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Akere Muna : « Investir dans l’ALSF est essentiel pour protéger et valoriser les richesses des pays africains »

Akere Muna : « Investir dans l’ALSF est essentiel pour protéger et valoriser les richesses des pays africains »
  • Date de création: 24 mai 2024 16:12

(Agence Ecofin) - Récemment nommé Ambassadeur de bonne volonté de la Facilité africaine de soutien juridique (en anglais, African Legal Support Facility – ALSF), Akere Muna est une figure de proue dans la lutte contre la corruption en Afrique. Avocat aux barreaux de Londres et du Cameroun, il a marqué de son empreinte des initiatives continentales significatives, comme la fondation de Transparency International Cameroun. Désormais, il se consacre à la diplomatie juridique aux côtés de l’ALSF, une organisation internationale hébergée par la Banque Africaine de Développement qui vise à stimuler les réformes régionales et renforcer la coopération interafricaine. Dans cet entretien, M. Muna partage ses objectifs en tant qu'ambassadeur, les défis à relever et ses stratégies pour faire avancer les missions de l'ALSF.

Pourriez-vous nous présenter brièvement votre parcours ?

Akere Muna : Avocat de profession, je suis inscrit au barreau de Londres depuis 1978 et au barreau du Cameroun depuis 1982, année de mon retour dans mon pays natal. Avec mon frère Bernard, avocat depuis 1966 et compagnon de mes années d'école, nous avons fondé notre propre cabinet, qui a prospéré jusqu'à son décès en 2019. Notre engagement dans la politique est presque une tradition familiale : notre père, Solomon Tandemouna, a occupé successivement les fonctions de Premier ministre du Cameroun occidental, vice-président de la République fédérale et président de l'Assemblée nationale jusqu'à sa retraite.

En plus de ma carrière juridique, j'ai embrassé la lutte contre la corruption, devenant ainsi bâtonnier, quelques années après Bernard, puis fondateur de Transparency International Cameroun. J'ai aussi coordonné les sections africaines de cette organisation avant de siéger neuf ans comme vice-président de Transparency International à Berlin, et enfin, devenir président du Conseil International Anti-Corruption. Ce rôle m'a conduit à organiser des rencontres biennales rassemblant près de 2000 délégués des secteurs public, privé et de la société civile. La dernière s'est tenue à Washington il y a deux ans et la prochaine est prévue cette année.

Mon engagement ne s'arrête pas là. J'ai été le premier commissaire aux sanctions de la Banque Africaine de Développement et membre, puis président, du panel de haut niveau du mécanisme africain d'évaluation par les pairs, une initiative lancée par le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi. Par ailleurs, après les scandales au sein de la Fédération Internationale d'Athlétisme, Sebastian Coe m'a confié la présidence de la toute première commission d'intégrité, chargée de réexaminer les candidatures des membres élus.

Sur le terrain, je conseille de nombreux gouvernements africains en matière d'anticorruption et d'intégrité, y compris le Togo et, pour les Nations Unies, la République Démocratique du Congo.

Depuis peu, vous avez été nommé Ambassadeur de Bonne Volonté de la Facilité africaine de soutien juridique. Quelle est la nature de votre mission et en quoi cette fonction contribue-t-elle aux objectifs de l'ALSF sur le continent ?

Akere Muna : Tout d'abord, il est important de souligner que ce rôle est bénévole, entièrement pro bono. Ma mission s'articule autour de trois piliers fondamentaux : d'abord, la promotion des actions menées par l’ALSF ; ensuite, une contribution active à ses initiatives ; et enfin, un engagement dans la mobilisation de ressources. Ces trois axes définissent l'essence de mon travail en tant qu'ambassadeur.

En tant qu'avocat et militant anti-corruption de longue date, en quoi pensez-vous que cette expérience influence votre nouveau rôle au sein de la Facilité africaine de soutien juridique ?

Akere Muna : Effectivement, depuis un quart de siècle, la lutte contre la corruption occupe le centre de mes préoccupations. Au fil des ans, mon travail a consisté à renforcer les dispositifs anti-corruption, à garantir la transparence dans les marchés publics, et à élaborer des réglementations rigoureuses. C'est au cours de cette période que j'ai pris conscience du problème des fonds vautours. Ces entités ou individus acquièrent des dettes à des prix dérisoires pour ensuite les récupérer via des procédures judiciaires, réalisant parfois des profits allant jusqu'à 300 % du montant initial. Le lien entre ces pratiques et la corruption est indéniable, notamment dans les pays pauvres très endettés (PPTE), où les conditions de création et de cession de ces dettes sont souvent entachées de corruption.

C'est cette expertise qui m'a valu d'être élu pour la première fois en Tunisie lors d'une conférence organisée par la Banque Africaine de Développement pour débattre de la capacité juridique en Afrique et de la nécessité de combattre les fonds vautours. Cela a mené à la création d'une facilité dédiée à assister les pays africains dans ce domaine. La Facilité a accompli un travail remarquable, comme en témoigne le manuel récemment publié qui expose les liens entre fonds vautours et dettes souveraines.

Autrefois, il suffisait d'avoir un parent au pouvoir pour accéder à des dettes garanties par l'État. Ces pratiques ont entraîné des conséquences désastreuses, rendant presque impossible aujourd'hui l'obtention de telles garanties dans de nombreux pays africains. C'est un domaine où j'ai accumulé une expérience significative, et je suis convaincu de pouvoir apporter une contribution précieuse à la Facilité.

Pourriez-vous nous indiquer les secteurs prioritaires sur lesquels vous comptez concentrer votre action en tant qu'Ambassadeur de Bonne Volonté ?

Akere Muna : Les défis majeurs auxquels je souhaite m'attaquer concernent principalement la mobilisation des ressources et la sensibilisation des nations africaines aux avantages qu'offre l’ALSF. Il est essentiel de communiquer efficacement sur l'importance de cette organisation, qui joue un rôle crucial dans l'égalisation des conditions juridiques entre les pays africains et leurs contreparties.. Ce n'est qu'en comprenant et en valorisant la portée de l’ALSF que les pays pourront pleinement tirer profit de ses services pour défendre leurs intérêts légitimes et renforcer leur souveraineté juridique.

Quels défis anticipez-vous dans votre mission et quelles stratégies envisagez-vous pour les surmonter ?

Akere Muna : La générosité internationale nous a habitués, nous Africains, à recevoir des dons pour des besoins essentiels. Cette habitude a malheureusement instauré une certaine passivité dans la protection de nos droits fondamentaux. C’est là que la Facilité africaine de soutien juridique joue un rôle crucial. Elle vise à transformer cette mentalité en incitant les dirigeants à investir activement dans la sauvegarde de leurs droits, au-delà de la simple attente d'aide financière 'gratuite'.

Je fais partie du groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites d'Afrique, dirigé par l'ex-président Thabo Mbeki depuis 2014. Le rapport que nous avons publié en 2015, et qui a été approuvé par l'Assemblée générale des chefs d'État de l'Union africaine, révèle une réalité frappante : l'aide que nous recevons de l'Europe ne représente que deux tiers de ce que nous perdons à cause des flux financiers illicites. Autrement dit, en endiguant ces flux, l'Afrique pourrait se passer de toute aide extérieure. Cette prise de conscience est en train de se diffuser parmi les ministres des Finances africains, qui affirment désormais notre capacité à financer nos propres ambitions.

Nous possédons les ressources naturelles les plus convoitées du monde, notamment en ce qui concerne les minéraux stratégiques essentiels à l'ère de la transition écologique et énergétique. La République Démocratique du Congo et d'autres pays africains regorgent de ces ressources exceptionnelles. Il est temps de capitaliser sur nos propres forces. Investir dans l’ALSF, c'est se doter d'un bouclier juridique robuste, essentiel pour la protection et la valorisation de ces richesses.

Concrètement, quelles initiatives envisagez-vous de promouvoir pour inciter les pays à s'engager activement auprès de l'ALSF, notamment dans les programmes de renforcement des capacités ?

Akere Muna : D'abord, en tant qu'agent libre, je ne suis pas entravé par la bureaucratie souvent associée aux fonctionnaires de la Facilité. Cela me donne une certaine liberté pour dialoguer directement et efficacement avec les décideurs. Prenons l'exemple du Sénégal, qui envisage d'annuler certaines concessions minières pour irrégularités. C'est précisément ce type de volonté politique que je souhaite soutenir, en expliquant clairement les bénéfices de collaborer avec la Facilité.

L’ALSF a déjà collaboré avec 49 des 54 pays de l'Union africaine, en investissant plus de 150 millions de dollars. Fort de mon expérience en tant qu'ancien président du Conseil économique et social de l'Union africaine, je compte utiliser mes connaissances et mon réseau pour renforcer et étendre l'influence de l’ALSF. Bien sûr, ce ne sera pas sans défis, mais en partenariat avec l’ALSF, nous devons convaincre les pays que les enjeux juridiques liés à la finance internationale sont désormais cruciaux.

Concernant l'amélioration de la capacité juridique des pays membres dans le domaine des partenariats public-privé, quelle approche adopterez-vous ?

Akere Muna : Lors de ma présidence de l'Union panafricaine des avocats, j'ai eu ma première interaction avec l’ALSF, qui a financé la formation des avocats dans les cinq régions de l'Afrique à hauteur d'un million de dollars. Cela illustre bien l'importance accordée à la capacité juridique dès le départ. Les partenariats public-privé (PPP), secteur à la mode mais complexe, requièrent une compétence juridique approfondie. Un ami décrivait les PPP comme un Rubik’s Cube juridique à assembler les yeux fermés. Nombre de pays africains s'y engagent sans une vision claire, souvent avec des processus initiaux viciés.

La corruption, souvent présente dans ces accords, nécessite une vigilance accrue. À cet égard, la Commission des Nations Unies pour l'Europe a adopté une position de tolérance zéro envers la corruption dans les PPP, une norme que nous devons promouvoir. Au Sénégal, par exemple, certains partenariats sont revus parce qu'ils sont considérés comme inéquitables. Mon rôle consistera à renforcer les capacités juridiques nécessaires pour garantir que les ressources naturelles, qui appartiennent au peuple, soient protégées et valorisées de manière équitable.

En tant qu'Ambassadeur de Bonne Volonté, quelle approche de la diplomatie juridique envisagez-vous pour influencer les réformes régionales et renforcer la coopération ?

Akere Muna : L'outil à ma disposition est avant tout diplomatique, fondé sur la confiance et la discrétion. Il s'agit pour moi d'une véritable conversion, passant d'un rôle de dénonciateur actif dans le milieu de la société civile anti-corruption à celui de médiateur. Plutôt que de pointer du doigt, je m'efforcerai d'initier des dialogues avec les pays concernés pour leur faire comprendre qu'ils disposent d'un soutien structuré pour surmonter leurs défis, notamment grâce à la Facilité africaine de soutien juridique. Cela représente un changement significatif pour moi, habitué à l'action directe contre la corruption.

Un dernier mot ?

Akere Muna : Merci de m'avoir donné l'opportunité de discuter de ces questions importantes. Ma mission avec la Facilité est primordiale. L’ALSF excelle dans la capacité d'analyse et a récemment publié un manuel, lancé à Washington lors des réunions de printemps de la Banque mondiale. Au fil de ses 14 années d'existence, elle a développé une expertise impressionnante, notamment en ce qui concerne les relations entre les fonds vautours et les dettes souveraines. Je m'engage dans cette nouvelle mission avec une stratégie de persuasion plutôt que de dénonciation. À mon âge, je suis convaincu de pouvoir contribuer efficacement à cette cause, et j'espère inspirer d'autres ambassadeurs à se joindre à moi pour le bien de notre continent.


 
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