(Agence Ecofin) - Les immenses ressources minérales dont regorge le sous-sol africain sont en grande majorité exploitées par des compagnies étrangères. Toutefois, malgré l’écrasante puissance et l’appétit de géants comme Barrick, Anglo American, Vedanta Resources, Vale ou encore Newmont, quelques sociétés du continent arrivent à tirer leur épingle du jeu. Portrait du sud-africain Gold Fields, l’une des premières compagnies minières du continent qui, près de 150 ans après sa création, joue toujours les premiers rôles dans l’exploitation aurifère mondiale.
Toujours plus haut
Dans le classement Dow Jones Sustainability Index 2020, Gold Fiels s’est hissée une nouvelle fois à la première place des compagnies minières sud-africaines les plus performantes : 4e sur le plan mondial et 2e des sociétés actives dans l’or, elle doit son succès autant à ses pratiques sociales et environnementales qu’à sa bonne gestion opérationnelle et économique. La compagnie affiche en effet chaque année des résultats financiers et opérationnels toujours plus excellents. En 2019 par exemple, elle a dépassé ses prévisions de production en livrant 2,19 millions d’onces d’or. Cela a représenté une nouvelle hausse (8%) en glissement annuel et lui a permis de multiplier par douze son bénéfice à 343 millions $. La performance lui permet en outre de maintenir son rang dans la hiérarchie mondiale. Fidèle à son engagement d’excellence, la compagnie a entamé 2020 avec des objectifs encore plus ambitieux.
4e sur le plan mondial et deuxième des sociétés actives dans l’or, selon le classement DJSI de Dow Jones, elle doit son succès autant à ses pratiques sociales et environnementales qu’à sa bonne gestion opérationnelle et économique.
À l’occasion de la publication en février dernier de son bilan annuel 2019, Gold Fields annonce en effet qu’elle vise entre 2 275 000 et 2 315 000 onces pour 2020. Seulement, la compagnie ne prévoyait pas l’interruption de ses activités en Afrique du Sud et sur d’autres actifs hors du continent en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid-19. Cela l’a obligée à revoir ses attentes à la baisse, soit une nouvelle fourchette de production allant de 2,20 à 2,5 millions d’onces. La production a certes baissé (logiquement) au premier semestre, passant de 1,12 million d’onces en 2019 à 1,08 million d’onces en juin 2020, mais Gold Fields a obtenu de meilleurs résultats pour la seconde moitié de l’année. La compagnie a ainsi produit un total de 2,24 millions d’onces en 2020, soit une hausse de 2% en glissement annuel.
En plus d’atteindre ses objectifs révisés, la compagnie a profité de l’excellent cours de l’or pour quadrupler ses bénéfices globaux. Ils sont passés de 163 millions en 2019 à 729 millions $ l’année dernière, alors que le bénéfice normalisé a plus que doublé pour s’établir à 879 millions $.
Comme à son habitude, la compagnie vise plus haut en 2021 et veut produire entre 2,25 et 2,30 millions d’onces d’or, à un coût global compris entre 1020 $ et 1060 $ l’once.
Les clés du succès
L’histoire de Gold Fields est intimement liée à celle de l’Afrique du Sud et de son industrie minière. Fondée à la fin du 19e siècle (1887) par le colonialiste et homme politique britannique Cecil Rhodes, avec son partenaire d’affaires Charles Rudd, la compagnie devenue aujourd’hui Gold Fields fut en effet l’une des toutes premières à exploiter les champs aurifères du pays.
La statue du colonialiste Cecil Rhodes a fait partie des cibles du mouvement Black Lives Matter.
Avant la fin du siècle, trois mines sont mises en exploitation et forment l’épine dorsale de la jeune société. Profitant de la fortune et de l’influence politique de son fondateur, elle se hisse rapidement parmi les plus grandes compagnies minières de l’époque. Elle devient une actrice majeure de l’âge d’or du secteur minier sud-africain, aux côtés du groupe De Beers, une autre pionnière créée en 1885 par le même Cecil Rhodes. Le succès est aussi lié à l’exploitation d’un petit nombre de mines, mais qui hébergent des millions d’onces d’or.
En 1933, la découverte d’immenses gisements dans le West Wits assure presque définitivement la fortune et la postérité de la compagnie. Cette découverte provoquera d’ailleurs, bien avant le début de la production, une hausse soudaine et historique du cours de l’action de la société sur les bourses de Londres et de Johannesburg. La mine de West Driefontein, construite pour exploiter la ressource, entre en service en 1952 avec la production du premier lingot d’or. L’actif confirmera tous les espoirs placés en lui, avec à la clé plusieurs records. Ainsi, en 1967, sa production dépasse celles de toutes les mines d’or en exploitation aux États-Unis. Douze ans plus tard (1979), West Driefontein devient la mine d’or la plus productive de l’histoire et demeure à ce jour la seule à avoir livré plus de 100 millions d’onces !
Douze ans plus tard (1979), West Driefontein devient la mine d’or la plus productive de l’histoire et demeure à ce jour la seule à avoir livré plus de 100 millions d’onces !
À titre d’exemple, ce chiffre est supérieur à la production de toutes les mines d’or du monde en 2010 (environ 99 millions d’onces selon le World Gold Council).
West Driefontein en 1969, en plein apartheid.
Toutes les performances ont néanmoins une fin et les mines d’or les plus rentables n’y échappent pas, bien au contraire. Consciente que les gisements de son pays natal finiront par s’épuiser un jour, Gold Fields entame dès la première moitié du 20e siècle des investissements importants hors de l’Afrique du Sud et même hors du continent.
Présente sur trois continents
Dans les années 1920, la compagnie se retrouve impliquée dans des projets d’exploration minière à travers 26 pays dans le monde. Elle s’active notamment en Australie où elle possède aujourd’hui trois mines en propriété exclusive (St Ives, Agnew et Granny Smith) et une dernière (Gruyere), en coentreprise 50/50 avec l’Australien Gold Road Resources.
La mine Granny Smith en Australie.
Ces actifs ont fourni 40% de la production totale du groupe en 2019. L’évènement le plus marquant dans cette stratégie de diversification de l’entreprise a lieu en 2011 quand, pour la première fois de son histoire, plus de la moitié de la production d’or de Gold Fields provient de mines situées en dehors d’Afrique du Sud. Ce chiffre atteint aujourd’hui 90% et une page semble définitivement se tourner.
En 2011, pour la première fois de son histoire, plus de la moitié de la production d’or de Gold Fields provient de mines situées en dehors d’Afrique du Sud. Ce chiffre atteint aujourd’hui 90% et une page semble définitivement se tourner.
À l’image d’AngloGold Ashanti, la compagnie renforce sa présence en Amérique latine où elle exploite actuellement la mine d’or Cerro Corona au Pérou (13% de la production du groupe en 2019). Toujours dans la région, la compagnie développe Salares Norte au Chili, sa prochaine mine de classe mondiale. Avec une durée de vie supérieure à 10 ans, le projet héberge 4,1 millions de réserves d’or et son entrée en production est prévue pour le premier trimestre 2023. En Afrique de l’Ouest, Gold Fields possède au Ghana deux mines d’or, Damang et Tarkwa, et une troisième, Asanko, en partenariat avec Galiano Gold. Ces trois actifs lui assurent une production annuelle de plus de 700 000 onces, soit une contribution de 37% au rendement total en 2019.
Quelles perspectives ?
Pour Gold Fields, la transition du statut de producteur d’or dépendant largement d’un seul pays à celui de compagnie active dans plusieurs juridictions sur trois continents n’a pas été simple. Plus qu’un choix, cette transformation est devenue une nécessité au fil des ans, avec l’épuisement de ses réserves d’or en Afrique du Sud. La continuité de l’exploitation souterraine a considérablement augmenté les coûts d’exploitation.
Cette situation, conjuguée à une série de grèves dans toute l’industrie minière sud-africaine en 2012, obligera la compagnie à lancer un plan de restructuration et à se séparer des mines Wits Driefontein (devenue KDC) et Beatrix, aujourd’hui gérées par Sibanye Gold.
Elle se concentrera ensuite sur une série de restructurations à South Deep, sa seule mine d’or actuellement en activité dans le pays.
Ces divers aménagements ont permis la réduction progressive du coût global pour chaque once produite. Ce chiffre devrait tomber à 920 $ ou 940 $ en 2020, contre plus de 1000 $ entre 2014 et 2018.
Après avoir consolidé sa position, Gold Fields peut maintenant songer à d’autres plans de croissance. Les regroupements de compagnies aurifères se sont multipliés ces dernières années, à l’image de la naissance du géant Endeavour qui est devenu cette année l’un des membres du top 10 mondial.
Une fusion avec sa rivale et sœur AngloGold Ashanti pourrait être la solution, mais Gold Fields peut très bien poursuivre sa route toute seule. Après tout, 135 ans après sa création, elle s’en sort plutôt bien.
Emiliano Tossou
Sofitel Manhattan, NY, USA