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Noureddin Bongo Valentin : « Les Gabonais me jugeront sur les résultats et non sur un délit de patronyme » (Interview)

  • Date de création: 08 mars 2021 09:13

(Agence Ecofin) - Ces derniers mois, au Gabon, la gouvernance a pris un sérieux coup de jeune. Nommé à moins de 30 ans, coordinateur général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin revendique une culture du résultat et n’hésite pas à appliquer à la gestion publique certaines méthodes du management privé : reporting, audit, retour sur investissement : « Je fais partie d’une génération où la recherche de l’efficacité est importante »,  assure-t-il. Entretien exclusif avec le  CGAP .  

Agence Ecofin : En quoi consiste, de manière concrète, le rôle de Coordonnateur général des affaires présidentielles au Gabon ? Daucuns estiment quil sagirait dune vice-présidence qui ne dirait pas son nom

Noureddin Bongo Valentin : La fonction nourrit beaucoup de fantasmes (sourire). A tort. Car la réalité est beaucoup plus prosaïque. Le coordinateur général des affaires présidentielles est un exécutant au service du chef de lEtat. Selon lintitulé officiel, celui-ci a « vocation à se saisir de tout dossier qui concerne le président de la République ».

1 fonction« La fonction nourrit beaucoup de fantasmes (sourire). »

Concrètement, le « CGAP » assiste le Président dans la conduite de ses missions, veille à ce que ses directives soient bien exécutées et en assure le suivi. Il sagit donc dune fonction très technique, et non politique. Jajoute que celle-ci nest en rien une nouveauté au Gabon. Elle a déexisté par le passé.

AE : Vous assumez cette lourde responsabilité alors que vous navez pas 30 ans. En quoi cette jeunesse influe-t-elle sur votre mode de gouvernance et sur votre conception de la politique?

 

NBV: Lexpérience est un atout précieux dans la conduite des affaires publiques. Mais la jeunesse en est un aussi. A fortiori dans un monde en pleine mutation où les évolutions technologiques saccélèrent. En matière de gouvernance, je fais partie dune génération où la recherche de lefficacité est importante. Il ne sagit pas de « faire pour faire » mais de faire pour réellement, positivement et rapidement changer les choses. Cest à cela que doit servir le pouvoir. En termes de conception politique, ma génération est particulièrement sensible à certains sujets. Lenvironnement bien sûr, mais aussi la formation, déterminante dans le monde à venir, linnovation, la lutte contre les inégalités qui passe par le développement de lemploi ou encore lendettement qui n’est pas mauvais en soi mais qui ne doit pas obérer le futur.

AE : Selon le FMI, à la fin septembre 2020, le Gabon avait déengagé 300 millions$ pour lutter contre la Covid-19. Lefficacité a-t-elle été au rendez-vous?

NBV: Quand on a de lambition pour son pays, pour son peuple, on veut toujours faire mieux. Mais force est de constater que le Gabon sest favorablement illustré lors de cette pandémie. En Afrique, il est lun des pays qui teste le plus sa population et où le taux de létalité, cest-à-dire de mortalité causée par le virus, est le plus faible.

« Force est de constater que le Gabon s’est favorablement illustré lors de cette pandémie. En Afrique, il est l’un des pays qui teste le plus sa population et où le taux de létalité, c’est-à-dire de mortalité causée par le virus, est le plus faible.»

Les institutions internationales, membres de la task force mise en place par le Président de la République et que jai eu lhonneur de diriger, sont unanimes à ce sujet, à commencer par lOMS et les Nations Unies. A la demande du président de la République, Ali Bongo Ondimba, un effort budgétaire conséquent a été consenti pour apporter une réponse forte en matière sanitaire et sociale. Mais la clé – et cela, nous le devons au chef de lEtat – a été lanticipation. Nous nous sommes toujours efforcés davoir un coup davance sur l’épidémie.

AE : Comme partout dans le monde, on a noté la survenance dune deuxième vague de cas déclarés, mais pour le Gabon, on reste encore en deçà des pics de la période juin-juillet 2020. Aujourdhui, alors que vous avez davantage de recul, à quelle stratégie de riposte doit-on sattendre? Une réaction forte comme en 2020 ou bien des mesures plus proportionnées?

NBV: La stratégie retenue demblée par le Président de la République na pas varié depuis le début de la crise. Un, nous anticipons. Mieux vaut prévenir que guérir. Deux, nous adaptons la proportionnalité de notre réponse à la gravité de la situation épidémique. Trois, nous affectons lensemble des moyens nécessaires, que ce soit sur le plan budgétaire ou sanitaire. Cette stratégie, qui a montré son efficacité durant la première vague en mars dernier, est utilisée actuellement pour faire face à la deuxième. Pour répondre à votre question, la riposte lors de cette seconde vague sera aussi forte que nécessaire mais toujours proportionnée à la gravité de la situation.

AE : Cette deuxième vague survient, alors que le président Ali Bongo Ondimba a annoncé un vaste plan de relance de l’économie nationale. À quoi les Gabonais doivent-ils concrètement sattendre dans les jours à venir, surtout ceux pour qui la survenue de la Covid-19 est allée de pair avec une baisse, et parfois même une interruption totale, de leurs activités?

NBV: Le Plan dAccélération de la Transformation 2021-2023 est un point dinflexion dans la mise en œuvre du Plan Stratégique Gabon Emergent, lancé en 2009 par le Président de la République Ali Bongo Ondimba au début de son premier mandat. Si les filières devant constituer les nouveaux piliers de notre économie, au premier rang desquelles le secteur forêt-bois et lagro-industrie, ont connu une croissance constante et à deux chiffres ces dix dernières années, elles noccupent pas encore un poids suffisamment significatif dans notre PIB, ce qui nous rend toujours vulnérables aux aléas des cours des matières premières, pétrolières et minières, à linternational.

2 loin« Nous sommes en bonne voie. Il nous faut simplement aller plus loin et plus vite. »

Nous allons donc lancer des réformes radicales de consolidation de notre amont forestier, pour avoir moins dopérateurs, mais des opérateurs mieux capitalisés, qui respectent les règles nationales et les certifications internationales, et augmentent significativement le volume annuel de bois exploitable par notre tissu industriel de deuxième et troisième transformations. Nous comptons également démarrer des plantations de forêts sur des essences de bois à croissance rapide, dans des zones peu ou pas boisées naturellement, toujours dans cette optique daugmenter significativement notre production annuelle de bois, sans nuire à l’équilibre de la biodiversité de notre forêt naturelle. Le Président de la République prend aujourdhui les décisions qui impacteront nos compatriotes dans le futur. Il agit en homme dEtat.

Pour ce qui est des mesures datténuation des impacts socio-économiques du ralentissement économique lié à la deuxième vague de la COVID-19, nous nous tenons prêts à réactiver différents leviers utilisés lors de la première vague, comme un moratoire sur certains impôts, un moratoire sur les loyers des ménages à plus faibles revenus, la gratuité temporaire de leau et de l’électricité pour les ménages modestes, ou encore la gratuité des transports publics urbains.

AE : Vous avez récemment mené un audit de la dette intérieure du Gabon, une initiative qui a fait école dans des pays voisins comme au Cameroun. Quel est le bilan de cette opération? Et au-delà de largent économisé, quel impact cela a-t-il eu sur la manière dont est désormais gérée la commande publique dans le pays?

NBV: En période de crise, lexigence de bonne gestion de largent public doit être maximale. Cest pourquoi le Président Ali Bongo Ondimba a ordonné la mise en place d’une task force en juin dernier afin de conduire un audit sur lensemble de la dette intérieure du pays. Son résultat est sans appel. Sur les 1030 milliards de francs CFA de dette intérieure audités, 623 milliards se sont révélés fictifs, soit un ratio de 62 %. Autant dargent qui naurait pas servi à financer nos dépenses dinvestissement ou nos dépenses sociales.

« Sur les 1030 milliards de francs CFA de dette intérieure audités, 623 milliards se sont révélés fictifs, soit un ratio de 62 %. Autant d’argent qui n’aurait pas servi à financer nos dépenses d’investissement ou nos dépenses sociales.»

Bien entendu, à la demande du chef de lEtat, les conséquences ont été tirées sur le plan institutionnel puisqu'une nouvelle architecture a été mise en place pour garantir le bon usage des fonds publics avec le renforcement de la Direction générale des marchés publics ou encore la création de lAutorité Nationale de Vérification et dAudit. Les procédures en matière de commande publique ont, elles, été durcies et la transparence renforcée à toutes les étapes.

AE : Au-delà de garantir la transparence et la régularité sur les marchés publics, il y a la volonté exprimée par le président de la République de réduire la dette extérieure du pays en la ramenant en deçà de 70 % du produit intérieur brut. Quelle stratégie sera mise en place pour y parvenir?

NBV: En réalité, cest lensemble de la dette publique, cest à dire à la fois la dette intérieure et extérieure, qui s’éve aujourdhui à 70 % de notre PIB. Avant toute chose, je voudrais déplorer linstrumentalisation politique je dirais même politicienne qui est faite en ce domaine. Cest un sujet trop grave, trop engageant pour donner lieu à daussi viles polémiques. La dette nest pas mauvaise en soi, surtout quand elle sert à investir ; et la question de sa soutenabilité est plus complexe que la présentation simpliste que certains pseudos-experts en font.

Ceci posé, lobjectif fixé par le Président Ali Bongo Ondimba est clair: nous devons revenir à un niveau soutenable de notre dette publique. Aujourdhui, le remboursement de notre dette absorbe quasiment 45 % de nos ressources propres annuelles. Cest beaucoup trop ! Pour rétablir la situation, nous devons dabord corriger le déséquilibre de nos finances publiques. Il sagit du premier levier à actionner. Le cycle dendettement est alimenté principalement par le fait que nos dépenses courantes sont supérieures à nos ressources propres. Conséquence: nous devons emprunter pour financer ce déficit, ce qui crée un cercle vicieux. Le Plan dAccélération de la Transformation 2021-2023, adopté en début dannée, prévoit des mesures rigoureuses damélioration de la collecte des recettes publiques, de maîtrise de certaines dépenses comme la masse salariale des agents de l’Etat, le service de la dette avec des rééchelonnements de paiement ou encore la réduction ou la suppression de subventions accordées à certaines agences publiques qui nont pas prouvé leur efficacité ou qui doivent apprendre à fonctionner de manière autonome.

Deuxième levier, laccélération de notre croissance. Si nous réussissons les réformes de nos filières à fort potentiel qui peuvent puissamment contribuer à la diversification de notre économie, mécaniquement, notre taux dendettement sur PIB se réduira. Le meilleur moyen de réduire la dette, cest davoir une croissance solide qui gére plus de rentrées fiscales. Doù la nécessité dintensifier la politique de diversification économique, de promotion du secteur privé et dattraction des investissements.

« Le meilleur moyen de réduire la dette, c’est d’avoir une croissance solide qui génère plus de rentrées fiscales »

Enfin, troisième levier à actionner, nous nexcluons pas totalement la cession de certains actifs pour rembourser notre dette. Le Gabon possède certains actifs dormants insuffisamment valorisés. Je pense notamment aux crédits carbones que nous pourrions émettre et vendre à des entreprises ou Etats qui polluent et souhaitent compenser leur impact environnemental. Le Gabon a désigné un accord financier avant-gardiste en ce sens avec la Norvège. Nous étudions par ailleurs dautres possibilités de partenariats et de valorisation de ces crédits carbones, qui pourraient être une manière intelligente pour nous de mobiliser des ressources financières tout en restant engagés dans une trajectoire durable de valorisation de nos écosystèmes et de préservation de notre biodiversité. En ce domaine, des avancées importantes devraient être réalisées par le Gabon dès 2021.

AE : Vous travaillez au quotidien à assainir la dépense publique. Mais au sein de lopinion, et malgré le classement sans suite par la justice gabonaise dune plainte de la société civile qui vous accusait de corruption et de blanchiment dargent, certains continuent de penser que vous profitez de votre position pour vous enrichir et enrichir vos proches

NBV: Si la Justice a classé sans suite la plainte dont vous parlez, cest pour une raison importante quil convient de rappeler: aucun des plaignants, tous militants de laile la plus radicale de lopposition, na été capable de produire la moindre preuve à lappui de ces allégations. C’était de la pure diffamation. Cest dailleurs le but de ce genre de procédé : salir la réputation dune personne pour la déstabiliser. Comme disait Francis Bacon, « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose».

Mais je ne suis pas homme à vaciller. Les rumeurs mimportent peu. Je me concentre sur mon travail au service du Gabon aux côtés du Président de la République. Je nai pas de temps à perdre avec ce type denfantillages.

AE : Comprenez-vous le questionnement de ceux qui voient sapprocher du sommet de lEtat une troisième génération de Bongo?

NBV: Je suis fier du nom que je porte et je sais que les Gabonaises et les Gabonais me jugeront sur les résultats, sur les améliorations significatives apportées à leur quotidien et non sur un délit de patronyme que certains, en manque darguments, agitent de manière pavlovienne.

« L’écrasante majorité des Gabonais se lèvent le matin en pensant emploi, pouvoir d’achat, eau, électricité, éducation, santé, transport, logement… Ce sont ces questions qui me préoccupent. Le reste m’importe peu. C’est du bavardage sans intérêt.»

Pour vous dire le fond de ma pensée, « ceux » dont vous parlez sont en réalité des responsables politiques, des commentateurs dans les médias ou des activistes sur les réseaux sociaux. Ils représentent une infime minorité. L’écrasante majorité des Gabonais se lèvent le matin en pensant emploi, pouvoir dachat, eau, électricité, éducation, santé, transport, logementCe sont ces questions qui me préoccupent. Le reste m’importe peu. Cest du bavardage sans intérêt.

AE : Compte tenu des ambitions que lon vous prête, vous êtes la cible dattaques redoublées. Après vous avoir accusé denrichissement illicite, vous avez été mis en cause récemment en raison de votre nationalité. Certains soutiennent que vous ne seriez pas Gabonais.

NBV: La multiplication des « fakes news » est un fléau qui touche tous les pays du monde et qui n’épargne hélas personne. Ce phénomène est exacerbé par les réseaux sociaux qui sont, loin de leur ambition originelle, en partie devenus un déversoir de haine et de mensonges. La répétition de contre-vérités amène aujourdhui les internautes à croire quasi-religieusement ce qui sy dit. Or, ces fausses nouvelles distillées dans le monde virtuel ont parfois des impacts dramatiques dans la vie réelle. En janvier 2020, deux de nos compatriotes sont morts, lynchés par la foule, à cause de rumeurs sur une vague denlèvements denfants, imaginaire.

Il faut savoir dire stop à ces dérives. Cest pourquoi, en ce qui me concerne, je mets un point dhonneur à porter plainte contre les auteurs daccusations fantaisistes et mensongères. Tout comme la justice ma donné raison dans laffaire des fausses accusations denrichissement illicite, elle me donnera raison sur les mensonges colportés sur ma nationalité. Ce procédé ne leurre dailleurs personne. Il est très fréquemment employé par ceux qui sont vos opposants politiques, en Afrique comme ailleurs dans le monde. Même Barack Obama en a été victime.

AE : Vous avez fait partie de l’équipe dirigeante dOlam qui est devenue une entreprise stratégique pour le développement du Gabon. Quelle relation avez-vous gardé avec votre ancien employeur? Comment faites-vous la part des choses dans vos nouveaux rapports? En particulier, comment évitez-vous les potentiels conflits dintérêt ?

NBV: Olam est un acteur important au Gabon. Il sagit du premier employeur privé du pays et sa contribution à la diversification de l’économie nest plus à démontrer. Jai conservé dexcellentes relations avec le management de lentreprise. En particulier avec Gagan Gupta qui est un grand dirigeant de classe internationale et pour lequel jai beaucoup destime.

3 experience« L’expérience acquise dans le secteur privé m’est aujourd’hui très utile pour rendre plus efficace la conduite de l’action publique.»

Cela dit, cette période de ma vie est derrière moi. Il ny a donc aucun conflit dintét possible pour répondre à votre question. Désormais, je suis tout entier dédié au service de lEtat. Les seuls intéts que je défends, ce sont ceux du Gabon et des Gabonais. Jai eu loccasion de le démontrer à de nombreuses reprises durant lannée écoulée.

Lexpérience acquise dans le secteur privé mest aujourdhui très utile pour rendre plus efficace la conduite de l’action publique. Je veille à promouvoir certaines pratiques propres à lentreprise dans mes nouvelles fonctions, quil sagisse de laudit, du retour sur investissement, du reporting, de l’évaluation etc.

AE : Le Gabon souhaite sappuyer sur la Zone de libre-échange continentale africaine pour booster ses exportations à destination de lAfrique et soigner sa balance commerciale. Dans quels secteurs, selon vous, le Gabon peut-il être compétitif en matière dexportation?

NBV: Nous misons beaucoup sur notre industrie du bois. Le Gabon est déle premier exportateur de contreplaqués dAfrique. Aujourdhui, 80 % des usines de la filière bois implantées au Gabon font de la première transformation, cest-à-dire du découpage des grumes, à faible valeur ajoutée. Notre ambition est davoir une masse critique dusines de deuxième et de troisième transformations, pour devenir à terme le premier producteur de meubles en bois tropicaux dAfrique. Or, notre marché national ne sera pas capable dabsorber une telle offre ; cest pour cela que la ZlecaF est aussi stratégique pour nous, en nous donnant accès à plus dun milliard de consommateurs sans barrières tarifaires. Pour y parvenir, il est nécessaire daméliorer notre plateforme logistique et ainsi tirer pleinement profit de ce potentiel.

Nous avons également des ambitions en matière dagro-industrie, en particulier dans les produits dérivés de lhuile de palme comme l’huile alimentaire ou les biocarburants, ainsi que dans la filière café-cacao pour laquelle nous espérons vendre des produits finis à linternational, et dans les produits dérivés du manioc. 

AE: La CEDEAO a entamé un processus de création dune monnaie commune, affranchie du franc CFA. LAfrique centrale devra-t-elle, selon vous, suivre le même chemin?

NBV: Les Chefs de lEtat de la zone CEMAC ont mandaté la Commission de la CEMAC ainsi que la Banque des Etats de lAfrique Centrale (BEAC) pour mener une réflexion sur les axes de réforme de la gestion de notre monnaie commune. Les premières conclusions intermédiaires ont été rendues, qui doivent faire lobjet de discussions supplémentaires.

Parmi les éléments supplémentaires à considérer, figure le processus de rapprochement institutionnel entre la CEMAC et la CEEAC, enclenché par le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba quand il était président en exercice de la CEEAC.

« La réflexion que nous devons mener en Afrique centrale dépasse largement le lien avec la France. Nous devons bâtir une monnaie du XXIème siècle. Nous focaliser sur des combats du XXème siècle risque de nous faire perdre de vue les vrais enjeux auxquels nous faisons face.»

Le renforcement de lintégration économique avec des pays comme la République Démocratique du Congo, lAngola ou le Rwanda, doit fixer comme point dancrage futur une intégration monétaire. Il importe de préciser toutefois les préalables à une telle intégration, et surtout la logique économique du nouvel ensemble, mais aussi les relations économiques, monétaires et géopolitiques de cet espace économique avec le reste du monde, ainsi que les mesures de solidarité que nous sommes prêts à prendre entre nous. Tout cela pour dire que la réflexion que nous devons mener en Afrique centrale dépasse largement le lien avec la France. Nous devons bâtir une monnaie du XXIème siècle. Nous focaliser sur des combats du XXème siècle risque de nous faire perdre de vue les vrais enjeux auxquels nous faisons face.

AE : La diversification de l’économie et lindustrialisation du pays sont des thèmes très présents dans le discours public. Quels sont vos objectifs en la matière ?

NBV: Le Président Ali Bongo Ondimba a une formule pour illustrer cette ambition. « D’ici 2030, l’or vert devra remplacer l’or noir ». Pour avoir une croissance plus soutenue, plus inclusive et plus durable, le Gabon doit davantage développer certains pans de son économie. Son industrie, afin de créer plus de valeur ajoutée localement. Son agriculture, afin que le Gabon produise davantage ce quil consomme. Mais aussi ses services, que ce soit en matière financière, de télécommunication ou de tourisme.

4 chose« Il ne s’agit pas de faire pour faire,mais de faire pour réellement, positivement et rapidement changer les choses.»

En dépit des efforts méritoires réalisés ces dix dernières années, la bonne santé économique de notre pays dépend encore beaucoup trop des fluctuations du cours international des matières premières. Nous avons besoin dune croissance plus endogène. Cest sur cette trajectoire que nous sommes engagés, comme le montre le développement de notre secteur du bois. Incontestablement, nous sommes en bonne voie. Il nous faut simplement aller plus loin et plus vite.

AE : Le Gabon est considéré comme un fer de lance sur le plan continental, en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Concrètement, comment le pays entend-t-il sy prendre pour faire de l’économie verte un relais de croissance et, peut-être, à terme un substitut à lextraction de matières premières ? Je rappelle que le pétrole continue de représenter près de 80 % des recettes budgétaires du pays.

Certes, le pétrole continue de représenter près de 80 % des recettes budgétaires du Gabon, mais je vous ferais observer que le poids du secteur pétrolier est passé de 42,2% du PIB en 2010 à 32,7 % en 2019.

Cela dit, vous avez raison de rappeler que le Gabon est, en Afrique, le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique. Cela nest dailleurs pas un hasard si notre pays a été choisi pour piloter le groupe des négociateurs africains en vue de la prochaine COP 26 de Glasgow en novembre prochain, ou si le président de cette COP, M. Alok Sharma, était à Libreville fin janvier.

« En ce XXIème siècle, la conciliation de l’économie et de l’environnement n’est pas une option. C’est une obligation.»

Le Gabon est résolu à transformer son modèle économique pour le rendre plus durable et plus profitable. Le bois en est le parfait exemple. Cette industrie, qui ne cesse de monter en puissance et en valeur ajoutée, opère suivant les normes environnementales les plus strictes au niveau international. Ainsi, la ressource prélevée aujourdhui, pourra l’être à nouveau dans les années à venir, et ainsi de suite.

Quant aux autres industries, notamment pétrolière ou minière, elles doivent se conformer à une réglementation de plus en plus protectrice de la nature.

Cest une tendance mondiale à laquelle le Gabon adhère pleinement. En ce XXIème siècle, la conciliation de l’économie et de lenvironnement nest pas une option. Cest une obligation. Il en va non seulement de lavenir de notre pays, mais également de notre continent et de notre planète toute entière.

Propos recueillis par Idriss Linge

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