(Agence Ecofin) - La Commission de l’Union européenne a surpris les marchés avec le succès de ses obligations covid-19. L’Afrique qui a connu une expérience analogue, mais de petite ampleur avec la BAD pourrait tirer des leçons pour un vrai plan de financement régional post-pandémie.
Le succès des premières obligations émises par la Commission de l'Union européenne pour venir en aide aux Etats membres de cette région dépasse de très loin les prévisions des analystes.
Sur 17 milliards d'euros sollicités, le carnet des ordres des investisseurs a atteint les 233 milliards d'euros. Les titres émis portent une maturité de 10 et 20 ans.
« Je m'attendais à des ordres d'achat à trois chiffres, mais pas à ce point », a déclaré à Bloomberg Television, Jan von Gerich, directeur de la stratégie chez Nordea Bank. « Ces obligations étaient clairement attendues avec impatience, et ces émissions ne font que renforcer l'idée qu'il y a une énorme demande d'obligations en ce moment », a-t-il ajouté.
Ces obligations sont émises au profit d'une région, dont la croissance devrait être en baisse de 7,5% en 2020, selon les prévisions ajustées du Fonds monétaire international (FMI) de ce mois d’octobre. Pourtant, les investisseurs ont accepté de donner leur argent contre des taux négatifs. Selon un responsable de marché chez BNP Paribas cité par les médias, la réserve de cash disponible pour cette initiative de l'UE est bien plus importante.
La Commission de l'Union européenne n'est pourtant pas la première organisation supranationale à émettre des obligations covid-19. La Banque africaine de développement (BAD) a bien avant elle mobilisé avec succès 3 milliards $ sur les marchés des capitaux pour aider ses pays membres à faire face à certaines des conséquences de la pandémie.
La question d'une opération analogue de l'ampleur de celle de l'Union européenne en Afrique reste posée. Contrairement à la zone euro, le continent africain est faiblement endetté lorsqu'on aborde la question en termes de PIB (54% en moyenne), de stock et par habitant.
Aussi, avant la pandémie, la région était à des niveaux de croissance records de plusieurs de ses économies. Or, les emprunts africains continuent d'être perçus comme risqués et font l'objet de fortes demandes en termes de primes de risques.
Le même risque subsiste sur le marché des capitaux de la zone euro, avec des pays comme l'Italie, l'Espagne et même la France en situation de surendettement. Mais la Commission européenne bénéficie d'un soutien fort de la Banque centrale européenne. Celle-ci est prête à racheter les titres aux investisseurs, en cas de difficulté de remboursement.
Sur un tout autre contexte, Vera Songwe, la secrétaire exécutive de la Commission des Nations unies pour l'Afrique (CEA) a indiqué que le continent noir a besoin d'un tel appui, à savoir : une entité qui garantirait les emprunts africains avec des devises afin de minimiser les risques. Mais pour cela, il faudrait que les gouvernements de la région acceptent de faire confiance à une entité commune qui serait l'interlocuteur auprès des investisseurs, et définirait objectivement la manière dont les ressources collectées seraient réparties.
Or, même s'il existe un cadre commun de collaboration des ministres africains des Finances face à la pandémie, la gestion de leurs dettes montre bien que chaque souverain a préféré faire cavalier seul. Dans ce contexte, les rivalités entre bailleurs de fonds fragilisent les ambitions africaines visant à mobiliser les ressources pour la réponse à la covid-19, et la relance post-pandémie.
Idriss Linge
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