(Agence Ecofin) - En Afrique du Sud, le secteur minier a perdu de sa splendeur au cours de ces dernières années. Entre production minière en baisse, épuisement des réserves, crises à répétition, la contribution des mines à l’économie n’a cessé de baisser. Si les pessimistes ont vite fait de prédire un avenir sombre pour le secteur, la réalité pourrait être toute autre. La lueur d’espoir : le pays détient la future grande mine de métaux précieux à l’échelle mondiale et est en voie de la mettre en production. De quoi entrevoir une résurrection.
Ces derniers mois ont été difficiles pour le marché des matières premières et les métaux n’y ont pas échappé. Mais en dépit de la pandémie de Covid-19 qui a déferlé sur la planète, plusieurs minéraux ont, pour des raisons diverses, continué à performer et tiré leur épingle du jeu. En tête de peloton se trouve l’or, qui a affolé les compteurs au fil des mois et même franchi pour la première fois la barre historique des 2000 dollars/once. Les performances de l’or n’éclipsent pas celles de ses frères du groupe des métaux précieux.
« Platreef dance » au son de Jerusalema, le tube planétaire sud-africain.
Déjà avant la crise sanitaire, le rhodium se négociait à un prix sept fois plus élevé que celui de l’or. Aujourd’hui, le plus précieux des métaux du groupe du platine est vendu à près de 10 000 $ l’once. Pour sa part, le palladium se négocie aujourd’hui à plus de 2300 dollars l’once, soit beaucoup plus cher que son record d’octobre 2019 de 1800 $. Il vole ainsi la vedette au platine (1066 $) avec lequel il est en concurrence directe sur certains marchés.
Tous ces métaux à la fois sur une même mine.
Tous ces métaux onéreux, l’Afrique du Sud en détient des quantités considérables et pour ceux qui ont semblé l’oublier, 2020 s’est chargé de rappeler que même en déclin, le secteur minier du pays continuera d’occuper une place importante dans le paysage minier international. Mieux et chose extraordinaire, il est possible de produire tous ces métaux à la fois sur une même mine.
La future mine de métaux précieux parmi les plus grandes au monde
Comme la plupart des secteurs clés de l’économie, l’industrie minière sud-africaine a vécu une année 2020 délicate sur tous les plans en raison de la pandémie de covid-19. Les restrictions imposées par le gouvernement pour limiter la propagation du virus ont entrainé la fermeture temporaire des mines et le Conseil des minéraux pense que cela causera une baisse de 8 à 10 % de la production pour l’ensemble de l’année malgré les signes de résilience du secteur.
Platreef Investor Day, December 3, 2020 from Ivanhoe Mines on Vimeo.
Cependant, au milieu de ces difficultés, une nouvelle est arrivée comme une grande lueur d’espoir pour l’avenir. Fin novembre dernier, la compagnie canadienne Ivanhoe Mines a publié l’étude de faisabilité actualisée de son projet de métaux précieux Platreef.
La mine qu’elle envisage de construire est présentée comme la prochaine grande mine de métaux précieux que connaitra le monde. Elle possède à la fois de grandes réserves d’or, de platine, de palladium, de rhodium, mais également en tant que sous-produits des métaux comme le nickel et le cuivre.
La mine qu’elle envisage de construire est présentée comme la prochaine grande mine de métaux précieux que connaitra le monde. Elle possède à la fois de grandes réserves d’or, de platine, de palladium, de rhodium, mais également en tant que sous-produits des métaux comme le nickel et le cuivre.
#NEWS - @IvanhoeMines_ announces powerful results of the updated feasibility study (FS) for the world-scale Platreef #palladium, #platinum, #rhodium, #nickel, #copper and #gold project in South Africa: https://t.co/jo5TZw8MTA#SouthAfrica #mining #sustainabledevelopment pic.twitter.com/ThJXVd16NU
— Ivanhoe Mines (@IvanhoeMines_) November 30, 2020
Pour ceux qui annonçaient déjà la fin de l’exploitation minière en Afrique du Sud, les prédictions ne se réaliseront pas de sitôt. L’étude de faisabilité présente une mine capable de produire annuellement en moyenne 508 000 onces de platine, palladium, rhodium et or, mais aussi 35 millions de livres de nickel et de cuivre, des métaux essentiels pour la transition énergétique. Les ressources du projet seraient capables d’assurer une exploitation sur une durée de vie de 30 ans. En d’autres termes, si l’échéance d’entrée en production annoncée pour 2025 est respectée, la mine continuera d’être exploitée jusqu’en 2055.
La manne financière qui attend Ivanhoe et l’Afrique du Sud
Les métaux du groupe du platine que produira Platreef ont un bel avenir dans le domaine des énergies propres, notamment les piles à hydrogène. Dans le même temps, le nickel et le cuivre sont des métaux essentiels pour les initiatives de décarbonisation et l’électrification mondiale.
Les métaux du groupe du platine que produira Platreef ont un bel avenir dans le domaine des énergies propres.
A une époque de changements sans précédent comme celle que nous vivons actuellement, l’utilité de ces métaux va grandissant. « Si vous voulez de l’air pur et si vous voulez arrêter de brûler du charbon et des hydrocarbures, le monde a immédiatement besoin de beaucoup plus de cuivre, de nickel et de métaux du groupe du platine », commente d’ailleurs Robert Friedland, patron d’Ivanhoe.
« Si vous voulez de l’air pur et si vous voulez arrêter de brûler du charbon et des hydrocarbures, le monde a immédiatement besoin de beaucoup plus de cuivre, de nickel et de métaux du groupe du platine »
Pour la compagnie et ses partenaires, l’Afrique du Sud, être bien positionnés sur des ressources aussi précieuses sera une source considérable de profits. En se basant dans son étude de faisabilité sur des estimations de prix bien en dessous des cours actuels de chaque métal (1050 $/oz pour le platine, 1400 $/oz pour le palladium, 1560 $/oz pour l’or et 5000 $/oz pour le rhodium), Ivanhoe a indiqué que le projet aura une valeur actuelle nette (VAN) après impôt de 1,8 milliard $ et un taux de rentabilité interne de 19,8 %.
Les ressources du projet seraient capables d’assurer une exploitation sur une durée de vie de 30 ans.
En comparaison, si on s’appuie sur les prix au comptant des différents métaux à la date du 27 novembre 2020, la VAN serait de 3,7 milliards $ et le taux de rentabilité interne de 28,4 %. Si le projet Platreef devait entrer en production aujourd’hui, c’est même une sacrée manne financière que toutes ces parties prenantes récolteraient. Il faudra attendre de voir comment les prix évoluent sur les prochaines années, mais avec le statut « stratégique » de ces métaux, il y a de grandes chances pour que la tendance haussière se poursuive.
Le signe de la renaissance du secteur minier sud-africain
Il y a juste quelques années, prédire un avenir reluisant pour le secteur minier sud-africain relevait de l’impossible. Ce pilier de l’économie de la nation arc-en-ciel était englué dans des problèmes et peinait à s’en sortir. Hausse des coûts (électricité, salaires, infrastructures), prix à la baisse, troubles sociaux et revendications ouvrières, épuisement des réserves, absence de nouvelles opérations minières, vieillesse des opérations existantes. Les maux dont souffrait le secteur étaient nombreux. Le pays a d’ailleurs perdu sa place de premier producteur d’or du continent africain au profit du Ghana, en raison d’une production sur la pente descendante depuis plusieurs années. Alors qu’il employait à ses heures les plus fastes (dans les années 1980), jusqu’à 760 000 salariés et contribuait à hauteur de 21 % au produit national brut (PNB) selon les données officielles, ses effectifs ne comptaient plus, en 2017, que 460 000 travailleurs et fournissaient moins de 10 % du PNB. Et la tendance est loin de s’être inversée depuis.
Platreef, une bouffée d’espoir pour le secteur minier sud-africain.
Toutefois, tout n’est pas perdu pour l’avenir du secteur minier sud-africain. Déjà, Platreef est la preuve qu’il ne faut pas l’enterrer tout de suite. Le sous-sol du pays héberge encore des ressources minérales inexplorées et inexploitées et l’Afrique du Sud continuera d’occuper une place particulière dans le monde minier. Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps et une seule mine, aussi grande et immense soit-elle, ne fera pas l’avenir du secteur minier sud-africain, mais son entrée en production sera un début de solution aux problèmes susmentionnés. Mieux Platreef montre qu’il est encore possible de réaliser des découvertes minières majeures dans la nation arc-en-ciel, ce qui peut attirer de nouvelles compagnies dans le pays.
Mieux Platreef montre qu’il est encore possible de réaliser des découvertes minières majeures dans la nation arc-en-ciel, ce qui peut attirer de nouvelles compagnies dans le pays.
Cependant, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’attractivité d’un secteur minier, le potentiel ou l’existence des ressources n’est qu’un facteur. Il faut également prendre en compte la politique minière et sur ce plan, il faudra pour le gouvernement de Cyril Ramaphosa redoubler d’ardeur. Une chose est certaine, l’Afrique du Sud n’atteindra peut-être plus les chiffres de son époque de gloire sur le marché minier, mais l’avenir du secteur n’est pas aussi sombre qu’on pouvait le craindre, il a encore de beaux jours devant lui.
Louis-Nino Kansoun
Sofitel Manhattan, NY, USA