(Agence Ecofin) - En 2014, l’Etat kényan estimait à 100 000 le nombre de ses ressortissants travaillant dans les pays du golfe. Malgré les initiatives prises depuis 2015 pour encadrer l’exportation de sa main-d’œuvre, celle-ci reste victime d’abus constamment dénoncés par les ONG.
Le Kenya s'est saisi de la question du mauvais traitement de ses ressortissants en situation de travail en Arabie saoudite. Une visite des agents du ministère kényan du Travail et de la Protection sociale a été annoncée pour novembre prochain par le ministre Simon Chelugui (photo), cité par les médias locaux.
Accusé de ne pas suffisamment protéger ses ressortissants, le gouvernement kényan veut, à travers cette visite, s'attaquer à la question pour dit-il « lutter une fois pour toutes contre les mauvais traitements infligés à ses ressortissants ».
Dans cette optique, un projet d'accord bilatéral sur les lois régissant l'emploi des immigrants kényans en Arabie saoudite va être signé par les deux Etats. Cette mesure n’est pas la première annoncée entre les deux pays. En 2017, le Kenya avait signé une convention avec l’Arabie saoudite qui stipule que le recrutement de travailleurs kényans devrait se faire par l'intermédiaire de bureaux, d'entreprises, d'agences de main-d'œuvre ou de centres de placement, agréés par le ministère kényan du Travail.
L'Arabie saoudite a de son côté entrepris en mars dernier des réformes du Code du travail mettant en partie fin au système de kafala, qui oblige des millions de travailleurs étrangers à être sponsorisés par une entreprise ou un citoyen local. Une mesure qui exposait l'employé à plusieurs formes d'abus notamment l'interdiction de démissionner, de changer d'emploi et même de quitter le pays sans l’autorisation du sponsor, entraînant ainsi une violation de ses droits. Cependant, Nairobi reste inquiet face au nombre croissant de décès enregistrés dans le rang de ses ressortissants au cours de ces dernières années, sur le sol saoudien.
Un poids économique important
Ce sont 41 travailleurs domestiques kényans qui sont décédés en Arabie saoudite depuis début 2021, dans des conditions que Nairobi qualifie de « douteuses ». Dans un pays où la pandémie de covid-19 a fait basculer près de 2 millions de nouvelles personnes dans la pauvreté selon la BAD, les pays du Moyen-Orient, grands consommateurs de main-d’œuvre à bas prix sont considérés comme de véritables moyens de sortir de la précarité.
Au Kenya, on estime qu’un million de jeunes rejoignent le marché de l’emploi chaque année. Pourtant, d’après la Banque mondiale, seulement un demi-million de travailleurs supplémentaires ont été employés entre 2015-2016 et 2019.
Face à ces difficultés à absorber ces nouveaux travailleurs potentiels, le Kenya est devenu l’un des premiers Etats du continent à encadrer l’exportation de sa force de travail qui contribue d’ailleurs à alimenter le flux d’envois de fonds vers le pays. D’après sa Banque centrale, les « remittances » ont grimpé de près de 11% entre 2019 et 2020, malgré la covid-19 passant de 2,7 milliards $ à 3 milliards $, soit 3% du PIB. Les données de l’institution consultées par l’Agence Ecofin pour la période allant de janvier à juin 2021 indiquent que l’Arabie saoudite est la troisième source mondiale d’envois de fonds vers le Kenya, avec plus de 74,8 millions $ reçus en six mois, derrière les USA et le Royaume-Uni.
Malgré cette situation, il reste difficile pour Riyad et Nairobi de faire appliquer aux employeurs les conventions qu’elles ont signées pour éviter les abus et assurer des salaires décents aux travailleurs kényans en Arabie saoudite. Dans son rapport « rétrospective 2020 » sur la situation des travailleurs migrants, Amnesty International a d’ailleurs dénoncé des conditions particulièrement précaires qui se sont accentuées durant les périodes de confinement, en toute impunité.
Abidjan, Côte d'Ivoire. Une plateforme de mise en relation entre les entreprises allemandes et leurs homologues de l’Afrique francophone.