(Agence Ecofin) - La situation de l’Europe rappelle à bien des égards, pour les économistes, la situation du Japon dans les années 1990 et surtout la déflation prolongée que l’économie japonaise avait connu et qui a stoppé net l’empire du soleil levant dans son élan.
Le syndrome japonais
Revenons un peu en arrière ! Dans les années 1980, le Japon connaît une croissance forte qui lui a permis de devenir la troisième puissance économique mondiale et certains experts n’hésitaient pas à dire qu’il détrônera rapidement les Etats-Unis comme première puissance économique mondiale. Or, la situation va changer de manière radicale à la fin de cette décennie. En effet, le Japon, comme les autres économies développées, va entériner l’accord du Plaza entre les pays du G5 pour assurer une baisse du dollar. Cet accord aura des conséquences importantes sur les grandes puissances économiques mondiales. En effet, s’il permet à l’économie américaine de retrouver sa compétitivité, il sera à l’origine d’une hausse du yen au Japon et d’une baisse de la croissance. La Banque centrale du Japon va opérer une importante baisse du taux d’intérêt de 3 points entre 1985 et 1989 pour soutenir la croissance. Mais, cette nouvelle politique monétaire sera à l’origine d’une importante bulle immobilière qui ne tardera pas à éclater à la fin des années 1980.
Cette crise immobilière sera à l’origine d’une crise globale avec l’explosion de la dette publique qui atteindra 200% du PIB, un important endettement des ménages qui ne pouvaient plus soutenir la croissance par leur consommation et aussi d’une crise bancaire avec l’implication des grandes banques dans la crise immobilière. Il s’agit de la première grande déflation économique après celle des années 1930 et la croissance japonaise annuelle a été de 0,8% entre 1992 et 2002. Mais, cette crise a rappelé la faible efficacité des politiques économiques pour sortir des déflations aigues et toutes les politiques de relance n’ont pas eu les effets escomptés et le Japon a connu une décennie perdue.
Pour les experts, la situation européenne d’aujourd’hui rappelle par bien des aspects la situation japonaise du début des années 1990. Les pays européens ont une dette souveraine vertigineuse, les banques sont plombés par les dettes souveraines et font de la consolidation de leurs bilans leurs priorités. Les ménages sont fortement endettés et ne peuvent, par leur consommation, porter l’effort de croissance. Par ailleurs, les politiques mises en place par les pays européens ont les plus grandes difficultés à rassurer les marchés et à porter leurs fruits en matière de croissance. La situation européenne semble avoir un facteur plus aggravant par rapport à la situation japonaise liée au fait que 90% de la dette est détenue par les ménages japonais ce qui sauve le Japon des humeurs des marchés et de leurs fantaisies, ce qui n’est pas le cas des dettes européennes.
Ces similitudes inquiètent les responsables et les experts dans la mesure où la crise européenne pourrait engendrer une décennie de croissance perdue en Europe si des réponses vigoureuses ne sont pas apportées par les responsables européens. Cette inquiétude est d’autant plus importante que si la décennie perdue japonaise n’a pas eu de grandes conséquences globales, celle que pourrait connaître l’Europe aura un impact important sur son environnement régional et au premier rang duquel les pays arabes. A ce titre, la crise européenne n’aura pas aidé les printemps arabes et pourrait peser plus de manière forte sur un contexte économique déjà morose et expliquer le désenchantement postrévolutionnaire.
Extrait de la chronique de Hakim Ben Hammouda, publiée dans le magazine Le Quorum No 2.
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