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Les NFT, l’opportunité qu’attendait l’art africain…

  • Date de création: 16 juillet 2021 17:12

(Agence Ecofin) - 69,3 millions $ ! C’est la somme qu’a rapportée à l’artiste américain Beeple, en mars 2021, la vente sous forme de NFT de son œuvre d’art numérique « Everydays : the First 5000 Days ». Selon le concept, l’acheteur ne détient pas l’œuvre même, mais une preuve numérique pour justifier qu’elle lui appartient et qu’elle est authentique. Si les NFT existent depuis un moment, ces actifs numériques basés sur la blockchain ont le vent en poupe depuis quelques mois, notamment à cause de l’ouverture qu’ils offrent sur le monde de l’art et les objets de collection. C’est justement sur ce dernier volet qu’ils pourraient représenter une belle chance pour l’Afrique et ses artistes encore peu connus dans le monde.

 

Comme les cryptomonnaies ou encore la technologie blockchain, un grand flou entoure encore la notion de NFT pour nombre d'entre nous. Il faut dire que la plupart des internautes ne sont tombées sur ces trois lettres qu’au cours de ces derniers mois au fur et à mesure de la ferveur qu’elle suscite. Les jetons non fongibles (non-fungible tokens) sont une classe d’actifs numériques basés sur la même technologie que le Bitcoin et ses pairs, en l’occurrence la blockchain. Ils représentent des certificats d’authenticité uniques, infalsifiables qui permettent à leur détenteur de justifier la possession d’un bien. A la différence des cryptomonnaies, des monnaies fiduciaires ou du blé, de l’huile, du vin... qui sont tous des « biens fongibles ou de genre », les NFT ne sont pas interchangeables.

La nouvelle tendance du Web

L’œuvre d’art numérique vendue en mars par Beeple (Mike Winklemann) est en fait un collage de 5000 images numériques créées par l’artiste pour sa série Everydays. Le NFT associé a été cédé en Ethereum par Christie’s à Vignesh Sundaresan (alias MetaKovan), un programmeur basé à Singapour et propriétaire de Metapurse. MetaKovan reçoit les droits d'affichage de l'œuvre, mais pas les droits d'auteur. Il a exposé l'œuvre en pleine résolution dans un musée numérique.

 

Quelques jours après Beeple, c’est le patron de Twitter, Jack Dorsey, qui décide de vendre aux enchères sous forme de NFT le tout premier tweet de l’histoire « Je crée mon compte Twttr ». L’entrepreneur Sina Estavi a acquis cet actif en déboursant pas moins de 2,9 millions $. Dans la lignée du fondateur de Twitter, les ventes de tweets, en tant qu’objets de collection numériques, se sont multipliées. Un collectionneur d’art basé à Miami a vendu une vidéo de 10 secondes pour 6,6 millions $, lors d'une vente aux enchères. Twitter même a annoncé plus récemment vouloir distribuer gratuitement à ses abonnés 140 jetons non fongibles ayant rapport à son univers ou représentant des épisodes de son histoire.

En juin 2021, Tim Berners-Lee, le fondateur du Web, a également suivi la tendance en mettant aux enchères une édition des fichiers originaux horodatés de son code source du Web. La vente organisée par la maison Sotheby’s lui a rapporté 5,4 millions $ qu’il compte reverser à des initiatives soutenues par son épouse et lui.

Simple effet de mode ?

Les cas de vente susmentionnés ne sont que les exemples les plus connus de l’engouement suscité par les NFT depuis plusieurs mois. Plus récemment, un avatar numérique rare, connu sous le nom de CryptoPunk, a été vendu chez Sotheby's pour plus de 11,7 millions $. Selon les données de Reuters, les ventes de NFT ont atteint 2,47 milliards $ au premier semestre, contre 13,7 millions $ sur la même période un an plus tôt.

Selon les données de Reuters, les ventes de NFT ont atteint 2,47 milliards $ au premier semestre, contre 13,7 millions $ sur la même période un an plus tôt.

Toute la ferveur qui entoure ces actifs pousse en effet plusieurs artistes à s’y intéresser. Et ils ne sont pas les seuls. En dehors des maisons de vente aux enchères, des maisons de couture et de mode, mais également des collectionneurs, le monde des NFT attire aussi de grandes entreprises.

 

Le dernier gros exemple est sans doute celui d’eBay. Le géant américain a décidé en mai dernier d’intégrer la vente de ces actifs numériques à sa plateforme. Dans le détail, eBay indique que les premiers stocks de NFT seront fournis par ses « vendeurs de confiance » dans des catégories telles que les cartes de collection, la musique, le divertissement et l’art. « Ce n'est qu'un début. Ce déploiement initial nous permettra d'en savoir plus sur ce qui est important pour notre communauté. Attendez-vous à voir apparaître des programmes, des politiques et des outils qui permettront à notre public d'acheter et de vendre des NFT avec plus de facilité et de confiance, dans un plus grand nombre de catégories », a déclaré la société.

« Attendez-vous à voir apparaître des programmes, des politiques et des outils qui permettront à notre public d'acheter et de vendre des NFT avec plus de facilité et de confiance, dans un plus grand nombre de catégories.»

Voir une entreprise du statut d’eBay « adouber » le marché naissant des jetons non fongibles suscite évidemment des interrogations. Un temps considéré comme un simple effet de mode ou une bulle qui va vite exploser, les NFT valent-ils désormais plus que ça ? Ont-ils vraiment un avenir à long terme ? Dans un entretien accordé en avril dernier à French Web, Charles Kremer DG de The Blockchain Xdev, a indiqué que la « hype » autour de ces actifs est en ligne avec la démocratisation générale de la blockchain qui profite de l’intérêt que lui portent des personnalités connues. « On est certainement aujourd’hui dans de l’excès, favorisé par le contexte actuel, quand on voit les prix des transactions qui peuvent se faire. C’est comme beaucoup de choses liées à la blockchain. Il y a eu des modes ou des bulles qui ont un peu éclaté, mais les fondamentaux sont restés », a-t-il indiqué.

Comme lui, plusieurs analystes pensent que l’engouement actuel va descendre, mais que le nouveau marché a quand même un avenir. Pour Nadya Ivanova, directrice des opérations de l’Atelier, un cabinet de recherche affilié à BNP Paribas, les NFT auront probablement une valeur à long terme « importante ». Selon elle, au-delà de l’art numérique, ces actifs pourraient jouer un rôle dans le développement de mondes virtuels immersifs à mesure que la technologie de la réalité augmentée et virtuelle arrivera à maturité.

Selon elle, au-delà de l’art numérique, ces actifs pourraient jouer un rôle dans le développement de mondes virtuels immersifs à mesure que la technologie de la réalité augmentée et virtuelle arrivera à maturité.

Pour Geoff Osler, PDG de S!NG, une autre utilisation qui devrait gagner en popularité dans le futur serait la musique. De plus, d’après lui, le destin des NFT sera étroitement lié à celui des cryptomonnaies. « Les cryptomonnaies sont là pour rester – et les NFT signifient qu'il y a maintenant quelque chose à acheter », a-t-il indiqué à CNBC.

Une chance à saisir pour l’art africain

En mars, Oyindamola Oyekemi Oyewumi, une artiste nigériane de 24 ans qui crée des portraits au stylo à bille, a posté sur Twitter son dessin de Charles Hoskinson, le patron d’IOHK, l’entreprise derrière la blockchain Cardano. Hoskinson a remarqué le tweet et l’a mis en vente en tant que NFT. A la fin du mois, le tweet contenant le dessin s’est vendu à 6300 $.


 

L’artiste nigériane vendra elle-même par la suite son premier NFT. Et elle n’est pas la seule à suivre la tendance. Au Nigeria, comme ailleurs en Afrique, les créateurs d’art profitent bien de ce nouveau marché virtuel pour donner de la visibilité à leurs productions. Osinachi, un des artistes numériques nigérians les plus populaires a indiqué à CNN qu’il peut demander des prix jusqu’à cinq chiffres pour ses œuvres NFT. 

Pour Uyi Amokaro, cofondateur de WeAreMasters, une place de marché numérique spécialisée dans les cryptomonnaies de collection et les NFT africains, c’est un « grand marché ». « Nous nous éloignons des œuvres d’art traditionnelles. Tout le monde peut maintenant être un artiste et vous n’avez pas besoin d’attendre qu’une galerie vous prenne en charge et décide que vous avez de la valeur », a-t-il expliqué dans ses propos relayés par CNN.

« Nous nous éloignons des œuvres d’art traditionnelles. Tout le monde peut maintenant être un artiste et vous n’avez pas besoin d’attendre qu’une galerie vous prenne en charge et décide que vous avez de la valeur.»

Si le potentiel des NFT pour les artistes africains ne fait pas de doute, de nombreux défis restent encore à relever sur le continent, plus qu’ailleurs.

 

En dehors du temps pour se familiariser avec ce nouvel univers, des questions classiques comme la pénétration Internet et la qualité de la connexion demeurent. Toutefois, de tous les défis, le plus grand concerne sans doute les politiques gouvernementales vis-à-vis de ces nouveaux actifs. Alors que les Etats tendent à réprimer l’utilisation des cryptomonnaies, il faut pour les artistes africains qui découvrent le monde des NFT trouver d’autres moyens pour convertir leurs recettes en monnaie locale.

Louis-Nino Kansoun

 Louis Nino Kansoun

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