(Agence Ecofin) - Après une expérience au service structure des devises et des matières premières chez Standard Chartered Bank, Benjamin Huguesgère aujourd’hui des fonds totalisant 220 millions $ chez Camco. Il annonce l'obtention d'un engagement de financement de 50 millions $ du Fonds vert pour le climat (GCF) pour le Fonds REPP 2, ciblant des énergies renouvelables en Afrique.
Camco vise 250 millions USD au total, avec un focus sur le solaire, l'éolien et l'hydroélectrique. Le fonds adopte un modèle de finance mixte pour attirer d'autres investisseurs, tout en aidant les PME africaines, notamment celles dirigées par des femmes, à accéder à ces financements.
Agence Ecofin :Vous venez de recevoir un engagement de financement de 50 millions USD. C’est une somme importante, considérant que vous ciblez une enveloppe globale de 250 millions USD (que vous avez déjà presque mobilisée). Quel sentiment vous inspire cette confiance accordée par GCF, une institution qui jouit d’une réputation de crédibilité dans le choix des partenaires avec lesquels elle travaille ?
Benjamin Hugues :Nous sommes évidemment très honorés de recevoir cet engagement du GCF, le Fonds vert pour le climat. C’est depuis 2018 que Camco a commencé à travailler avec le GCF, nous sommes désormais une entité accréditée par le GCF, une accréditation que nous avons reçue il y a 2 ans. Cela nous a pris 2 ans pour débloquer cet engagement de 50 millions USD pour le fonds que nous lançons, le Fonds REPP 2. Et comme vous le disiez, nous comptons lever jusqu’à 250 millions USD au total, donc cette enveloppe de 50 millions du Fonds vert est très importante pour nous.
Agence Ecofin : Mais il semble que d’autres investisseurs se sont aussi signalés dans cette levée de fonds.J’ai cru voir des montants en prêt, d’autres en fonds propres qui ont été accordés par plusieurs partenaires. Quelles sont les autres entités qui vous soutiennent aussi dans cette initiative ?
Benjamin Hugues : Nous avons un autre engagement de l’investisseur qui était dans le premier Fonds REPP que nous gérions. Cet engagement est à hauteur de 50 millions USD, en match-funding (fonds de contrepartie) avec le GCF. Pour les autres investisseurs sur la plateforme, je ne peux pas vous donner plus d’informations à leur sujet pour l’instant, mais j’espère que je pourrai vous révéler leurs noms d’ici les 3 prochains mois.
Agence Ecofin : Vous parlez d’utiliser la ressource globale que vous allez lever pour apporter des solutions visant à réduire jusqu’à 12,7 millions de tonnes de dioxyde de carbone… Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les types d’énergies renouvelables que ciblent les fonds REPP2 ? Est-ce qu’on reste sur le même alignement que la première génération, ou est-ce que vous comptez aller plus loin au regard de la demande aujourd’hui croissante en Afrique ?
Benjamin Hugues : On va se focaliser sur les 3 principales technologies, donc évidemment le solaire, l’éolien et aussi l’hydroélectrique. Il y a encore beaucoup de capacités hydro-électriques en Afrique que nous aimerions développer.
« On va se focaliser sur les 3 principales technologies, donc évidemment le solaire, l’éolien et aussi l’hydroélectrique. Il y a encore beaucoup de capacités hydro-électriques en Afrique que nous aimerions développer. »
Ensuite, on se base sur des entreprises qui sont actives dans le développement de projets hors-réseau, connectés au réseau, et tout ce qui est hybride, entre les deux. Donc cela pourrait être différentes entreprises qui développent ces types de projets, et généralement, nous nous positionnons sur les projets de petite et moyenne envergure, donc jusqu’à 25 mégawatts pour les projets solaires par exemple. Mais toujours avec une spécialité dans les technologies solaires, éoliennes et hydro.
Agence Ecofin : Vousavez adopté le modèle en vogue de la blendedfinance (financement mixte), c’est-à-dire que vous servez d’effet de levier pour mobiliser d’autres ressources … En dehors de la confiance que vous accorde le GCF, comment travaillez-vous à améliorer l’attractivité du REPP 2 afin de continuer d’attirer de potentiels investisseurs, et quelles sont les mesures que vous mettez en place pour réduire la perception du risque qui reste parfois élevée lorsqu’il s’agit de pays situés en Afrique subsaharienne.
Benjamin Hugues : Le problème du secteur, c’est le fait que la perception des risques par les investisseurs est beaucoup trop élevée par rapport au retour sur investissement dans ces projets-là. Et donc avec le principe de la blended finance dans le fonds REPP2, ce que nous mettons en place c’est 3 tranches de capital dans la plateforme, avec une tranche qui est subordonnéeavec des retours un peu plus bas que ce que des investisseurs commerciaux demanderaient. Cette tranche-là va être prise particulièrement par le Fonds vert sur le climat, ce qui nous permet d’améliorer les ROI pour les 2e et 3e tranches.
« Cette tranche-là va être prise particulièrement par le Fonds vert sur le climat, ce qui nous permet d’améliorer les ROI pour les 2e et 3e tranches. »
On peut ensuite discuter avec des investisseurs un peu plus commerciaux dans leur approche, avec des retours plus conséquents et plus en lien avec leurs objectifs.
Agence Ecofin : Les entreprises qui vont solliciter de travailler avec vous, tout comme avec le REPP 1, auront besoin d’un certain nombre de prérequis. Il faut déjà qu’il y ait une préparation à leur niveau, et parfois ce niveau de qualification des entreprises n’est pas également réparti en Afrique. Est-ce que votre institution envisage de travailler à un level-up, à rehausser et améliorer les capacités de ces entreprises à être finalement éligibles aux opportunités que vous pourrez leur présenter ?
Benjamin Hugues : En parallèle du fonds REPP 2, nous levons en effet également une plateforme d’assistance technique que Camco gérera au même moment, pour pouvoir aider ces porteurs de projets et entrepreneurs en Afrique, avec notamment une priorité donnée aux entreprises gérées par des femmes. Nous comptons développer 30% de cette facilité d’assistance technique particulièrement pour ce type d’entreprise, mais également pour les entreprises en local ownership, qui appartiennent donc à des Africains. Tout ceci pour optimiser et préparer ces PME à obtenir du financement de la plateforme REPP.
Agence Ecofin :Vous parliez d’une facilité de près de 70 millions USD que le REPP 2 prévoit d’apporter aux entreprises gérées par des femmes. Pouvez-vous nous donner plus de détails ? Comment est ce que les femmes peuvent se rendre éligibles à ces ressources, et avez-vous prévu un processus spécial pour elles ?
Benjamin Hugues : Une fois que la plateforme sera lancée, dans les 6 prochains mois selon nos prévisions, on aura le site web avec une adresse spéciale et un formulaire en ligne via lesquels tout porteur de projet pourra nous contacter et nous envoyer sa Concept Note, pour nous permettre de vérifier les critères de sélectiondu projet, et par la suite de décider d’un potentiel financement. Ce que nous requérons comme critères, c’est que chaque projet financé par le REPP 2 devra notamment suivre les standards environnementaux et sociaux de la plateforme, qui sont copiés sur ceux du GCF et qui seront accessibles en ligne à tous pour vérification.
Agence Ecofin : Du point de vue de la régulation, on sait que les administrations publiques africaines ne sont pas toujours au fait des questions de finance-climat destinée au secteur privé, qui est un sujet à part entière. L’environnement légal ne permet pas toujours aux potentiels bénéficiaires de se conformer totalement aux exigences. Comment abordez-vous cette question des régulations parfois insuffisantes, mais surtout extrêmement disparates selon les pays où vous interviendrez ?
Benjamin Hugues : Premièrement, nous nous sommes engagés avec les gouvernements des pays prioritairement ciblés par le REPP 2. Nous avons déjà engagé ce dialogue avec eux, pour voir dans quelle mesure le secteur privé de chaque pays pourra accéder à nos financements. Ensuite avec l’assistance technique, nous avons aussi des mécanismes qui seront disponibles pour aider les gouvernements africains à améliorer la régulation et le cadre juridique, afin de permettre aux entreprises du secteur privé d’obtenir ce type de financement et de mettre en place leurs projets d’actifs verts.Deux mécanismes donc, le dialogue avec les États et également une assistance technique pour leur fournir quelques conseils d’amélioration de la régulation en place.
Agence Ecofin : Vous parliez de mobiliser un total de près de 786 millions USD chez des investisseurs tierces dans la 1ere phase, et près de 1,6 milliards USD, qui viendront s’ajouter à vos 250 millions USD. Mais sachant qu’il est difficile de mobiliser des ressources pour investir en Afrique subsaharienne, même pour les institutions publiques, quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour convaincre vos partenaires et surtout pour parvenir à ce montant non négligeable de ressources en parlant de l’Afrique ?
Benjamin Hugues : Avec notre expérience, nous avons déjà pu lever ce type de ressources dans les mêmes proportions avec la première plateforme, donc nous nous attendons au même schéma pour le REPP 2. D’abord, nous travaillons main dans la main avec nos partenaires que sont les banques de développement actives dans ce secteur, et aussi certaines banques locales qui se montrent très intéressées par le fait de prêter de l’argent aux entreprises actives dans le domaine.
« Nous travaillons main dans la main avec nos partenaires que sont les banques de développement actives dans ce secteur, et aussi certaines banques locales qui se montrent très intéressées par le fait de prêter de l’argent aux entreprises actives dans le domaine. »
Ces banques locales auront peut-être besoin d’un peu d’aide, d’assistance technique pour mettre en place ces financements locaux ou pour le montage du projet. En tant que gestionnaire du fonds REPP 2, Camco s’attachera à aider à réaliser ces montages et à permettre aux banques locales africaines de pouvoir financer en partie la construction des projets en parallèle des financements fournis par le REPP 2.
Entretien réalisé par Idriss Linge, transcrit par FériolBewa
Abidjan, Côte d'Ivoire. Une plateforme de mise en relation entre les entreprises allemandes et leurs homologues de l’Afrique francophone.