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Qui a peur de la tomate marocaine ?

Qui a peur de la tomate marocaine ?
  • Date de création: 21 février 2024 07:53

(Agence Ecofin) - Le 29 janvier dernier, l’Association d'organisations de producteurs nationale Tomates et Concombres de France a, dans un communiqué dénoncé la « concurrence déloyale » dont faisait preuve les exportateurs marocains sur le marché de la tomate. Il s’agit du dernier cri d’alerte en date des producteurs français et plus largement d’acteurs européens contre le produit horticole marocain. Décryptage.

1.      Que reprochent les acteurs français au produit marocain ?

Pour l’essentiel, la filière française pointe du doigt l’abondance de tomates marocaines dans les assiettes des consommateurs européens. Les organisations de producteurs indiquent ainsi que sur les 570 000 tonnes importées par la France en 2022, près de 75% provenaient du Maroc, soit 425 000 tonnes. Un chiffre en hausse par rapport au stock envoyé un an plus tôt (394 740 tonnes et + 27 % en valeur). 

tomate copy

D’après les acteurs, cette situation est le résultat d’un différentiel de prix important avec la tomate marocaine qui jouit d’un coût de production bas, tiré d’abord par le faible coût de la main d’œuvre. Selon l’Association d’organisations de Producteurs Tomates et Concombres de France, l’employeur au Maroc paie ainsi les travailleurs 98 centimes d’euro de l’heure contre plus de 12 euros en France. 

A ce coût bas, le groupement ajoute le manque de lisibilité de « l’origine Maroc » sur les étals français. En effet soulignent-ils, les produits importés depuis le Royaume chérifien ne sont pas clairement identifiables par consommateurs, ce qui ne les incite pas à faire un choix en faveur des produits français.

Sur un autre plan, l’organisation pointe du doigt une « aberration environnementale » au Maroc dans le cadre de la production du légume. « Le développement de l’irrigation dans le cadre du Plan Maroc vert a largement contribué à la surexploitation de la plupart des ressources en eaux souterraines et à la baisse alarmante des niveaux de plusieurs nappes, ainsi qu’à la dégradation de la qualité de l’eau », explique-t-elle.

D’un point de vue règlementaire, les acteurs français dénoncent les résolutions de l’Accord UE-Maroc de 2012 sur les mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles et de produits de la pêche. Avec cette facilité commerciale, les tomates marocaines sont désormais limitées à un volume à 285 000 tonnes (contre 185 000 tonnes dans le précédent accord) sans droits de douane entre octobre et mai et au-delà de ce contingent, des taxes s’appliquent. 

En dehors de cette période, les tomates marocaines bénéficient d’une réduction de 60 % des droits de juin à septembre sans quotas à condition que le prix de vente ne soit pas inférieur à celui de l’OMC.

Si à l’origine, ces dispositions prévoient également que les tomates marocaines soient soumises à un prix d’entrée conventionnel de 0,461€/kg entre chaque 1er octobre et 31 mai afin de protéger la filière locale, Tomates et Concombre souligne que ce prix minimal calculé sur la base de la valeur forfaitaire à l’importation (VFI) n’a pas été actualisé depuis 2014 et ne tient pas compte de la stratégie exportatrice marocaine désormais caractérisée par une offre importante en tomates cerises à forte valeur ajoutée.

D’après l’organisation, cette absence de révision du prix depuis bientôt 10 ans couplé à la réduction de droits de douane sur les volumes importants ne permettent pas de protéger le marché français face à la « concurrence déloyale » marocaine.

2.      Quelles sont les réponses des exportateurs marocains ?

Face aux critiques françaises, la réaction de la filière marocaine reste pour l’heure mesurée. Interrogé par le quotidien marocain le360, Lahoucine Adardour, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation des fruits et légumes (FIFEL) balaie l’argument de « l’aberration environnementale » et met en avant la qualité de la tomate marocaine.

« Le produit marocain est soumis au contrôle de deux entités : d’une part, l’ONSSA concernant la traçabilité et, d’autre part, Morocco Foodex s’agissant de la qualité. Le produit marocain a gagné la confiance du consommateur français. En plus du différentiel des prix [la tomate cerise française est 2,4 fois plus chère que la marocaine, Ndlr], c’est surtout le goût du produit marocain qui fait la différence », explique-t-il.

De son côté, Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER), indique que les acteurs marocains s’attèlent à respecter les règles commerciales.  « Les quotas fixés par l’accord de libre-échange avec l’UE sont minutieusement respectés. Les quantités exportées en dehors de ces quotas sont soumises à des tarifs spécifiques que nous appliquons à la lettre », indique-t-il.

D’autres sources proches de la filière qui se sont confiées au journal Le Monde indiquent que le pays, 3e exportateur mondial ne fait que répondre à une demande réelle du marché français. En effet, la France est le second importateur de tomates fraîches de l’UE et 3e au plan mondial derrière les USA et l’Allemagne. En outre, 36 % des volumes annuels de tomates fraîches consommées dans le pays sont importées.

« Quand la production des tomates commence en Europe, les prix OMC sont très élevés. Si un producteur marocain parvient à les atteindre et à payer des droits de douane, c’est donc que la demande est forte et que l’offre est faible. », souligne un producteur marocain.

« Au lieu de faire la guerre contre un importateur X ou Y, ils devraient s’attaquer à la différence des prix entre celui donné au producteur et celui facturé au consommateur. Les vrais responsables sont les grandes surfaces, pas nous », appuie, un porte-parole des producteurs de la région d’Agadir.

D’autres observateurs de la filière indiquent que le Maroc n’est pas le seul pays qui fait de l’ombre à la filière française. S’il est vrai que la France est de loin son premier client avec près de 50 % des exportations, un rapport sénatorial publié en septembre 2022 indique ainsi que les importations en pleine saison de production proviennent aussi de la Belgique et des Pays-Bas.

« Le positionnement compétitivité de la France s’est dégradé sur 10 ans notamment sur les références phares que sont les tomates cerises et les tomates cocktails. La Belgique et les Pays-Bas présentent des offres bien plus compétitives, tout comme le Maroc », souligne le document.

3.      Les producteurs français sont-ils les seuls qui protestent dans l’UE ?

La France n’est pas le seul pays européen où la colère monte contre la tomate marocaine. L’Espagne, premier producteur de tomates fraîches pour la consommation de l’UE est aussi particulièrement mobilisé à côté d’autres pays comme le Portugal et l’Italie.

Dans le pays où la filière est en crise avec la hausse de l’énergie et la baisse des superficies cultivées, la tomate marocaine est notamment accusée d’être l’origine d’une concurrence déloyale et de la baisse de la compétitivité du produit espagnol.

Dans un communiqué datant de début janvier, la coordination des organisations des agriculteurs et des éleveurs (COAG) s’est ainsi insurgé contre la forte hausse des ventes marocaines dans l’UE qui sont passées d’environ 345 500 en 2014 à 557 605 tonnes à 2022, soit 70 % des achats européens en provenance des pays tiers.

Pendant ce temps, sur la même période, les producteurs indiquent que les envois espagnols ont fondu de près de moitié sur le marché communautaire à seulement 70 800 tonnes. D’un autre côté, les acteurs espagnols indiquent que la production marocaine est « fortement subventionnée ».

« Le gouvernement marocain pousse à une production intensive de tomates, en plus des oignons et des pommes de terre. Tout cela, grâce à des subventions qui couvrent entre 50 et 70 % de sa valeur, avec un soutien allant de 3600 à 6300 euros par hectare cultivé. Ce n’est pas tout, le Maroc subventionne également les engrais à hauteur de 200 millions d'euros et les exportations », indique-t-elle.

4.      Comment la colère se manifeste contre la tomate marocaine et quelles sont les attentes des producteurs européens ?

Face à ce qu’ils perçoivent comme « une invasion de la tomate marocaine », les organisations de producteurs ont déjà mené plusieurs actions sur le terrain. En juin 2023, plusieurs médias français ont ainsi rapporté l’irruption des producteurs à Arles dans les Bouches-du-Rhône dans un magasin E. Leclerc pour coller des étiquettes "Origine Maroc" sur des « barquettes de tomates cerises vendues 95 centimes ». But de l’opération : « attirer l’attention du consommateur qui plébiscite plutôt les produits français ». Plus récemment en début d’année dans le sillage de la grève des agriculteurs, M. Benali indique que les producteurs agricoles marocains dont la tomate ont été la cible des manifestants après leur livraison aux clients français notamment au niveau du marché de Perpignan.

S’agissant des revendications des producteurs européens, la Fédération espagnole des associations d’exportateurs de fruits, légumes, fleurs et plantes vivantes (Fepex) a demandé à la Commission européenne une aide extraordinaire pouvant aller jusqu’à 10 % de la valeur de la production de tomates commercialisées pour compenser le préjudice causé par « le laxisme dans l’application des clauses de coopération et de sauvegarde de l’Accord d’association de l’UE avec le Maroc ». En France, les producteurs plaident pour une modification du mode de calcul de la VFI et une indexation du prix d’entrée de 0,46 €/kg défini en 2000 sur l’inflation.  A cela s’ajoute la demande d’un meilleur étiquetage des produits. L’Association Tomates Concombres de France a ainsi requis l’impression du drapeau du pays producteur pour bien identifier l’origine sur emballage et une inscription du pays d’origine avec un caractère minimum de 15 mm.

D’après le groupe, un affichage visible reste un véritable enjeu dans la mesure où une étude commanditée en 2022, montre que 79 % des acheteurs jugent l’origine importante dans leurs achats de tomates cerises après l’aspect et le prix.

5.      Les contestations peuvent-ils impacter les ventes marocaines vers l’UE en 2024?

Pour l’heure, les acteurs marocains indiquent que les manifestations n’ont pas encore eu d’effet sur le commerce agricole avec les pays de l’UE. « D’après les informations recueillies auprès de l’établissement de contrôle et de coordination des exportations Morocco Foodex, le rythme des exportations de produits agricoles vers l’Europe suit son cours habituel », indiquait Lahoucine Adardour au début du mois de février. Si la colère des agriculteurs européens reste vive, les préoccupations des acteurs marocains concernent plutôt le mauvais temps qui pourrait impacter les ventes vers le marché communautaire.

En effet, le pays où le secteur agricole consomme près de 85 % des ressources en eau est classé parmi les nations à « stress hydrique élevé » et subit sa 6e année de sécheresse consécutive en 2024.  En décembre dernier, la FIFEL a indiqué que la production de tomates devrait chuter entre 20 et 30 % en 2023/2024 avec notamment les ravages occasionnés par le virus du fruit rugueux brun de la tomate (ToBRFV) dans les zones de cultures et les épisodes de canicules.

Les vagues de chaleur ont notamment conduit à la mi-janvier, à un taux moyen de remplissage des barrages marocains de 23,2 %, contre 31,5 % l'année précédente. Dans certaines zones agricoles clés, l’utilisation de l'eau des barrages pour l’irrigation a été réduite. Au total, la superficie irriguée par les barrages a été fixé à 400 000 hectares cette année contre 750 000 hectares un an plus tôt. Ces différents facteurs à l’interne devraient contribuer à limiter la croissance des exportations marocaines de tomates cette année.

Espoir Olodo


 
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