.

Recueilli par Gérard Thomas, à Buenos Aires  pour le journal Libération.

www.liberation.fr/economie/01012390907-nous-avons-sauve-les-gens-plutot-que-les-banques

Évaluer cet élément
(0 Votes)
 
GESTION PUBLIQUE

Compact : les cabinets KPMG et McKinsey remportent des contrats d’études de faisabilité de projets au Togo

Burkina Faso : plus de 100% de recettes douanières collectées au premier trimestre 2024 à 427 millions $

Mali : le FMI et les autorités parviennent à un accord sur un financement d’urgence de 120 millions $

Elections législatives et régionales au Togo : la CEDEAO et l’UA notent un processus transparent

 
AGRO

Libérer la puissance agricole de l’Afrique : Akinwumi Adesina plaide au Forum économique mondial de Riyad

Mali : la production céréalière attendue en hausse de 12 % à 11 millions de tonnes en 2024/2025

Les prix du cacao enregistrent une forte baisse sur fond de manœuvres des spéculateurs sur les marchés

Mali : hausse du prix du kilogramme de coton à 300 Fcfa pour la campagne 2024/2025

 
MINES

Ghana : le propriétaire de la première mine de lithium autorisé à être coté sur la bourse locale

Guinée : l’australien Predictive annonce une levée de fonds de 32,6 millions $ pour son projet aurifère Bankan

Ghana : les revenus du propriétaire des mines d’or Bibiani et Chirano ont augmenté de 109 % en un an

Mali : le propriétaire de la mine d’or Syama annonce une baisse de production au premier trimestre 2024

 
TELECOM

Une amende de plus d'un demi-million de dollars pour les opérateurs télécoms égyptiens au 1er trimestre

Telecom Namibia a recruté deux nouvelles agences de recouvrement de dettes pour traquer ses mauvais payeurs

Mauritius Telecom, Reliance Jio Infocomm et Orange se concertent pour un nouveau système sous-marin de fibre optique

Au Burundi, le nombre d’abonnements aux services de mobile money a augmenté de 140 % en quatre ans (rapport)

 
TRANSPORT

Côte d’Ivoire Terminal obtient la certification EDGE-Advanced pour l’efficacité énergétique de ses bâtiments

Angola : le gouvernement dévoile un projet d'interconnexion des 3 corridors ferroviaires nationaux

Ethiopian Airlines préoccupée par la pénurie et les prix élevés des pièces/composants d’avions

Nigéria : lancement de la ligne ferroviaire Port Harcourt-Aba dans le sud

 
ENTREPRENDRE

Le Triple-Double: NBA Africa Startup Accelerator appuiera les jeunes pousses africaines axées sur le sportif

Cameroun : l’État multiplie les accords avec les banques pour aider les PME à accéder aux financements

Avec Caytu Robotics, le Sénégalais Sidy Ndao permet de contrôler des robots multi-tâches à distance

La start-up malienne Kénèya Koura digitalise des processus de prise en charge sanitaire

 
ECHO

Afrique : les pays acceptant le plus de passeports africains sans visa (2023)

Le passeport du Cameroun en 2023

UEMOA : les pays acceptant le plus de passeports africains sans visa

CEMAC : les pays acceptant le plus de passeports africains sans visa

 
FORMATION

Au Nigeria, Google et l’Etat de Kaduna lancent une formation en intelligence artificielle en langue haoussa

La Gambie annonce la création d’une université spécialisée en sciences de l’éducation

L'UNESCO et Huawei s'allient au Maroc pour élever les compétences numériques de 10 000 enseignants

Madagascar veut lancer un institut national du digital d’ici la fin d’année

 
COMM

Côte d’Ivoire : la chaîne la plus suivie sur le 1er trimestre 2024 est NCI (Médiamétrie)

Instagram met à jour son algorithme pour augmenter la portée des petits créateurs

Nigeria : un tribunal bloque une nouvelle hausse des prix de MultiChoice

Festival de Cannes : le film « Camp de Thiaroye » sera projeté 36 ans après avoir été interdit en France à sa sortie