Amis parano bonsoir. Quand une émission comique américaine m’ouvre les yeux sur un problème aussi énorme que l’ingérence par une corporation sur les lois d’un pays, je me sens un peu ridicule et il est peut-être temps pour moi de prendre conscience de ces déséquilibres.
Résumons : l’excellent programme de John Oliver, britannique naturalisé américain mais qui a gardé l’humour caustique typique de nos amis de la Grande Bretagne, vient de mettre en ligne sur YouTube (voir la vidéo en bas de l’article) un sujet sur l’industrie du tabac et avec une maitrise certaine de l’effet comique démontre à quel point les multinationales sont un danger pour nos économies.
Si on se réfère aux 10 dernières années, le marketing et le porte-monnaie des sociétés de tabac ont subi un assaut régulier des gouvernements qui voyaient monter la facture des soins médicaux liés aux tabacs et cela a permis de réduire nettement la consommation. Le Figaro avait même publié en 2012 un article sur la baisse de la consommation de tabac pour la première fois en France suite à l’augmentation des taxes. Aux Etats-Unis la consommation a diminué de près de moitié en dix ans.
Alors pourquoi l’industrie du tabac est-elle toujours en plein boom ? L’explication est simple, les multinationales peuvent aller vers des marchés où les régulations sont plus, comment dire…, souples. Le « smoking baby » d’Indonésie qui en 2010, alors qu’il était âgé de 2 ans, fumait 40 cigarettes par jour ou des stands à cigarettes à la sortie des écoles sont des exemples qui rendraient gaga un membre du personnel de l’OMS ou n’importe quel pneumologue.
Mais Philip Morris ne s’arrête cependant pas seulement à cette conquête des nouveaux marchés mais tente de réduire l’impact des lois à venir. Par exemple, l’Australie a mis en place en 2012 le « plain cigarette packaging », ce qui correspond à avoir sur un paquet de cigarette un label de prévention, une photo perturbante lié aux conséquences du tabac et enfin en bas en petit sur moins d’un quart de la boite, le nom et la marque de la cigarette sur un fond noir. Dans la crainte probable d’une jurisprudence dans cette utilisation du packaging qui réduit à néant toute tentative d’humanisation et cool attitude de la cigarette, Philip Morris a mené une action légale contre l’Australie.
Exemple de « plain cigarette packaging ». Ca détonne forcément par rapport à Joe Camel…
Bien que Philip Morris International a perdu son procès contre l’Australie, ils ont réussi à faire en sorte qu’une requête soit déposé auprès du World Trade Organization (WTO pour les intimes) en sollicitant des pays comme l’Ukraine qui a exactement 0% de relation commerciale sur le tabac avec l’Australie. Les frais légaux de cette action étant en partie payé par Philip Morris, selon John Oliver, on imagine bien que c’est un acte venant du cœur pour cette corporation, en tentant de sauver cette relation si particulière et toute à la fois fraiche et fragile entre l’Ukraine et l’Australie sur le tabac.
Mais alors vous me direz quid de l’Afrique ? Prenons l’exemple du Togo qui a pris conscience de l’impact négatif du tabac. Le Togo a mis en application en septembre 2014 une loi sur les paquets de cigarette avec un message écrit qui indique la dangerosité du tabac sur le paquet. Apparemment plusieurs personnes voulaient aller plus loin car le taux d’illettrisme étant proche de 40% au Togo, ils voulaient se rapprocher du concept Australien et rajouter des images magnifiques de poumons encrassés, entre autres. Philip Morris ayant eu vent de cela aurait, selon une lettre lue par John Oliver, menacé le gouvernement Togolais d’action légale. Ils ont même poussé le ridicule jusqu’à citer le jugement contre le gouvernement australien. Procès qu’ils ont perdu mais visiblement c’est un détail. Mais cela a suffi à faire reculer le gouvernement togolais malgré la demande populaire. Mais qui pourrait les blâmer ? Le Togo a un PIB de 4,3 milliards $ et Philip Morris International a eu un revenu de 80 milliards $ en 2013.
La Namibie aurait aussi fait face à ce type de menaces de la part cette fois de British American Tobacco en 2011.
Même si ces implications dans les affaires souveraines par des multinationales restent anecdotiques, on ne peut s’empêcher de penser à l’immense déséquilibre entre les multinationales et les gouvernements des pays. Et quand un organisme pouvant procéder à un rééquilibrage entre pays comme le World Trade Organization se fait manipuler, c’est encore plus angoissant.
Si on regarde dans le domaine technologique, Apple a un revenu de 182 milliards $ soit plus que le PIB de 49 pays africains (L’Angola est en 5ème position du classement avec un PIB estimé à 130 milliards $) et une valorisation en bourse allant parfois jusqu’à 700 milliards $, une valeur bien supérieure au 1er du classement des PIB africains, le Nigeria avec environ 600 milliards de $. Les appétits d’Apple ou de Google pour des produits de plus en plus innovants qui couvrent des domaines de plus en plus vaste, allant de la voiture électrique ou autonome jusqu’au robot de combat, présagent d’un futur délicat pour les dirigeants et pas seulement en Afrique.
La notion que des « corporations sont des gens » (L’amendement Citizens United de la Cour suprême des Etats-Unis) a déjà été habillement détourné aux Etats-Unis pour le financement des campagnes électorales et je ne vois pas pourquoi, par extension, dans le futur une corporation ne pourrait pas siéger au conseil des Nations unies en tant que pays.
Ok ok j’ai joué à Call of Duty : Advanced Warfare (avec Kevin Spacey qui dirige une corporation présente à l’ONU) il n’y a pas longtemps et ça a donc dû m’influencer un peu… Mais ce n’est pas parce que je suis parano que les autres ne m’en veulent pas…
